Le président français Nicolas Sarkozy aura réussi la triple performance de rassembler non pas avec lui mais contre lui les électeurs français toutes tendances confondues, en dehors de sa famille politique.
Un vrai consensus s´est établi autour de son départ de l´Elysée, voulu par la gauche conduite par les socialistes, les communistes et les écologistes, la droite gaulliste représentée par les centristes et l´extrême droite où ses nombreux partisans ont trouvé refuge dans les bras de Marine Le Pen.
Cet exploit, aucun des présidents français sortants de la Ve République ne l´a jamais réalisé avant lui, comme aucun d´entre eux ne s´est, au moins pour l´honneur, laissé devancer par le rival du moment, histoire de quitter l´Elysée par la grande porte.
Sans surprise donc mais avec soulagement, les Français ont accueilli l´arrivée de Nicolas Sarkozy en seconde position, derrière François Hollande, durant le premier tour du scrutin. Le rival socialiste n´était pas pourtant pas encore candidat, voilà à peine quelques mois, ce qui donne plus de sens au vote-sanction de dimanche dernier. François Hollande n´avait pris la décision de se placer sur la ligne de départ qu´après le désistement de son camarade Dominique Strauss Khan, le plus grand des favoris dans les sondages, affaibli par l’«affaire Nafissatu Diallo».
Dimanche dernier, ce fut à la fois une marque de confiance des électeurs pour le candidat socialiste, autrement plus modéré dans ses choix comme dans ses propos, cultivant le sens de la nuance et du recul dus à un futur chef d´Etat. Ce fut sans doute aussi le rejet d´une politique basée sur la discrimination envers les plus démunis, français ou immigrés.
Un vote-sanction historique contre le président se disant rassembleur mais le seul qui aura, en fin de compte, le plus divisé ses compatriotes. Sa promesse de rassembler les Français, faite en 2007, il vient de la ressortir à la veille du second tour de mai prochain, dans le but évident de puiser le pourcentage qui lui manque dans les réserves du Modem et du Front National.
Le coup de pouce au Front national
Or ni François Bayrou, ni Marine Le Pen ne sont assez dupes des promesses du «candidat-perdant». Il est d´ailleurs peu sûr que les électeurs français suivent massivement les consignes de vote des partis qui seront absents au second tour. D´ailleurs, Marine Le Pen a déjà affiché ses ambitions de leader de la droite face à la déconfiture de la droite sarkozyste, même si c´est à Sarkozy qu´elle doit la performance historique de son parti, dimanche dernier.
Le Front National a tiré largement profit des échecs de tous les objectifs que le candidat sortant s´était fixé en 2007. Nicolas Sarkozy a porté le niveau du chômage de 2 à plus de 3 millions. Une bonne tranche de ces nouveaux sans emplois ont voté pour le Front National. Il a augmenté d´un quart le niveau de la dette du pays qui avoisine, aujourd’hui, les 2 milliards d´euros.
Au plan européen, la France a perdu son poids, puisque c´est à Berlin que se prennent les décisions sur l´avenir de l´euro. La soumission de Nicolas Sarkozy au diktat de Merkel a été ressentie comme une grande humiliation par les Français et pas seulement à gauche. Dans ces conditions, les électeurs avaient fait leur choix. «Sarkozy ? non merci !»
La cour aux électeurs de Marine Le Pen
Pour tenter de remonter la pente dans les sondages, le président-candidat n´avait plus de choix que de courtiser l´électorat du Front National en puisant dans le répertoire verbal et des idées de Marine Le Pen. Même Rachida Dati ne trouve plus que Jean Marie Le Pen et ses amis qui rêvent de renvoyer chez lui son père marocain «ne sont pas des racistes».
Plus à droite que d´authentiques militants du FN, celle qui rêve de la Mairie de Paris soutient «le combat de Sarkozy» contre sa propre communauté, l´insécurité à cause des beurs et des noirs, le terrorisme islamiste et l´immigration.
C´est autour de ces priorités du Front National que s´organise la campagne de Sarkozy pour le second tour. Pour animer les trois débats de la dernière chance avec François Hollande lequel est loin d´être dupe du piège dressé par le rival-perdant. Le combat contre la crise de la dette et le chômage ne sont plus la priorité des électeurs mais le pouvoir, l´Elysée, à n´importe quel prix.
L’«affaire Merah»
Marine Le Pen n´étant plus dans la course, il faut occuper le terrain de l´islamophobie d´une catégorie des Français. Sarkozy est bien rodé dans ce débat puisqu´il a exploité à fond l´«affaire Mohamed Merah» durant la campagne du premier tour. Une affaire qui fut une aubaine pour l´ancien ministre de l´Intérieur, conforté dans la lutte qu´il avait engagée contre la «racaille» des banlieues, mais qui n´a pas encore livré tous ses secrets.
Pourquoi cet acte de terrorisme contre des enfants juifs et des soldats d´origine maghrébine? Pourquoi en pleine période électorale ? Pourquoi cette mise en avant des origines algériennes de l´auteur des attentats de Toulouse ? Pourquoi, enfin, Paris voulait que Mohamed Merah soit enterré au pays de ses ancêtres? Beaucoup de zones d´ombre dans cette campagne !
Par Hania A.