Nigeria: 30 000 personnes fuient une ville occupée par Boko Haram

Nigeria: 30 000 personnes fuient une ville occupée par Boko Haram

Quelque 30 000 personnes ont fui Rann, dans le nord-est du Nigeria, pour échapper aux terroristes du groupe Boko Haram qui ont pris le contrôle de la ville sans rencontrer de résistance, face à une armée en déroute.

«Toute la population semble paniquée et a pris la fuite pour tenter d’échapper à la mort» en l’espace de 48 heures, a déclaré le porte-parole du HCR, Babar Baloch, au cours d’un point de presse à Genève.

La ville de Rann est située à la frontière avec le Cameroun, qui lutte également contre le groupe islamiste dans l’extrême nord de son territoire. La panique a été déclenchée par le retrait dimanche des troupes camerounaises qui y avaient été déployées après l’attaque du 14 janvier, qui avait fait 14 morts dans cette ville accueillant plus de 35 000 déplacés.

Lundi, les insurgés sont entrés dans Rann sans rencontrer de résistance, les soldats nigérians ayant décidé de se retirer à leur tour, anticipant une attaque de Boko Haram, selon plusieurs sources civiles.  «Les terroristes sont de retour à Rann. Ils sont arrivés hier», après le départ des soldats camerounais, a déclaré à l’AFP un milicien engagé aux côtés de l’armée contre Boko Haram. «Nos troupes au sol sont également parties parce que leur nombre était très réduit (…). Ils ont rejoint la base militaire de Ngala, à 40 km», a-t-il ajouté sous couvert d’anonymat. «Les terroristes ont incendié la plupart des maisons en ville et ont pris des positions stratégiques.»

LG Algérie

Selon Walid Abdallahi, un civil ayant fui vers le Cameroun voisin, «il n’y a plus un seul habitant à Rann. La ville est actuellement sous le contrôle de Boko Haram qui est arrivé hier et a incendié les abris de fortune» des déplacés.

«Nous avons tous quitté la ville dès que les soldats camerounais sont partis car nous savions que nous étions vulnérables face à une attaque de Boko Haram», a-t-il dit, confirmant l’information selon laquelle les soldats nigérians avaient emboîté le pas aux Camerounais et laissé la ville sans défense.

Plusieurs sources humanitaires ont également confirmé à l’AFP l’occupation de la ville par les insurgés.

«Les combattants tiendraient deux postes, l’un dans la ville et l’autre à la frontière (camerounaise), ils abattent tout homme qui essaie de traverser la frontière. Ils molestent les femmes et les libèrent ensuite», a raconté l’une de ces sources sous couvert d’anonymat.

Boko Haram attaque régulièrement les bases militaires dans l’Etat du Borno (nord-est) depuis six mois, faisant des dizaines, voire des centaines de morts dans les rangs d’une armée qui semble épuisée et sous-équipée face aux assaillants. L’insurrection terroriste, qui a débuté dans le nord-est du Nigeria en 2009, a fait plus de 27 000 morts et provoqué une grave crise humanitaire.

A trois semaines du scrutin présidentiel au Nigeria, le bilan sécuritaire du Président Muhammadu Buhari est très critiqué malgré les affirmations répétées selon lesquelles le groupe terroriste est presque vaincu.

L’escalade des violences soulève en outre des questions sur la manière dont des élections peuvent être organisées dans ces zones touchées par les combats où plus d’1,8 million de personnes ne peuvent toujours pas regagner leurs foyers. L’occupation de Rann par Boko Haram intervient alors que l’ONU a lancé, hier, à Abuja, un appel à financement de 848 millions de dollars (741 millions d’euros) pour des projets humanitaires dans le Borno et deux autres Etats du nord-est sur trois ans.

Un montant supplémentaire de 135 millions de dollars est nécessaire pour aider les 228 500 Nigérians réfugiés au Cameroun, au Tchad et au Niger voisins, selon l’ONU.

Quelque 260 travailleurs humanitaires ont été obligés de quitter trois collectivités locales dans le Borno à cause des combats entre les insurgés et l’armée. Des milliers de déplacés ont dû fuir à plusieurs reprises les lieux où ils s’étaient réfugiés à la suite d’attaques et ne peuvent toujours pas rentrer chez eux. En moyenne, 4 500 personnes ont été déplacées chaque semaine au cours de l’année 2018, estiment les Nations-Unies.

«Les déplacements nouveaux et prolongés provoqués par le conflit continuent de perturber l’accès aux services de base et les moyens de subsistance de millions de personnes», a relevé hier le coordinateur humanitaire des Nations-Unies au Nigeria, Edward Kallon.

Niger

Quatre personnes tuées par Boko Haram dans le sud-est 

Au moins quatre personnes ont été tuées lundi soir par des membres du groupe terroriste nigérian Boko Haram à Bosso, une commune du sud-est du Niger, proche du Nigeria, a indiqué hier un élu local. «Le bilan provisoire de cette attaque de Boko Haram est de quatre civils tués par balle et trois autres blessés», a déclaré cet élu, cité par l’AFP. Plusieurs habitations et trois véhiculés chargés de poivrons (base de l’économie locale) ont été incendiés lors de l’attaque, a-t-il ajouté. La commune visée est située près du bassin du lac Tchad, un des repères de Boko Haram, a-t-il noté.

Cette attaque intervient quelques semaines après l’offensive militaire terrestre et aérienne contre le groupe armé dans cette zone, dans laquelle plus de 200 «terroristes» ont été tués, selon l’armée nigérienne.

Niamey reste «préoccupé» par la «situation au Nigeria» voisin où Boko Haram poursuit des attaques contre des bases militaires, s’était alarmé en décembre dernier Kalla Moutari, le ministre de la Défense du Niger, devant les députés.

Les éléments de «Boko Haram ont pu se ravitailler en matériel, ils ont pu se revigorer», avait souligné M. Moutari, disant «craindre» des attaques des terroristes contre les forces nigériennes «à partir de janvier 2019, (période) qui correspond au début du retrait des eaux de la Komadougou» qui sert de frontière naturelle entre le Niger et le Nigeria.

La rivière empêche généralement les incursions des terroristes sur le sol nigérien. Le 29 novembre, les Présidents des quatre Etats riverains du lac Tchad, Nigeria, Niger, Tchad et Cameroun, ont demandé lors d’une réunion à N’Djamena «le soutien» de la communauté internationale dans la lutte contre Boko Haram.