Nos sportifs exerçant en Libye racontent leur calvaire

Nos sportifs exerçant en Libye racontent leur calvaire
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Comme tout le monde le sait, la situation en Libye est des plus chaotiques. Plusieurs centaines de morts et des milliers de blessés ont été recensés après le soulèvement populaire contre le colonel El Gueddafi, qui s’est déclenché il y a une semaine maintenant. Plusieurs de nos ressortissants vivent dans ce pays, et ce n’est qu’avant-hier qu’un premier groupe de 250 personnes a pu regagner le pays par vol spécial de la compagnie nationale Air Algérie, fuyant du coup ce pays mis à feu et à sang par les milices d’El Gueddafi. Parmi ces revenants, il y avait des personnalités de football bien connues dans le milieu, à l’image de l’ex-entraîneur du RC Kouba, Mohamed Belaradj, l’ancien adjoint de Henkouche au CRB, Sofiane Nechma,

l’ex-Harrachi, Rouane Benhalima et bien d’autres.



Traumatisés par le déchaînement de violence, les tueries en masse auxquelles ils ont assisté, nos ressortissants ont été contraints à tout abandonner sur place et revenir le plus rapidement au pays. Contactés par nos soins, ces acteurs du football algérien ont bien voulu répondre à nos questions et nous parler de la situation qu’ils ont laissée là-bas.

Belaradj : «Dieu merci, on est revenus sains et saufs»

LG Algérie

Vous êtes revenu de Libye hier matin (NDLR : mardi) après plusieurs jours de cauchemar, suite aux terribles événements qui secouent ce pays. On imagine que vous êtes soulagé ?

Et comment que je suis soulagé ! Dieu merci, je suis revenu sain et sauf et tout s’est finalement bien terminé. On a vraiment galéré, mais El Hamdoulilah, à présent, je me trouve auprès de ma famille et de mes amis. Je me sens nettement mieux.

Vous étiez en Libye, car vous entraîniez le club de Janzour (une ville qui se trouve à quelques kilomètres seulement de Tripoli), qui évolue en Division 2, c’est bien ça ?

En effet, j’entraîne ce club depuis l’entame de la saison et bizarrement, le jour où on a atteint la première place, les événements ont éclaté. On a réalisé un bon parcours jusque-là et on était bien placés pour la montée. Malheureusement, les choses ont dérapé et tout a été arrêté à présent. Il n’y plus de championnat, ni rien du tout.

Justement, pouvez-vous nous raconter comment ces événements ont débuté ?

Je ne peux vous dire avec exactitude comment les choses ont éclaté, car moi-même je n’ai rien compris. La situation a vite dégénéré et de suite les choses sont devenues ingérables. La protestation a débuté exactement à Benghazi, avant de s’étendre à Tripoli. C’est vraiment malheureux ce qui se passe. Le peuple libyen est très accueillant et ne mérite pas ça. Je suis vraiment déçu de la tournure qu’ont prise ces événements.

On évoque plusieurs centaines de morts et des milliers de blessés. Confirmez-vous cela ?

C’est vrai que la situation là-bas n’est pas du tout rassurante et demeure plus qu’alarmante. Il y a eu beaucoup de pertes humaines et je crois même que les choses s’empirent de jour en jour. Cela dit, je ne veux pas trop m’étaler sur ce sujet-là, car c’est du domaine politique et cela ne me concerne pas trop. Ce qui est regrettable, ce sont tous ces morts. Je compatis et j’espère vraiment que la situation évoluera le plus rapidement possible. Il faut que ça s’arrête !

Quand est-ce que vous avez décidé de rentrer au pays et fuir cette situation désastreuse ?

Au début, je suivais la situation avec un certain intérêt. Ça a débuté à Benghazi, et tout doucement la furia a atteint la capitale. Là, j’ai appelé les responsables de l’ambassade pour voir plus clair et discuter de ce qu’on devait faire.

Et ensuite ?

Par la suite, quand la violence a atteint un niveau très grave, l’ambassade a promis de nous dépêcher des avions pour rentrer au bled et retrouver ainsi nos familles. Une promesse qui a été tenue, puisqu’on est tous arrivés à Alger hier après-midi. Mais les choses ne se sont pas déroulées avec facilité, puisqu’on a dû galérer durant des heures dans des commissariats de police, où on nous posait plusieurs questions. Le chemin vers l’aéroport fut très compliqué.

Vous étiez accompagné de plusieurs autres personnalités sportives algériennes ; n’est-ce pas ?

Oui, en effet. Il y avait avec moi Sofiane Nechma, Mourad Adjaout et le joueur Rouane Benhalima entre autres. On est revenus sur le même vol et je ne vous cache pas qu’on était très heureux de retrouver nos familles à l’aéroport d’Alger. Revenir au pays nous a fait beaucoup de bien. Cependant, je tiens à saluer le courage de nos compatriotes qui sont encore là-bas, et qui font face à cette pénible situation. J’espère qu’ils retrouveront le calme le plus vite possible et qu’ils s’éviteront des ennuis. Permettez-moi d’ajouter quelque chose.

Oui, allez-y…

Je tiens personnellement à remercier les autorités algériennes pour leurs efforts de nous faire revenir au pays le plus rapidement possible. Ça n’a pas été si facile que cela et je peux vous assurer qu’il y a actuellement des milliers d’étrangers de différentes nationalités en Libye, qui n’ont pu regagner leurs pays. On est les premiers à avoir quitté ce pays et cela prouve que l’Algérie est forte et que ses responsables se soucient de leurs ressortissants.

Est-ce que vous comptez revenir en Libye et reprendre votre travail lorsque la situation s’apaisera ?

Pour l’instant, je ne sais pas trop. Il faut tout d’abord que le calme revienne et surtout, je dois connaître la position des autorités algériennes avant de faire quoi que ce soit. Je suis un citoyen algérien et je dois me soumettre aux ordres de l’Etat.

Vous auriez aimé sans doute terminer votre travail et faire accéder le club en première division avant de le quitter ?

Bien entendu. C’est vraiment dommage de voir un travail de six mois s’envoler comme ça ! Mais bon, ce n’est pas le plus important. Je souhaite que nos frères libyens s’en sortent et que ces tueries cessent. En tout cas, je dois m’estimer heureux d’avoir retrouvé mes proches, et c’est ce qui compte !

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Rouane «On entendait le son des balles qui fusaient de toute part»

L’ancien joueur de l’IRB Mechria, l’USM Blida et du CABBA, Rouane Benhalima, qui évolue actuellement au sein d’El Wihda de Libye (D1), s’est dit traumatisé par l’ampleur des violences qui se déroulent en ce moment dans ce pays, remerciant Dieu de l’avoir préservé et de lui avoir permis de regagner l’Algérie et retrouver ainsi ses proches. Auteur d’une bonne saison, Rouane en est à six buts inscrits cette saison.«A vrai dire, au début, la contestation a débuté à Benghazi et rien n’indiquait que ça allait prendre toute cette proportion. Ce n’est que par la suite que les violences ont atteint la capitale. Là, les choses ont dégénéré et ça devenait incontrôlable. On se sentait quotidiennement en danger de mort. Moi, personnellement, je n’ai pas quitté mon domicile durant trois jours de suite. J’entendais le son des balles qui fusaient de partout. On avait vraiment peur, mais heureusement que les autorités algériennes sont intervenues à temps pour nous ramener au pays et nous sauver de cet enfer. J’espère que la situation s’améliorera et que la violence prendra fin, car il est vraiment regrettable de perdre des vies ainsi», nous a raconté Rouane.

Nechma : «J’ai une pensée pour Hebbi et Bouali qui sont encore coincés à Benghazi»

«Dieu merci, on est encore vivants, notamment après tout ce qu’on a vécu. Je dois vous dire qu’on a vraiment souffert là-bas. Le climat était insoutenable et la violence devenait intense de jour en jour. Les dernières 72h étaient très difficiles pour nous à Tripoli. Je ne sortais plus de ma maison, par peur de recevoir une balle perdue ou d’être tabassé.

Je tiens à saluer surtout le courage de Bouali et Hebbi, qui sont encore coincés à Benghazi et qui n’ont pas pu revenir avec nous. J’ai une grande pensée pour eux. Je remercie les autorités algériennes de nous avoir pris en charge et de s’être inquiétées pour nous. Personnellement, je n’oublierai pas de sitôt ce cauchemar», nous a dit l’ancien adjoint au Chabab, actuellement entraîneur à Al Madina.