Nicolas Sarkozy : Oui pour le «génocide arménien», Non pour le «génocide algérien»

Nicolas Sarkozy : Oui pour le «génocide arménien», Non pour le «génocide algérien»
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En matière de reconnaissance de génocides, le président français Nicolas Sarkozy pratique aisément le « deux poids deux mesures ».

Interrogé vendredi 07 octobre 2011 pour savoir si le président français Nicolas Sarkozy était disposé à reconnaitre « le génocide algérien », Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, a été catégorique : « Le président de la République française est allé en Algérie, il a eu des propos extrêmement forts sur ce moment douloureux de notre passé entre l’Algérie et la France. Il a tourné la page. »

Au moment même où son ministre de l’Intérieur fermait une fois de plus la porte à d’éventuelles excuses de la France pour l’Algérie, Nicolas Sarkozy pressait lui la Turquie de reconnaitre le génocide arménien en marge de sa visite en Arménie jeudi et vendredi.

« Je vais lancer une grenade dégoupillée», prévenait-il même jeudi devant une partie de la délégation qui l’accompagnait à Erevan, en Arménie, selon le journal Le Figaro.

LG Algérie

Reconnaissance dans délai « assez bref »

Le lendemain, la grenade est lancée en conférence de presse lorsque M. Sarkozy affirme qu’il souhaitait que la Turquie reconnaisse dans un délai « assez bref », le mieux avant la fin de son mandat en mai 2012, le génocide arménien de 1915 et 1916 perpétré par les Othomans et qui a fait plusieurs centaines de morts.

La réponse d’Ankara ne s’est pas faite attendre. Le ministre turc aux affaires Européennes demande au président français de s’occuper plutôt de ses affaires.

« Il serait mieux, dit-il, pour la sérénité en France, en Europe et dans le monde, que M. Sarkozy abandonne le rôle de l’historien et se creuse un peu la tête pour sortir son pays du gouffre économique dans lequel il se trouve et produise des projets pour l’avenir de l’Union européenne. »

Que M. Sarkozy abandonne le rôle de l’historien

Son collègue des Affaires étrangers, Ahmet Davutoglu, remet une couche en dénonçant « l’opportunisme politique » de « propos qui s’inscrivent totalement dans le contexte électoral en France ». « Ceux qui disent à la Turquie de se réconcilier avec son passé doivent d’abord se regarder dans un miroir », lance-t-il par allusion au passé colonial de la France en Algérie.

Pourquoi donc ce qui est valable pour la Turquie ne l’est-il pas pour l’Algérie ? Calculs électoralistes ? Sans doute.

Calculs électoralistes

Le Monde rappelle qu’avant « son élection en 2007, le candidat Sarkozy avait promis aux représentants de la forte communauté arménienne de France, estimée à un demi-million de personnes, de soutenir le vote d’un texte de loi spécifique réprimant la négation du génocide de 1915. Mais ce texte a été enterré en mai faute d’une majorité au Sénat et surtout du soutien du gouvernement de Nicolas Sarkozy, suscitant l’amertume des Arméniens de France et de leurs partisans. ».

A moins de 8 mois de l’élection de 2012, le très probable candidat de la droite, au plus bas dans les sondages, rabat la carte du génocide turc pour séduire les Arméniens de France.

La communauté algérienne en France n’étant qu’aucun secours pour le candidat de l’UMP, Claude Guéant peut donc répéter qu’en matière d’excuses, de repentance et reconnaissance de génocide en Algérie, Nicolas Sarkozy a déjà donné avec des mots « extrêmement forts » et que la page « est tournée ».

Pour l’Algérie, la page est tournée en 2007

Cette page, Nicolas Sarkozy avait plié dès décembre 2007. Lors de sa visite effectuée en Algérie du 3 au 5 décembre 2007, il avait refusé de présenter des excuses pour les crimes commis durant la colonisation française en Algérie. Voire renvoyé dos à dos Algériens et Français.

Nicolas Sarkozy : « Oui, le système colonial a été profondément injuste, contraire aux trois mots fondateurs de notre République : liberté, égalité, fraternité. Mais il est aussi juste de dire qu’à l’intérieur de ce système il y avait beaucoup d’hommes et de femmes qui ont aimé l’Algérie, avant de devoir la quitter (…) Oui, des crimes terribles ont été commis des deux côtés (…) Notre histoire est faite d’ombre et de lumière, de sang et de passion. Le moment est venu de confier aux historiens algériens et français d’écrire ensemble cette page d’histoire tourmentée. »

« Arrivé au pouvoir grâce au lobby Juif »

La réponse du chef de l’Etat français venait en écho aux multiples demandes de responsables algériens, y compris celle du président Bouteflika, pour des excuses, voire un acte de repentance, de la part de la France officielle.

Peu de temps avant cette visite de Sarkozy, le ministre des Moudjahiddine avait allumé le feu en affirmant au journal arabophone El Khabar que le président français doit son arrivée au pouvoir au « lobby juif qui a le monopole de l’industrie en France ».

Informé des propos tenus par le ministre algérien, Nicolas Sarkozy est furibard.

Selon les confidences de Boris Boillon qui occupait à l’époque la fonction de conseiller Afrique du Nord et Moyen Orient à l’Elysée, [confidences rapportées dans un câble US ] le président français aurait « donné des instructions pour que soit convoqué l’ambassadeur algérien et que s’ensuive une déclaration officielle des Algériens afin qu’ils se démarquent des propos du ministre ou au moins, les condamnent. »

Le coup de fil de Bouteflika

Pour tenter de clamer le jeu, le président Bouteflika a dû passer un coup de fil à son homologue français pour l’assurer que les propos que son ministre « ne reflètent en rien la position de l’Algérie », et qu’il serait « reçu en ami ».

On se demande bien si Sarkozy serait reçu avec des fleurs si d’aventure il devait effectuer une visite en Turquie.