Autres temps, autres mœurs ? Il faut le croire puisque les ramadans, s’ils se suivent, ne se ressemblent plus.
Ni l’ambiance ni les décors ne sont ce qu’ils étaient par le passé, sans parler du comportement aujourd’hui versé plus que jamais dans une course vers les marchés, les boucheries… et les profits nés d’une spéculation effrénée de la part des commerçants qui ne connaissent rien de la rahma.
Au lieu d’être spécialement tourné vers le culte et la spiritualité, le ramadan chez nous reste un perpétuel mois de ravitaillement chaque année.
Vous prenez le journal ou les journaux de la même période et vous remontez dix ans, voire vingt ans plus tôt, et vous constaterez que rien ou presque n’a jamais changé, que les mêmes problèmes se sont posés et que les mêmes promesses ont été faites tout le temps.
Les pouvoirs publics annoncent invariablement l’arrivage de viande rouge par bateaux entiers pour permettre aux plus démunis d’avoir accès à un marché jusque-là inabordable.
Ils annoncent tout aussi invariablement des dispositions pour éviter les pénuries et donc la valse des étiquettes et promettent dans la foulée un meilleur contrôle des commerces tant sur le plan de l’hygiène que des prix.
Les élus, de leur côté, dressent la liste des déshérités de leur commune et se font fort de leur distribuer chaque jour un couffin garni pour les aider à mieux supporter ce mois de jeûne et de privations.
Les associations caritatives leur emboîtent généralement le pas ainsi que des zaouïas et le Croissant-Rouge.
Les administrations changent leurs horaires de travail, les transports aussi, bref tout le mode se met au diapason pour que rien ne perturbe «Sidna ramadan».
Malheureusement, toutes les mesures prises aussi bien par l’Etat que par la société civile ne tiennent jamais la route à l’épreuve du terrain.
Quelle que soit l’armée des inspecteurs et des contrôleurs injectés sur le marché, les prix des denrées alimentaires ne sont jamais maîtrisés. Bien au contraire.
Avant même l’arrivée du ramadan, la première pénurie est provoquée par les marchands de zlabias et de gâteaux traditionnels qui font main basse sur le sucre. La tension est si forte sur le produit qu’il est souvent stocké et proposé à des marges bénéficiaires qui ouvrent la voie à toutes les spéculations possibles et imaginables.
Le dysfonctionnement de notre circuit de distribution tel que les arrivages promis par l’Etat n’arrivent jamais à point et quand ils arrivent, leur impact sur le marché est presque insignifiant.
Quant aux couffins destinés aux couches les plus pauvres de la population, l’expérience a montré que la plupart d’entre eux prenaient une autre direction, qu’ils étaient mal servis, jamais à temps au point qu’une famille n’a reçu son premier colis que la veille de l’Aïd.
L’expérience a également montré que les meilleurs chiffres d’affaires des marchands de gâteaux, de fruits et de légumes ainsi que des bouchers étaient réalisés pendant ce mois, preuve que le ramadan est loin d’être un mois de rahma en Algérie.
Nous avons tout faux.
I.Z