Le site d’information a publié samedi un document affirmant que le régime de Mouammar Kadhafi avait accepté en 2006 de financer la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. Une information démentie par l’auteur et le destinataire supposés de la note.
Le site fondé par Edwy Plenel a publié samedi une note qu’il présente comme signée par Moussa Koussa, ex-chef des services de renseignements extérieurs de la Libye, affirmant que le régime de Kadhafi avait accepté en 2006 de financer à hauteur de «50 millions d’euros» la campagne de Nicolas Sarkozy.
Moussa Koussa qualifie le document de faux
L’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine a réaffirmé dans une interview à Libération.fr avoir «peu de doute» sur l’authenticité de la note, tout en admettant n’avoir «jamais assisté en Libye à des discussions concernant le financement de la campagne de Sarkozy».
Deux protagonistes de l’affaire ont cependant apporté leur démenti. Bachir Saleh, ex-président du Fonds Libyen des investissements africains, à qui est adressée la note, a nié «avoir été jamais destinataire d’un tel document». EtMoussa Koussa a qualifié de faux la note portant sa signature, affirmant que «toutes ces histoires sont falsifiées».
Mais pour Fabrice Arfi, le journaliste de Mediapart qui a publié le document, ce démenti est «un non-évènement». Moussa Koussa «n’apporte pas le début d’élements concrets permettant de douter de l’authentification du document», souligne-t-il sur RTL. Et pour cause, ce «proche collaborateur de la dictature» de Kadhafi, sur qui pèsent «de lourds soupçons de crimes en Libye» et qui vit en exil au Qatar, est «un protégé de la France». Il n’est donc guère étonnant, affirme en substance Fabrice Arfi, que Moussa Koussa mente pour couvrir le gouvernement actuel.
«Vous croyez vraiment qu’avec ce que j’ai fait à M. Kadhafi, il m’a fait un virement?»
«Ce document est un faux grossier», a déclaré lundi le président sortant, qui a de nouveau qualifié Mediapart d’«officine». «Vous croyez vraiment qu’avec ce que j’ai fait à M. Kadhafi, il m’a fait un virement? Pourquoi pas un chèque endossé?», a-t-il insisté. «C’est grotesque et j’ai honte pour l’AFP d’avoir fait une alerte sur un document faux», a-t-il conclu.
François Fillon s’en est lui aussi pris à Mediapart lundi matin sur RTL, se disant «certain» que le document était «faux». Il a accusé Edwy Plenel d’être un «récidiviste» de ce type de pratiques, regrettant qu’il n’y ait pas de «peine plancher». «Il avait fait la même chose avec le Parti socialiste, il avait publié (à l’époque dans Le Monde) un document qui disait que le PS était financé par Noriega (ancien dictateur de Panama)», a rappelé le premier ministre. «Si M. Plenel a des documents, qu’il les remette à la justice!», a enchaîné Fillon, dénonçant une «manipulation».
Hollande nie tout lien avec Mediapart
Les socialistes appellent, de leur côté, à ce que lumière soit faite sur cette affaire. François Hollande a estimé lundi que «c’est à la justice d’être saisie». «Si c’est un faux, eh bien le site sera condamné, si ce n’était pas un faux, à ce moment-là il y aurait des explications à fournir», a déclaré le candidat PS à l’Elysée lundi sur Europe 1. Le candidat PS a par ailleurs nié tout lien entre lui et Mediapart, qualifié la veille par François Fillon «d’officine financée par de riches amis» de François Hollande.
«Ce site est un site d’investigation, d’informations, c’est arrivé qu’il accable quelque fois des personnalités de gauche», a-t-il fait valoir. «Donc je ne vois pas comment il pourrait être établi qu’il y aurait là comme une relation, une confusion entre les socialistes et ce site d’information, qui, je le rappelle, est composé de journalistes reconnus».
Ségolène Royal a quant à elle souligné la nécessité de faire «toute la clarté» sur l’affaire, car si elle «est réelle», cela signifie que le président sortant «a exercé son mandat de façon illégitime». Comme on lui demandait s’il avait raison de se pourvoir en justice, la présidente de Poitou-Charentes a répondu: «Si c’est faux, il a raison». Mais elle a évoqué aussi la possibilité d’un mouvement «tactique» pour «jeter un doute», «pensant que le délai est trop court pour que la justice puisse se prononcer» avant le second tour.
Questions autour de Bachir Saleh
Un point en particulier concernant le statut de Bachir Saleh est sujet à débat lundi matin. L’ex-dignitaire libyen proche de Kadhafi, qui a démenti avoir été destinataire de la note révélée par Mediapart, se trouve actuellement en France. L’ex-trésorier du régime libyen est visé à la fois par des sanctions économiques de Washington et par une «notice rouge» d’Interpol en vue de son extradition vers la Libye pour «fraude». Ses photos publiées sur le site d’Interpol ont été authentifiées par l’AFP à Tripoli. Sur la fiche d’Interpol, il est toutefois identifié sous le nom de Bashir Al-Shrkawi, né en 1946 à Agadez, au Niger, de nationalité libyenne.
Le Niger lui a délivré un passeport «sur le conseil et la pression d’un pays européen» avant de l’annuler, avait déclaré en mars un haut responsable militaire nigérien, le colonel Djibou Tahirou. Le passeport «disait qu’il était un conseiller (politique) bien qu’il n’ait jamais été» conseiller du gouvernement du Niger, a souligné le responsable nigérien.
Or François Fillon a assuré lundi qu’il n’y avait «aucune trace d’un mandatinternational» visant Bachir Saleh. «J’imagine que le gouvernement français serait au courant». Il a en outre expliqué que Bachir Saleh disposait d’un «passeport diplomatique du Niger» et qu’ «à ce titre, il est protégé par l’immunité diplomatique».