Elu sur une liste indépendante à Tizi Ouzou, Nordine Aït Hamouda, fils du Colonel Amirouche, nous donne dans cet entretien un avant-goût de ce que seront ses interventions dans cette APN qui sera installée aujourd’hui.
Le Soir d’Algérie : Vous êtes élu député de la wilaya de Tizi Ouzou sur la liste «Alternative citoyenne». Quels sont vos commentaires à ce propos ?
Nordine Aït-Hamouda : En premier lieu, je dois exprimer toute ma gratitude et ma reconnaissance à toutes celles et tous ceux qui ont soutenu notre initiative et qui ont permis mon élection grâce à leur parrainage et ensuite leur vote en faveur de notre liste. L’élection de députés indépendants constitue une première dans notre wilaya ; le message de la population est clair : il est désormais possible de participer à la vie politique tout en s’affranchissant des chapelles politiques. La politique citoyenne est en marche et ça sera le cadre où chacun pourra s’exprimer et avoir son mot à dire dans la cité sans avoir à s’enfermer dans des cercles qui biaisent la militance et réduisent le combat politique à des ambitions démesurées où le copinage s’associe à l’argent sale pour s’imposer.
Nous devons aussi capter les deux autres messages de cette élection : l’abstention et le vote nul. Ceux qui ont boudé les urnes, pour ma part, et contrairement à ceux qui les dénigrent, je considère qu’ils expriment un sentiment de rejet envers l’ordre établi, ils rejettent un processus qui, en fin de compte, ne sert qu’à la régénération du système ou, au mieux, à l’embellissement de sa façade… Leur attitude est discutable sans toutefois qu’elle soit condamnable. Un autre phénomène est apparu lors de ces législatives : plus de 1,8 million de bulletins nuls ! C’est loin d’être un fait du hasard ou anodin.
Vous avez articulé votre programme autour de cinq grands axes. Pourrez-vous nous donner plus de détails ?
En fait, notre programme s’articule autour de 15 points que nous avons considérés primordiaux pour notre région. La citoyenneté demeure notre credo et aussi la moralisation de la vie politique. Les cinq grands axes auxquels vous me renvoyez constituent le b.a.-ba de nos propositions. Nous avons axé ces dernières sur le concret et ce qui a été réalisé dans d’autres régions.
Quand nous parlons de porter l’aide au logement rural de 70 à 100 millions de centimes, nous ne revendiquons que l’égalité avec les régions aussi rudes que la nôtre qui bénéficient de ce montant. Nous avons aussi évoqué le classement de notre région comme zone au régime spécifique qui devrait bénéficier de 10 années d’exonération fiscale au lieu de son statut actuel, classée au régime général. Est-il possible qu’un investisseur qui vienne investir dans nos montagnes soit mis à un pied d’égalité que celui qui investit à Hydra ?
Pourquoi notre région ne bénéficie pas des mêmes avantages fiscaux et parafiscaux attribués aux Hauts-Plateaux ? Par ailleurs, l’Etat a consenti une réduction des redevances liées à la consommation de l’électricité dans les régions du Sud pendant la saison estivale, pour que nos frères de cette région puissent faire face aux chaleurs torrides avec leurs climatiseurs. C’est bien ; cependant, pourquoi ce qui est valable ailleurs et pour certains ne l’est pas pour nous en Kabylie ? Notre région aussi souffre d’un froid glacial pendant la saison hivernale, alors l’Etat doit être équitable et consentir les mêmes réductions durant cette saison aux citoyens de la Kabylie.
En fait, voyez-vous, nous ne demandons pas à être des super-citoyens, mais juste des citoyens comme nos frères. Nous ne réclamons aucun traitement de faveur, mais juste l’égalité. Nous en arrivons à tamazight, et là nous avons fait notre mea-culpa… Nous disons que cette revendication portée par plusieurs générations de militants depuis Saïd Boulifa à Benaï Ouali, Mbarek Aït Manguellet, Amar Ould Hamouda, Mouloud Mammeri, la génération 1980-1981, Kamel Amzal, les enfants du boycott scolaire et les victimes du Printemps noir a trouvé sa place dans la Constitution algérienne.
Même si son officialisation a été étriquée et mitigée, nous devons œuvrer à sa concrétisation dans les institutions et/ou espaces que nous gérons. Je constate, avec désolation, que les partis politiques qui ont fait de tamazight leur credo et qui ont porté sa revendication dans leurs programmes politiques semblent en marge de sa promotion effective ! Pourquoi ces derniers n’instruisent pas leurs P/APC et leurs élus à effet d’utiliser tamazight dans leurs administrations et communication ? Il est temps de passer de la revendication à la concrétisation.
Vous avez aussi, lors de votre meeting de clôture, parlé d’autonomies régionales. Vous avez revendiqué le retour au découpage adopté au Congrès de la Soummam…
Tout à fait. Le jacobinisme qui s’exprime par son mode de fonctionnement de l’Etat unitaire et centralisé constitue un héritage colonial néfaste. Nous devons nous en débarrasser le plus tôt possible pour le bien de notre patrie. Nous ne sommes pas plus patriotiques et nationalistes que nos valeureux martyrs qui ont opté pour une autre forme de l’Etat. Pendant notre glorieuse révolution, les wilayas historiques étaient des régions autonomes, ça n’a pas brisé l’unité nationale, au contraire la conjugaison de leurs efforts pour un idéal commun a permis la libération de notre pays.
Pourquoi ce qui a été possible et bénéfique en temps de guerre ne le sera pas en temps de paix ?! Voilà pourquoi j’appelle de toutes mes forces à l’avènement d’une deuxième République qui ouvrira la voie à la refondation nationale tant attendue.
Maintenant s’il se trouve que la Kabylie, qui a toujours été à l’avant-garde des combats nobles et justes, soit la plus disposée à cette nouvelle voie, il ne faudrait pas la stigmatiser. Oui, pour ma part, je revendique la fin de l’Etat jacobin, et par-delà, l’autonomie de la Kabylie et de toutes les régions d’Algérie. Je reste persuadé que c’est le seul rempart qui constituera le salut de notre pays.
Comptez-vous structurer l’Alternative citoyenne en parti politique ?
L’Alternative citoyenne comme son nom l’indique constitue une autre voie autre que les partis politiques. Il est donc inconcevable de faire dans l’escroquerie politique en la transformant en parti.
Cependant, elle demeurera une dynamique qui a regroupé des citoyens (militants et autres acteurs de la société civile) au service d’une citoyenneté active. Ce que je peux vous affirmer c’est que nous serons présents à toutes les échéances et/ou rendez-vous politiques à venir. Nous serons partie prenante aux prochaines locales et même aux élections présidentielles.
On vous laisse le mot de la fin, Monsieur le député…
Ces dernières élections, notamment en Kabylie, nous laissent des enseignements. Malgré l’invective et l’anathème, les citoyens savent séparer le bon grain de l’ivraie. La morale politique ne peut pas s’accommoder avec l’insulte, et certains donneurs de leçons doivent apprendre à se remettre en cause. Quand on se force à s’ériger en gardien du temple pour de petits dividendes matériels ou politiques, on doit au moins veiller à ne pas brader le peu de dignité qui reste. On ne peut pas se réclamer du combat de Tahar Djaout, Mahfoud Boucebssi, Rachid Tigziri, Djaffer Ouahioune, Mustapha Bacha, Lounès Matoub et tous nos frères et sœurs de combat qui nous ont quittés (paix à leur âme), et se permettre des compromissions avec les islamistes intégristes !
La constance politique illustre la fidélité à l’idéal et la loyauté de chacun de nous. La trahison, quant à elle, se définit par le reniement des principes et du serment, ainsi que par la soumission pour être accepté et fréquentable. Le reniement des principes du Congrès de la Soummam — acté à Mazaffran — en est la parfaite illustration.
Le messalisme-zaïmisme a coûté cher au mouvement national, nous devons en faire l’économie en ce qui concerne le mouvement démocratique. L’idée de l’homme providentiel est révolue. Pour ma part, je considère qu’il est temps d’accompagner notre jeunesse, loin de toutes nos querelles, à prendre ses responsabilités et assurer la relève tant attendue. Encore une fois, toute ma gratitude à toutes celles et tous ceux qui nous ont accordés leur confiance.
A tous les citoyens et citoyennes de ma chère Kabylie, je réitère mon engagement à ne ménager aucun effort pour les représenter dignement et porter leur voix avec honneur et fierté.