La mise en place du système LMD n’est certes pas la seule voie capable de sauver l’université de ses lacunes, mais de l’avis des professionnels, les tergiversations «sont perçues à la base comme un manque de volonté politique, du moins une prudence qui s’assimile à une sorte de méfiance vis-à-vis du nouveau système».
A l’heure où les étudiants algériens constatent le poids du retard du système universitaire une fois inscrits dans des universités étrangères et à l’heure aussi où l’enseignement supérieur est classé en bas du tableau du classement des meilleure universités du monde, il est plus que question d’aborder la réforme que connaît ce secteur et surtout sa cadence et son impact sur le niveau des étudiants ainsi que le marché de l’emploi.
A force de focaliser sur la politique de la réforme qui traîne, elle aussi, dans le système éducatif, la réforme du système universitaire semble n’avoir pas sa part dans les débats et la politique du département de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique.
Intervenant récemment à l’ouverture des travaux de la Conférence nationale des directeurs d’universités et des centres universitaires, le ministre de l’Enseignement supérieur Rachid Harraoubia a mis l’accent sur les moyens dégagés pour la «réussite» de la nouvelle année, soulignant que 192 000 nouveaux étudiants rejoindront les bancs de l’université et 116 000 autres seront inscrits en master. Harraoubia a fait savoir que la réception de 118 200 nouvelles places physiques est attendue cette année, ce qui permettra, a-t-il dit, de porter le nombre de places pédagogiques à

1 500 000.
Pour le ministre, ces indicateurs dénotent le «saut qualitatif» que connaît son secteur, lesquels seront consolidés par «l’harmonisation dans les of-fres de formation à travers la mise en place d’une base de connaissance commune (dans la formation) afin de faciliter la mobilité des étudiants entre les centres universitaires». Ainsi, le ministre n’est pas à sa première sortie en utilisant le quantitatif pour aborder le qualitatif. Or, ni le nombre important des étudiants accueillis par les université du territoire national ni les budgets colossaux déployés dans le secteur n’ont réussi à relever le niveau des étudiants ni l’image de l’établissement universitaire.
Puisque ce dernier, faute de modernisation, demeure déconnecté du marché du travail et se contente de remplir sa mission de «passage formaliste». Dans leur travail portant sur «la mise en place du système LMD en Algérie : entre la nécessité d’une reforme et les difficultés du terrain», les docteurs Zineddine Berrouche et Youcef Berkane, de la Faculté des sciences économiques et de gestion de l’université de Sétif ont dressé un premier bilan de l’application du LMD dans quelques établissements universitaires de l’Est algérien.
Ils indiquent que tous les acteurs directs ainsi que la société dans son ensemble s’accordent unanimement à dénoncer l’état de «dysfonctionnement» et de «crise» de l’université et soulignent, par conséquent, l’urgence de la doter de moyens qui lui permettent de répondre aux attentes de la société et de s’intégrer au système international.
Ces professionnels expliquent comment la subvention à 98% de l’enseignement supérieur fait qu’une «part importante du budget est allouée aux œuvres universitaires au détriment du volet pédagogique et impose une réflexion de fond quant à la meilleure façon d’aider les étudiants». La même source cite comme autres entraves la prédominance des filières de formation générale, moins coûteuses en fonctionnement et en équipements au détriment des filières scientifiques et technologiques.
Le LMD, ajoute la même source, se fraye incontestablement un chemin dans le paysage de l’enseignement supérieur. Les plus critiques à son égard finiront par concéder que l’ancien système est improductif tant qu’il n’y a pas d’autres alternatives disponibles (prêtes à l’emploi).
Ces deux professeurs estiment que le LMD de par sa cohérence et son aspect universel, peut contribuer à sortir l’université algérienne de sa léthargie mais la tutelle doit se décider ouvertement pour le nouveau système. Les tergiversations sont perçues à la base comme un manque de volonté politique, du moins une prudence qui s’assimile à une sorte de méfiance vis-à-vis du nouveau système, concluent-ils.
Par Yasmine Ayadi