Acclamé, célébré et décoré. Jamais le président Chadli Bendjedid n’a eu droit à autant de louanges de son vivant. Des hommes de pouvoir qui l’ont côtoyé ont tous, sans exception, jeté leur venin sur un homme qui porte, aux yeux de beaucoup, la responsabilité du déclin de l’Algérie post-Boumediène.
Khaled Nezzar fait partie des responsables qui ont côtoyé de près l’ancien président. L’ancien ministre de la Défense, qui était par exemple chef des Forces terrestres lors du soulèvement d’octobre 1988, fait étrangement les louanges du défunt. «Le président Chadli Bendjedid avait une confiance totale en l’institution militaire», a déclaré Khaled Nezzar, lundi 8 octobre, dans le site électronique « Algérie Patriorique ». « Chadli avait à cœur la sauvegarde de l’unité nationale et n’avait demandé que cela», dit-il encore avant d’ajouter : «c’est grâce à Chadli qu’il y a eu la création des commandements de forces – chose qu’aucun autre chef d’Etat n’a fait avant lui -, la restructuration de l’armée, la centralisation du commandement, la mise en place de l’état major général, ainsi que l’amélioration des conditions de vie des militaires d’une manière générale». Un bel hommage post-mortem.
Pourtant, il n’y a pas si longtemps, l’ancien ministre de la Défense ne faisait pas d’éloges sur l’ancien président. Bien au contraire. Extrait : « Pour toutes les autorités civiles, Chadli est adoubé par l’ANP, il deviendra donc sans coup férir, président de la République. Chadli, au lieu de s’entourer de vraies compétences en mesure de l’aider avec efficacité dans sa tâche, ouvrit toutes grandes les portes à la médiocrité et à l’irresponsabilité. La parentèle arrogante et corrompue transforma la présidence d’abord en cour, puis en sérail. Les décisions qui engageaient le pays étaient prises dans des cercles étroits en fonction d’intérêts claniques plutôt qu’au bénéfice du pays. Il plaça des personnes réputées fidèles à sa personne, aux plus hauts postes de responsabilité de l’Etat, sans égard pour leurs aptitudes à gérer. L’échec est dû au refus du système politique d’affronter les pesanteurs inhérentes à la société » (In le Soire d’Algérie décembre 2008). Ces accusations, et d’autres, sont contenues dans ses livres mémoires.
Mais Nezzar n’est pas le seul à faire des pamphlets sur l’ancien chef de l’Etat avant de l’encenser une fois décédé. Abdelaziz Bouteflika en faisait de même. « La réalité est que Chadli a passé autant d’années que Boumediene au pouvoir. Mais curieusement, il a mis 13 ans à détruire ce que Boumediene avait construit », disait le chef de l’Etat en 1999. Après le décès de l’ancien président, Bouteflika trouve en Chadli Bendjedid un « bâtisseur ».
Essaïd Wakli