Ce choix satisfait les responsables des télévisions marocaines publiques et privées et plus particulièrement la 2M et Med 1 TV.
L’Expression l’avait annoncé, il y a quelques jours, Nessma TV l’a confirmé à travers un communiqué et une bande annonce, hier soir, sur ces pages Facebook. En effet, la télévision privée tunisienne a lancé officiellement le premier bouquet de télévisions à destination des pays du Maghreb.
Pour se faire, la direction artistique de Nessma a adopté le concept des couleurs comme Canal+: chaque pays aura une couleur différente et cela sans changer le nom de la chaîne. Désormais, les programmes à destination de l’Algérie, c’est Nessma Vert, les programmes à destination de la Tunisie c’est Nessma Rouge et enfin Nessma à destination de l’Europe et plus particulièrement de la France, c’est Nessma Bleu.
Dans cette affaire, on se rend compte que le groupe Karoui a zappé de son planning audiovisuel, le Maroc. Officiellement, il n’y a pas de Nessma Maroc. Si cette affaire risque de déranger le palais royal marocain qui voit d’un mauvais oeil toute installation d’une télévision étrangère en Algérie, ce choix satisfait les responsables des télévisions marocaines publiques et privées et plus particulièrement la 2M et Med 1 TV, qui considéraient Nessma comme un concurrent direct et surtout déloyal sur son marché audiovisuel. En réalité, ce rejet du Maroc par le groupe Karoui est purement économique et commercial. Contrairement à l’Algérie, la France et la Tunisie, Nessma TV n’a pas réussi à décrocher des marchés publicitaires importants.
Le P-DG, Nabil Karoui, avait dénoncé dans ses nombreuses interventions l’attitude de la Snrt (Société nationale de radio et télévision) et la chaîne publique privée 2M, qui avaient tout fait pour bloquer le développement de Nessma TV au Maroc.
Dans un entretien accordé aux Echos, le P-DG de Nessma TV avait même tiré sur le Ciaumed (Centre interprofessionnel audiométrie médiatique) qui regroupe les chaînes, les annonceurs, les agences et les régies publicitaires. Celui-ci aurait refusé l´accès au groupement à Nessma TV en raison des pressions exercées par la Snrt et 2M. Selon lui, la 2M et Oula, feraient depuis longtemps du lobbying pour que la chaîne tunisienne ne puisse pas décrocher de gros budgets publicitaires au Maroc où les deux chaînes de télévision publiques se partagent la bagatelle de 900 millions de dirhams de recettes publicitaires, soit le chiffre d´affaires annuel du marché publicitaire marocain. Et pourtant, Nessma avait misé médiatiquement et politiquement sur le Maroc, et sa première action de séduction a été l’émission «Qui veut gagner le million» version Maghreb, animé par la star du cinéma marocain, Rachid El Ouali. La publicité marocaine n’a pas suivi.
A cela s’ajoute les droits d’images du championnat marocain. La chaîne des frères Karoui avait acquis, en 2011, les droits d´image de plusieurs grandes affiches du championnat du Maroc-Botola et cela jusqu´en 2014, ce qu’elle ne pouvait pas décrocher en Algérie et même en Tunisie. Accusée de lui bloquer ses sources de publicités, la Snrc avait pourtant cédé à Nessma TV pas moins de 27 rencontres parmi lesquelles cinq matchs de l´AS FAR, cinq du Widad de Casablanca, cinq du Raja, et 12 grandes affiches du championnat marocain. Nessma TV avait également acquis les droits de diffusion du Championnat d´Afrique des nations de handball masculin qui s’est déroulé en 2012 au Maroc. Il faut dire que les rapports entre Nessma TV et le Maroc étaient très bons au départ.
La chaîne avait décroché quelques marchés au Maroc et cela grâce au soutien de l’opérateur Meditel, dont le groupe Karoui était le publicitaire attitré. Son bureau à Casablanca était plus important que celui d’Alger. Certaines publicités à destination du marché algérien étaient même tournées au Maroc, tellement les facilités lui étaient larges dans le Royaume chérifien.
Le groupe Karoui imposait même les proches de la famille royale dans des postes importants en Algérie, à l’image de l’installation de Saïda Damali Allaoui, au poste de directrice de marketing chez un important opérateur de téléphonie mobile en Algérie. Après la perte pour les Karoui de leur marché publicitaire auprès de l’opérateur, la directrice marocaine est retournée très discrètement dans son pays.
Dès le lancement de la chaîne, les Karaoui avaient misé sur les Marocains et leur marché publicitaire estimé à plus de 200 millions d’euros par an. Pour ce faire, la direction de Nessma n’hésitait pas à montrer la carte du Maroc incluant le Sahara occidental. Une image qui a choqué les responsables algériens qui avaient considéré que la position de Nessma TV était pro-marocaine. Mais les Karoui qui savent toujours équilibrer leurs acquis n’avaient jamais évoqué le dossier du Sahara occidental, tout en revendiquant la réouverture des frontières avec le Maroc, considérant comme un gage important pour l’unité du Grand Maghreb. «Nessma TV» avait même misé sur certaines icônes audiovisuelles marocaines pour lancer sa chaîne, à l’image de Kaoutar Boudarraja plus connue sous le nom KAO. L’ancienne top modèle marocaine et chroniqueuse dans l’émission Ness Nesma, qui avait réussi à séduire Berlusconi lors de son passage sur la chaîne tunisienne, avait même sa propre émission «Interdit aux hommes». Nessma TV avait fait découvrir, aussi, une figure marocaine sympathique Oussama Bendjeloun, qui animait «Nessma Net».
Ces belles figures marocaines lancées par Nessma TV ont, depuis, quitté la chaîne tunisienne pour travailler sur la chaîne marocaine concurrente Med 1 TV. Désormais, Nessma TV ne mise plus sur les Marocains, mais sur les Algériens, les Tunisiens et les Maghrébins installés en France.