Négociations directes Ansar-Allah-Arabie : Est-ce la fin du conflit ?

Négociations directes Ansar-Allah-Arabie : Est-ce la fin du conflit ?
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Les négociations directes- pour la première fois- entre l’Arabie Saoudite, qui dirige une coalition militaire contre le Yémen depuis une année, et le mouvement Ansar Allah (Houthis), qui dirige la Résistance populaire dans ce pays, augurent t- elles la fin du conflit fratricide qui a fait plus de 6.000 victimes à majorité des civils ? S’achemine t-on enfin vers le triomphe d’une solution politique après les échecs des pourparlers menés jusque là sous l’égide de l’ONU ?  

L’opinion yéménite quoique sceptique sur la réelle volonté de Ryadh de mettre fin à son agression,  se demande si ce n’est pas une tactique pour gagner du temps et calmer le feu à ses  frontières Sud,  tout en étant favorable à ces négociations qui pourraient ramener la paix. « Le Yémen se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins entre la paix et la poursuite de la guerre » estime un analyste politique yéménite.

Si des négociations ont été menées dans la capitale du Sultanat d’Oman, sous l’égide de l’ONU, entre Ansar Allah et ses alliés de l’ancien Président Ali Abdallah Saleh et l’Arabie Saoudite, c’est la première fois qu’elles se déroulent directement entre l’Arabie Saoudite et Ansar Allah. Elles ont eu lieu à la frontière entre les deux pays et non à Ryadh, à la faveur d’un échange de prisonniers  (un officier saoudien contre sept membres d’Ansar Allah), effectué le 9 mars, suite à une initiative des tribus vivant des deux cotés de la frontière (Djizan, Assir, Nedjran qui appartenaient au Yémen avant leur conquête par l’Arabie Saoudite en 1934). La partie yéménite a porté la guerre à l’intérieur de ces régions contre les positions de l’armée saoudienne, lui infligeant pertes humaines et matérielles.

Accalmie sur le terrain

Selon des sources yéménites informées, la rencontre entre les deux parties à l’initiative des tribus yemeno-saoudiennes ne s’est pas contenté d’un simple échange de prisonniers, mais a constitué de véritables négociations sur une trêve des attaques aux frontières par Ansar Allah contre un arrêt des bombardements aériens par les avions de la coalition saoudienne sur la capitale Sanaa, mais  Ansar Allah a réclame l’arrêt total des frappes contre le Yémen. Un Accord semble se confirmer sur le terrain des opérations militaires puisque l’on observe une accalmie totale aux  frontières et une baisse d’intensité des raids de l’aviation saoudienne sur Sanaa et d’autres régions du Yémen, qui subissaient jusque là  plusieurs dizaines d’attaques quotidiennes. Un seul raid a été enregistré hier le 10  mars contre Sanaa et quelques uns à Taez, El Maarib et Al Jawf où les forces yéménites ont également riposté en lançant des missiles et des roquettes, selon l’agence de presse SABA.

Si jusque là les négociations de paix menées sous les hospices de l’ONU ont buté sur l’absence  de volonté de l’Arabie Saoudite de mettre fin à la guerre, en enfreignant une simple trêve humanitaire  durant le mois de ramadhan, cette fois la situation semble avoir changé. Il n’est donc pas exclu que les négociations commencées aux frontières grâce aux tribus yéménite-saoudiennes, ouvrent plus de  chance aux efforts de l’ONU pour un règlement définitif du conflit que les derniers pourparlers à Genève par l’intermédiaire de l’envoyé spécial Ismail Ould Cheikh.

L’Arabie saoudite change de ton

Le ton de l’Arabie Saoudite a changé vis-à-vis du conflit au Yémen et considère désormais Ansar Allah comme un mouvement politique avec qui il faut négocier. Le Ministre saoudien des affaires étrangères Adel Al Djoubair, lors de la dernière réunion le 7 mars, des ministres des Affaires étrangères des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) en présence de leurs homologues jordanien et marocain, a soutenu la nécessite d’une solution politique au Yémen basée sur les résolutions ou les décisions du dialogue national inter yéménite, de l’initiative du Golfe et de la Résolution 2216 du Conseil de sécurité de l’ONU.

Ces négociations aux frontières conduites par le porte- parole d’Ansar Allah, Mohamed Abdesselam, pour la partie yéménite, sont également soutenues par leur allié du parti du Congrès populaire général, aile d’Abdallah Saleh, qui a, le premier plaidé pour négociations directes avec l’Arabie Saoudite et non avec ses intermédiaires yéménites. Une source de ce parti a déclaré à l’agence de presse yéménite Khabar News  qu’il « soutient la paix globale et tous les efforts pour mettre fin à la guerre et de l’agression sur le Yémen », mais que : « L’acceptation de la paix ne signifie pas renoncer à nous-mêmes et à la défense de notre patrie, qui est exposée aux pires formes d’agression et le siège imposé par mer, air et terre ».

De nombreux observateurs yéménites s’accordent à dire que ces négociations qui représentent un premier pas positif vers l’arrêt total de la guerre menée par l’Arabie Saoudite et ses alliés signifient indéniablement la défaite de cette coalition face à la résistance et au courage légendaire du peuple yéménite face aux invasions étrangères. Cette guerre, lancée avec l’opération « Tempête décisive » le 26 mars 2015 a fait 6100 morts, dont environ la moitié de civils, 2,5 millions de personnes déplacées, des millions de personnes soumises à la famine, aux maladies, et la destruction de toutes les infrastructures civiles. Les négociations portent également sur ce que l’Arabie Saoudite devra verser pour la reconstruction du Yémen, pays le plus pauvre de la péninsule arabique.

La coalition n’a pu réaliser ses objectifs

Malgré  toute l’armada déployée et les aides américaine, anglaise et française, la coalition saoudienne soutenue par les monarchies du Golfe et les USA n’a pu réaliser ses objectifs sur le terrain, cédant ses victoires annoncées à Al Qaida qui a par contre réussi à occuper plusieurs villes côtières du Sud Yémen, dont Aden où devait siéger provisoirement Abd Rebbo Mansour Hadi  qui a fait appel à l’intervention de Ryadh pour le rétablir dans sa légitimité de Président.

Après plusieurs appels lancés pour la fin de cette guerre fratricide et injuste, il semble cette fois que les pressions de l’allié américain, de l’Union Européenne, de la Russie, de l’Allemagne, auraient été plus insistantes et pesé sur la décision de la monarchie saoudienne pour négocier une issue politique au conflit. Au plan géopolitique, certains observateurs n’excluent pas que l’Arabie Saoudite, puissance régionale sunnite, cherche à « damer le pion » à  l’autre puissance, chiite, l’Iran, qu’elle a toujours accusé de soutenir les Houthis et de lui enlever une carte des mains.

En tout cas tous les analystes arabes et occidentaux s’accordent à souligner parmi les facteurs qui ont poussé Ryadh à changer de position, la situation « intenable » du royaume, sur le plan économique, (avec la chute de ses revenus pétroliers, à cause d’une guerre des prix de pétrole que l’Arabie Saoudite a elle même provoqué au sein de l’OPEP, le coût faramineux de la guerre au Yémen) et au  plan politique, les révoltes de tribus chiites,  dans les régions pétrolifères du Royaume, surtout après l’exécution de la figure du leader de l’opposition chiite Cheikh Nimr.