Des analystes de la vie politique retiennent le plus sérieusement du monde le critère régionaliste pour expliquer le choix qui préside à la nomination aux hautes fonctions politiques de l’Etat.
L’information qui circule avec insistance ces derniers jours, fait état du départ du Premier ministre, Ahmed Ouyahia au motif que ce dernier a vu ses chances se rétrécir depuis la désignation à la tête de l’Assemblée populaire nationale de Larbi Ould Khelifa, originaire comme lui de Kabylie. Selon cette vision, deux personnalités issues de la même région ne pourraient à elles seules s’accaparer de l’instance exécutive et de l’instance législative.
On explique alors que la mise à l’écart de Rachid Harroubia, ex-ministre de l’Enseignement supérieur, originaire de Souk Ahras, dans l’est du pays, mais pressenti alors pour prendre les destinées de l’APN, avait été dictée par cet impératif de pousser vers la porte de sortie Ouyahia.
Le problème avec ces analyses, c’est qu’elles n’expliquent rien du tout, mais tout en ayant la capacité d’induire en erreur le profane, qui aura à constater le moment venu qu’effectivement Ouyahia s’est vu signifier sa fin de mission. Car le remplacement du cabinet Ouyahia, est en théorie à l’ordre du jour depuis les législatives du 10 mai dernier.

«L’échec collectif» qu’Ouyahia s’est dit «assumer», le recul du RND et le triomphe relatif du FLN aux législatives, orientent plutôt vers une lecture qui prendrait en compte le critère de la légitimité ayant découlé des urnes. On est en droit de se poser la question suivante : comment en est-on arrivé là ? Pourquoi devrions-nous décrypter la scène politique actuelle en usant du critère régionaliste dans un pays pourtant doté d’institutions et d’assemblées élues à tous les niveaux ?
Les élections ne sont-elles pas le procédé idoine comme cela est consacré ailleurs, pour assurer la circulation des élites ? Mais peut-être que ces analystes ne se rendent pas compte de la contradiction évidente de leur discours qui consiste à mettre, d’un côté, l’accent sur les effets des législatives du 10 mai 2012 et de l’autre, à mettre en avant l’appartenance régionale des personnalités politiques. En fait c’est au fondement même du politique que l’on touche.
Car pour rester dans cette logique, il est préférable de choisir quelqu’un de l’Ouest plutôt qu’un islamiste, qui même si on ne partage pas ses idées, pourrait en avoir quelques unes d’intéressantes. Cependant, la contradiction au niveau du discours apparaît parce qu’en fait on n’explique pas que le décryptage de la scène politique nationale, devrait reposer sur la combinaison de deux critères, à savoir le régionalisme et l’appartenance partisane.
Ainsi, si on passe en revue la liste des anciens Premiers ministres alors Chefs de gouvernement, on trouve bien que Belkhadem (issu du Sud-ouest, mais FLN ) qui fut Chef de gouvernement de 2006 à 2008 a évolué sous une APN présidée par Amar Saïdani (Sud-est, mais FLN). Mais si Saïdani n’était pas originaire de Kabylie, il venait de remplacer Karim Younès (Kabylie, mais FLN), qui avait quitté ses fonctions au lendemain du départ de Ali Benflis du gouvernement (Est, mais FLN).
Lakhdari Brahim