L’ancien ministre de l’Energie M. Nourredine Ait Laoussine a estimé, samedi à Alger, que le bilan de la nationalisation des hydrocarbures est à reconsidérer en évaluant ses « acquis positifs » et ses « échecs ».
M. Laoussine qui était l’invité du Forum d’Alger a soutenu que la nationalisation des hydrocarbures opérée en 1971 a permis à l’Algérie de reprendre le contrôle de ses ressources naturelles et de récupérer sa manne pétrolière mais n’a pas pour autant atteint l’objectif qui lui a été assigné au départ à savoir de « faire de la rente pétrolière un levier stratégique puissant dans la lutte contre le sous-développement ».
M. Ait Laoussine qui était un des acteurs de cette nationalisation a a affirmé d’emblée que l’objectif visé par cette politique était de « faire jouer au pétrole pleinement son double rôle qui était d’approvisionner le marché en énergie et en matières premières et aussi de générer les revenus nécessaires aux financements du progrès sociale ». Selon lui, les décideurs de l’époque visaient aussi par cette nationalisation « le financement de l’investissement public pour créer une économie suffisamment diversifiée capable d’assurer la pérennité du pays ».
Dans les faits, l’Algérie voulait par cette politique contrôler ses ressources afin de renforcer et disposer librement de ses moyens d’action, d’améliorer la rente pétrolière en augmentant la production et les prix à l’exportation et à recycler ses entrées d’argent pour diversifier l’économie.
C’est à ce titre qu’il refusé de considérer cette nationalisation comme un acte idéologique découlant du régime socialiste auquel l’Algérie avait alors opté en soulignant que la nationalisation a été plutôt dictée par des raisons purement économiques. La nationalisation « n’était pas un geste idéologique mais un acte éminemment économique. Nous n’avons pas nationalisé pour prendre les intérêts des autres mais pour développer notre pays », a déclaré l’ancien PDG de Sonatrach.
Dressant l’aspect positif de ce bilan, M. Ait Laoussine a tenu à souligner que cette nationalisation est venue renforcer les atouts de la compagnie nationale Sonatrach qui venait juste de naître. « Sonatrach a fait l’admiration des d’autres pays exportateurs de pétrole et qui à l’époque et je pèse bien mes mots leur a servi d’exemple de réussite », a dit M. Ait Laoussine, actuellement président de Nalcosa, un bureau de consulting en énergie basé à Genève en Suisse.
Grâce à cette nationalisation, l’Algérie a continué à entretenir des rapports avec les autres compagnies privées étrangères dans le cadre de différentes formules de partenariat qui confirment la souveraineté de l’Etat sur la propriété de ses ressources naturelles en conformité avec la loi d’avril 1971.
BATAILLE D’EXPLOITATION
« Il est donc indéniable que la bataille d’exploitation de nos hydrocarbures a été gagné par la Sonatrach », dirat- il pour souligner ce succès remporté selon lui grâce à la ressource humaine qui a permis le contrôle effectif des opérations d’exploitation malgré sa jeune expérience.
Depuis la nationalisation, l’Algérie a aussi augmenté son niveau des réserves à la faveur des nouvelles découvertes qui ont permis aussi d’améliorer sa production de pétrole qui est passée de 35 millions de tonnes en 1971 à 70 millions de tonnes aujourd’hui, selon M. Ait Laoussine. Depuis la nationalisation, l’Algérie a produit 16 milliards de barils de pétrole, 2.500 milliards de M3 et devenue 3ème fournisseur du marché gazier européen, a-t-il cité comme acquis de la nationalisation.
En plus, l’Algérie a obtenu les meilleurs prix pour son énergie à l’exportation grâce à son militantisme sans relâche au sein de l’Opep, signale-t-il sur ce point. Ses recettes pétrolières à l’exportation ont atteint depuis cette nationalisation à nos jours 880 milliards de dollars, selon les chiffres qu’il a fournis. Mais en revanche, cette manne pétrolière n’a pas servi au développement économique et social du pays, estime-t-il par ailleurs.
« Nous sommes loin du but, notre économie est loin d’être diversifiée. Nous avons réalisé des performances décevantes dans le secteur hors hydrocarbures malgré les nombreuses mesures d’incitations prises pour le relancer », a-t-il dit, jugeant inacceptable que la rente pétrolière représente encore 50% du PIB de l’Algérie.
Selon M. Ait Laoussine, « les raisons de cet échec sont multiples et connues » et elles sont dues à « la non pertinence des objectifs de développement et des politiques économiques suivies, à l’absence de planification stratégique, à un climat des affaires qui décourage le secteur privé et aussi à des contraintes de gouvernance et à une incapacité de mise en oeuvre des réformes et en définitif à une absence persistante de synergie entre tous les acteurs et institutions de l’Etat ». Le défi auquel l’Algérie doit faire face consiste, selon M. Ait Laoussine, à déterminer le meilleur usage des richesses encore disponibles.
L’Algérie devrait choisir, entre utiliser son aisance financière pour diversifier son économie ou limiter ses exportations d’hydrocarbures à un niveau compatible avec ses besoins financiers à long terme, recommande-t-il. M. Ait Laoussine précise que l’option de réduction des exportations s’avère plus judicieuse que l’exploitation intensive des gisements et l’accumulation des réserves de change.
Rachida T.