Nobel 2017: Lève-tard, couche-tôt, gros dormeur… pourquoi il ne faut pas contrarier son horloge biologique

Nobel 2017: Lève-tard, couche-tôt, gros dormeur… pourquoi il ne faut pas contrarier son horloge biologique

Tic tac. Pas de panique, cette horloge-là vous veut du bien. Le Prix Nobel de médecine a mis l’horloge biologique au-devant de la scène en récompensant les travaux de trois chercheurs américains sur les « rythmes circadiens », lundi 2 octobre.

En étudiant les mouches de vinaigre, les scientifiques ont notamment isolé un gène, en 1984, qui contrôle le rythme biologique journalier. Et donc les rythmes circadiens. Ceux-ci permettent notamment de régler les besoins en sommeil et nourriture et d’adapter la pression artérielle et la température corporelle.

Au quotidien, sait-on comment fonctionne notre horloge biologique? Surtout, comment en tirer le meilleur parti?

Un cycle qui active les neurones au bon moment

Pour le directeur de recherche au CNRS, Serge Birman, qui travaille au laboratoire « Plasticité du cerveau » (ESPCI), de nombreuses questions ne sont pas encore résolues. On ne sait pas encore avec précision comment se fabriquent nos capacités de gros ou petits dormeurs.

« On sait davantage que tous les organismes, qu’il s’agisse d’animaux, de plantes et même de certaines bactéries, ont un rythme de vie adapté à l’alternance jour/nuit, précise le scientifique. Ce rythme fait environ vingt-quatre heures, c’est pour cela qu’on l’appelle circadien. Il permet une adaptation de nos fonctions physiologiques. »

« On dirait que le lauréat de la médecine, Michael Rosbash, a vu son rythme biologique bousculé par la nouvelle – restez branché pour l’interview! »

Une horloge préhistorique

À l’origine des travaux des trois Prix Nobel, figure le chercheur Seymour Benzer qui a découvert le premier gène qui contrôle le rythme circadien. À la suite duquel, les trois scientifiques ont trouvé d’autres gènes. « Ils ont ainsi identifié le mécanisme de contrôle de l’horloge biologique qui se produit dans toutes les cellules de l’organisme, continue le chercheur au CNRS. Ce cycle moléculaire entraîne des oscillations qui vont activer certains neurones au bon moment de la journée, ceux-là même par exemple, qui nous réveillent avant que le jour ne se lève.

Ces neurones favorisent notre capacité d’anticipation des changements. « Voilà pourquoi nous avons conservé ces rythmes au cours de l’évolution, fait remarquer Serge Birman. C’est eux qui nous permettent de nous adapter à l’été puis à l’hiver. »

Petit ou gros dormeur?

De son côté, Claire Leconte est une scientifique pragmatique. Professeure émérite de Psychologie de l’éducation et chercheuse en chronobiologie à l’Université de Lille 3, elle affirme que « nous possédons tous un programme génétique à notre naissance, qui différera de celui du voisin. Les traits du sommeil apparaissent avant l’âge d’un an. Avant cela, on saura déjà s’ils sont des petits, des moyens ou des gros dormeurs. Et cette caractéristique nous suivra toute notre vie. »

Toujours selon la scientifique consultante pour les rythmes scolaires auprès des mairies, « notre rythme dépend de plusieurs horloges installées dans plusieurs organes. Nous ne fonctionnons bien que si ces horloges fonctionnent bien entre elles. »

Ne pas coucher les enfants tard, même en vacances

« Chez les enfants, j’ai découvert une fâcheuse tendance à les coucher tard croyant leur faire plaisir, notamment pendant les vacances. Or, on les dérégule, parce que toutes les horloges n’ont pas la même vitesse d’adaptation. Celle régulant le cortisol, la température centrale ou la production de mélatonine, ne s’enclenchent pas tout de suite. »

« Ceci explique qu’on soit fatigués malgré une grasse matinée. Des maux de tête peuvent apparaître et quand on le répète trop souvent, un vrai mal-être peut s’installer jusqu’à provoquer un état dépressif, chez les enfants et les adultes. »

Vieillir plus vite

« Une étude britannique a suivi une cohorte de 11.000 enfants de 3 à 7 ans, et les équipes ont conclu que dès l’âge 5 ans, les enfants qui ont les comportements les plus perturbateurs pour eux et pour la classe sont ceux qui voient leur horloge se dérégler régulièrement depuis qu’ils ont 3 ans. Ils ne parviennent pas à se reposer.

Le biologiste Serge Birman confirme cette hypothèse à l’échelle des mouches: « Dans mon laboratoire, nous avons obligé des mouches drosophiles à avoir des rythmes plus courts et très vite, nous avons observé qu’elles vieillissaient plus vite. »

Les mécanismes de ce vieillissement ne sont pas encore connus, les recherches sur le sujet sont encore très jeunes, mais une chose est sûre, le décalage stresse l’organisme.

Le petit frisson de froid

Afin d’éviter ces décalages, Claire Leconte recommande de prendre au sérieux ce petit frisson de froid qui nous parcourt en début de soirée. « Quand il nous arrive, on a tendance à se prendre une petite laine, on passe le temps, c’est pire si on est devant un écran, on croit à un baillement, alors que c’est un signe d’endormissement très révélateur. Il indique que la température du cerveau est en train de baisser, et qu’il est clairement l’heure de dormir. Une fois que l’on a compris cela, tout se règle automatiquement. »

Idem pour les repas. « Si on mange tous les jours à la même heure, précise Serge Birman, l’organisme sait que c’est bientôt l’heure du repas, il sécrète les hormones de la faim et commence à sécréter les cellules digestives. Cela nous permet de digérer beaucoup mieux. En revanche, mangez en dehors des repas et vous stresserez votre organisme. »

Mieux vaut une sieste qu’une grasse matinée

Claire Leconte abonde dans ce sens: « L’horloge biologique vaut pour une quantité infinie de fonctions vitales. » Selon elle, pour se remettre d’une nuit trop longue, rien ne sert de faire une grasse matinée. Mieux vaut une bonne sieste. « Le creux méridien est un moment où le corps est programmé pour se relâcher, il sera bien plus bénéfique que de dormir trois heures de plus le matin. »

« On ne se rend pas compte à quel point on se met en difficulté quand on n’écoute pas son organisme », affirme Claire Leconte. Dans la même idée, elle propose que nous modifions nos repas. « Le petit-déjeuner doit être composé à la fois de sucres lents et de sucres rapides, assure-t-elle. Le midi, on peut essayer un repas bien protéiné. Tout cela aide la mélatonine à se synthétiser correctement. Pour le goûter, mieux vaut des sucres naturels, comme ceux des fruits. Plus le repas sera diététiquement bien construit, plus le repas du soir sera allégé et la qualité du sommeil améliorée. »

La meilleure manière d’éviter le stress est de faire les choses de manière routinière. À nous de trouver un autre moyen de tuer l’ennui.