Le ministre de l’Industrie et des Mines est un bon hâbleur. Son argumentaire peine, cependant, à convaincre tant la situation de l’investissement et des porteurs de projets est des plus alarmantes.
Dans une de ses dernières sorties à Oran, il a lancé aux journalistes : « Nous avons levé toutes les contraintes qui faisaient obstacle à l’acte d’investissement à commencer par le problème du foncier industriel. Aujourd’hui, l’opérateur privé bénéficie de plus de facilités ». Mieux, le ministre souligne que la Banque d’Algérie vient d’annoncer des mesures allant dans le sens de la facilitation de l’acte d’investir.
Cependant la réalité du terrain fait vite de rattraper cet argumentaire. Les exemples de blocage de projets porteurs de milliers d’emplois et de richesses sont malheureusement légion. Au grand dam du ministre de l’Industrie qui nous ressort ses moulinets à chaque conférence de presse. Les faits et les chiffres avancés par les limiers de l’économie sont têtus.
Outre la question du foncier qui empêche effectivement le lancement de grands pôles industriels, il y a surtout la bureaucratie, la corruption, l’inertie des institutions chargées de booster l’investissement et enfin un système financier et bancaires des plus archaïques.
Au grand désespoir opérateurs économiques nationaux, le milieu d’affaires en Algérie est peu propice. Quinze ans après avoir brassé des centaines de milliards de dollars, l’Algérie de l’ère Bouteflika est plus jamais dépendante de la rente pétrolière. Pire, les différents ministres de l’Industrie n’ont montré aucune diligence et volontarisme pour libérer les énergies créatrices de véritables richesses. Bien au contraire, on a vu une mafia compradore prospérer dans l’informel et l’illégalité. Selon Abderrahmane Mebtoul, économiste, le marché de l’Informel représente la coquette somme de 50 milliards de dollars. Une formidable manne que les pouvoirs publics sont incapables de capter. A-t-on seulement entendu un ministre mettre le doigt sur cette mafia qui saigne l’économie nationale ? C’est dire l’échec lamentable de toutes les mesures prises jusqu’à présent.
Mais revenons aux blocages des projets et aux insolubles problèmes de bureaucratie auxquels sont confrontés les investisseurs algériens.
Le cas Dekorex
Il est de notoriété publique que nombre de projets d’investissement d’Issad Rebrab sont bloqués depuis des années. Malheureusement, ce ne sont pas les seules victimes de la bureaucratie compradore. Il y a quelques semaines, un patron algérien avait interpelé le gouvernement et la Banque d’Algérie sur son usine. Larbi Ouahmed, patron de Dekorex, a vu son projet enterré par la faute d’une banque étrangère, Natixis pour ne pas la nommer.
Genèse.
Dekorex, basée dans la zone industrielle de Rouiba, est spécialisée dans l’hygiène corporelle. A la demande de Dekorex, Natixis-Algérie a mis en place une ligne d’exploitation de 175 000 000 DA en 2007 pour l’acquisition des machines couches-bébés. Objectif ? Augmenter les capacités de production et répondre aux besoins du marché algérien. «Dekorex envisageait même l’exportation à court terme », pronostique le patron de Dekorex. Cependant, « le fournisseur allemand n’a pas respecté les clauses contractuelles, puisque les équipements envoyés ne correspondaient pas à notre commande, nous avons informé Natixis de notre problème », souligne Larbi Ouahmed. La société introduit auprès de la cour d’Alger une action afin de bloquer le paiement de la partie restante des équipements au fournisseur allemand.
La cour d’Alger a rendu, en juillet 2010, sa décision pour sursoir aux paiements desdites opérations. « Malgré cette décision de la justice algérienne, Natixis n’a pas protégé nos intérêts, elle a très mal géré notre compte », regrette le patron de Dekorex. Depuis, la société est à l’arrêt et plus de 600 salariés se sont retrouvés sur le carreau. Le dirigeant de Dekorex a fait des mains et des pieds pour alerter les autorités. « Nous avons sollicité le premier ministre, le ministre de l’industrie, la Banque d’Algérie, personne n’a bougé le petit doigt, pointe le patron. En plus de l’arrêt de la cour, trois expertises nous donnent raison »,
Pourquoi le ministre de l’Industrie ne fait rien sachant que le dossier lui a été transmis ? Dans cette affaire, comme dans d’autres, il y va pourtant de capitaux des Algériens, de création d’emplois et de richesses dont l’Algérie a grandement besoin.
Cet investisseur algérien se sent abandonné par les autorités. Il ne s’explique pas le silence d’un gouvernement qui multiplie les déclarations d’encouragement en direction des investisseurs sans efficience sur le terrain.
« Pourquoi la Banque d’Algérie ainsi laissé faire Natixis ? L’argent transféré par Natixis, en dépit de l’arrêt de la cour d’Alger, est celui du peuple algérien. Nous voulions l’investir pour créer de l’emploi, de la richesse, produire localement », plaide cet homme d’affaires dont la première usine remonte aux années 1970.
Larbi Ouahmed réclame que justice soit rendue. « Il est temps que les institutions algériennes jouent leur rôle, tout le rôle dans cette affaire comme dans d’autres afin de rendre confiance aux investisseurs potentiels. Enfin, ce capitaine d’industrie qui en appelle à la responsabilité gouvernementale, propose la mise en place d’un tribunal arbitral afin d’applanir son différend avec la banque Natixis, voire les autres projets en souffrance.
Hamid Arab