La comptabilité, nous dit un chercheur algérien qui vient de consacrer une thèse au nouveau système financier algérien, «n’est plus seulement un moyen de preuve (prescrite par le Code de commerce) ou un système nécessaire pour calculer l’impôt sur les bénéfices (art 139 Code des impôts et taxes assimilées)», c’est maintenant un outil «indispensable au service de l’information des dirigeants, des actionnaires et des tiers, à la fois pour prendre des décisions et pour permettre la comparaison des performances des entreprises».
Samir Merouani, c’est de lui qu’il s’agit et à qui nous avons emprunté cette réflexion, ajoute que «dans un monde où les capitaux, les marchés et les entreprises sont internationaux, la comptabilité financière doit, elle aussi, être internationale pour atteindre l’objectif de comparer les états de performance». L’objectif est «d’harmoniser les outils comptables, moyens de pilotage interne de l’entreprise, et de les amener à fournir une information financière normalisée, comparable et fiable auprès des investisseurs».
Il n’y a pas de doute, le nouveau référentiel est «un passage obligé pour les entreprises algériennes qui aspirent à faire face à la mondialisation de l’économie», nous disent la plupart des experts que nous avons contactés pour faire le point sur ce passage. Mais le consensus est loin d’être atteint lorsque l’on sait que beaucoup redoutent des «difficultés énormes» sans en préciser la nature puisque sur le plan des normes, la direction de la normalisation comptable qui relève du ministère des Finances a publié plusieurs notes explicatives à même de constituer des outils aux mains des professionnels.
La direction de l’administration fiscale qui, elle aussi, a pour souci de gérer les répercussions fiscales de ce nouveau référentiel, souligne déjà la publication de la nouvelle liasse fiscale, de la déclaration propre au nouveau référentiel….
De plus, sur le marché, il y a une vingtaine de logiciels dont certains sont déjà homologués. Il semble que la formation a été le ventre mou de cette transition puisque c’est au niveau de la corporation des comptables et financiers que l’on parle de ces difficultés d’assimilation. A tel point que l’on redoute que finalement ce nouveau système ne fait qu’ouvrir la voie à la «légalisation des cabinets étrangers» seuls rodés à ses arcanes. En effet, il y a plusieurs cabinets qui activent en Algérie dans l’accompagnement, l’encadrement mais qui font appel inévitablement à l’expertise algérienne qui est «appréciable», nous dit-on. Parmi ces cabinets, on peut citer Ernest and Young, dont un responsable nous a accordé une interview sur ce dossier, Deloite, KPMG….
LES FINANCIERS TRAVAILLENT DE «COMPTE À COMPTE»
Les financiers ne sont pas vraiment loquaces, ils sont tout simplement vagues dans leurs réponses. Peu d’entre eux entrent directement dans le vif du sujet. À un financier à qui nous avons demandé à savoir le pourquoi de ces appréhensions, celui-ci n’hésite pas à répondre que la formation a été «insuffisante». De plus, certains responsables issus pour la plupart des anciens cursus n’arrivent pas à s’ériger en «financiers», ce que propose désormais le nouveau référentiel, dit-il.
«On ne peut pas demander à un ancien capiste» par rapport au diplôme CAP (certificat d’études comptables) généralement exigé pour ces postes, de faire cet effort, reconnaît-il plus loin, il faut, exige-t-il, de «la formation continue et un vrai bagage».
Pour ce qui est de l’approche, nous apprenons que les financiers sont aujourd’hui à «faire du compte à compte», c’est-à-dire comparer entre le nouveau et l’ancien. Il ajoute une autre raison d’inquiétude, sa crainte de voir certaines normes «non publiées à temps». C’est pour cela que l’on anticipe à ce titre «une période d’affolement de quelques années» dans la mise en œuvre du nouveau plan comptable. Un autre commissaire aux comptes qui gère les dossiers de plusieurs entreprises parlera de «grosses difficultés d’application» sans aller loin, c’est aux «responsables de préparer le terrain et de faciliter son application», ajoute-t-il suite à notre insistance. Alors réticences ou appréhensions objectives ? Il n’ y a pas plus qu’une idée de résistance au changement que nous ayons pu déceler dans les propos. Travailler près de 40 ans (le PCN a été adopté en 1975) pour se voir «imposer un nouveau référentiel, c’est pas facile à admettre», nous dit en toute franchise un cadre financier à la retraite qui fait du consulting auprès de cabinet de comptabilité. Mais aujourd’hui, les entreprises doivent jouer de la transparence et accepter en conséquence cette mutation, ses partenaires «ont besoin de plus de transparence», selon l’expert de Ernest and Young.
Bien qu’adopté en 2004 et publié en 2007, l’IAFRS (International Accounting Fiancial Reporting Standards) a été retardé d’une année, de 2009 à 2010, et ce pour donner toutes les chances de succès à ce nouveau dispositif. Il reste toujours cependant comme une panique chez les professionnels, y compris les étudiants universitaires qui se demandent s’ils peuvent «trouver de la doc sur le nouveau référentiel».
Il est vrai que l’ancien président de l’Ordre des experts comptables et financiers a, dès le départ, tiré la sonnette d’alarme sur les insuffisances de la formation. M. Hamdi parlait, en effet, de l’existence d’un petit nombre d’experts en Algérien avec 1,4 million d’entreprises à encadrer.