L’ouverture de l’audiovisuel au privé relève d’une décision politique. C’est ce qu’a affirmé le ministre de la Communication, Nasser Mehal, lors de la conférence-débat qu’il animée au Forum du journal El Moudjahid à l’occasion de la journée internationale de la presse du 3 mai.
«Ce n’est pas le ministre de la Communication qui décide de ça (lancement des chaînes TV privées). C’est une décision politique», a-t-il dit. «Cela dit, je me ferai un plaisir d’appliquer la décision quand elle interviendra», a-t-il ajouté.
Il a rappelé dans ce cadre que le chef de l’Etat avait évoqué dans son discours à la nation (15 avril dernier) l’ouverture de chaînes thématiques, annonçant à ce propos la « finalisation » des statuts de la Télévision et de la Radio nationales lundi prochain.
«L’objectif consiste à créer de l’émulation au sein de la Radio et de la Télévision car, jusque-là, on avait un clonage de chaînes», a relevé le ministre, expliquant qu’en dotant chaque chaîne de son propre statut, elles seront indépendantes l’une de l’autre. A titre d’exemple, il a précisé qu’à partir de l’année 2012, il y aura trois journaux télévisés différents sur chaque chaîne, ce qui permet au téléspectateur de disposer d’une palette de programmes et de créer la concurrence entre les chaînes publiques, comme cela se passe dans d’autres pays, a-t-il dit. Le ministre a aussi annoncé, qu’en plus de l’Agence nationale d’information, Algérie presse service, qui bénéficiera de nouveaux bureaux à l’étranger, la Télévision nationale sera dotée de trois bureaux»permanents et structurés» au Caire, à Paris et à Washington. «J’exigerai, en tant que professionnel, qu’il y ait beaucoup de présence sur le terrain de l’information à l’étranger», a-t-il indiqué.
«On doit professionnaliser davantage la TV, sans faire de procès à quiconque. Ce qui nous intéresse, c’est l’avenir», a poursuivi le ministre. Pour ce qui est des programmes de la Télévision nationale, il a estimé qu’elle ne devrait pas se limiter aux programmes du mois de Ramadhan, appelant ainsi à»libérer l’imagination et la créativité pour créer un effet d’émulation et aboutir à la qualité». Assurant qu’il donnera tous les moyens à la Télévision nationale, M. Mehal a exhorté les producteurs à «s’engager davantage» et ne plus considérer la Télévision publique comme»une vache à traire».
«UNE NOUVELLE LOI SUR L’INFORMATION D’ICI JUIN»
Le ministre de la Communication a abordé toutes les questions que se pose la profession. Cette dernière est invitée à prendre part aux consultations larges qui conduiront, dira le ministre, « d’ici juin à l’élaboration d’une mouture de la nouvelle loi sur l’information ». Selon lui, «la loi 9-07 du 3 avril 1990 nécessite une adaptation car de nouvelles réalités ont surgi comme la presse électronique ou la web TV qu’il faut intégrer et codifier». A cet effet, il lance un appel au débat ouvert, y compris aux partis, aux juristes pour sortir avec un projet de loi consensuel et rompre avec la culture du doute permanent. Interpellé récemment par le Syndicat national des journalistes (SNJ), sur la nécessité de mettre en place le conseil supérieur de l’information, il répliquera que «celui-ci a été dissous par un décret en 1993».
Pour autant, la remise en selle de cette structure et d’autres organes de régulation n’est un pas une impossibilité. La révision de la loi sur l’information, insistera le ministre, « n’est pas la seule affaire du gouvernement ». A maintes reprises,
M. Mehal mettra l’accent sur la responsabilité de la profession qui doit, en quelque sorte, mettre de l’ordre dans ses rangs. En matière d’éthique et de respect de la déontologie, elle est invitée « à trouver les moyens pour s’immuniser contre les dérives, à l’instar des médecins, des pharmaciens ou des avocats ». Le ministre a pointé du doigt certaines faiblesses de la profession gangrenée par l’intrusion de trabendistes. « La déontologie est souvent mise à mal par des comportements de journalistes qui ne prennent pas le soin de vérifier l’information et certains comportements n’honorent pas la profession », dira-t-il. Cette loi organique très attendue sera surtout suivie par d’autres lois relatives au sondage, à la publicité… L’amélioration du niveau et de la qualité de notre presse est liée également liée à la formation. «En arrivant au ministère, dira ML Mehal, le fonds d’aide à la presse d’un montant de 40 milliards de centimes était quasiment gelé ». Il sera destiné à la formation des journalistes de la presse publique et privée. Des conventions seront signées avec l’école supérieure de journalisme, l’université d’Alger.
LES JOURNALISTES AURONT UNE GRILLE NATIONALE DES SALAIRES
Le ministre a insisté surtout sur la disponibilité des pouvoirs publics à accompagner le développement des médias nationaux. «Personne ne peut prétendre détenir le monopole des libertés», dira-t-il. Il a rappelé, à cet égard, les efforts importants de l’Etat en 1990, «l’attribution des trois années de salaires, les subventions du papier, la mise à la disposition des collectifs naissants de locaux avaient permis l’éclosion de la presse ». Actuellement, ses services planchent sur l’élaboration de la grille nationale des salaires qui doit assurer un seuil minimum. Elle ne sera pas imposée aux éditeurs privés mais le ministère du Travail et le SNJ seront associés. Le ministre s’offusquera de voir des journalistes toucher 6000 DA. Il a eu des mots durs à l’encontre de «ces négriers de 2011». « Ce n’est pas moral de voir de telles dérives, une exploitation et le mot n’est pas fort en 2011 ». Il n’a pas manqué d’évoquer la dépénalisation des délits de presse qui sera au menu du conseil des ministres de ce lundi 2 mai. «C’est un acte important, une décision du président de la République qui veut apporter beaucoup d‘apaisement », dira le ministre. Les peines d’emprisonnements seront abandonnées mais les amendes seront maintenues.
Affirmant qu’en réalité il n’a jamais été fait application des deux articles 144-bis et l’article 146 (emprisonnement des journalistes), le ministre a appelé les journalistes et les éditeurs de presse à commencer par «renforcer les règles de l’éthique et de la déontologie», ajoutant que les amendes concernant les délits de presse seront»maintenues».
Il a relevé aussi qu’il revenait aux journalistes de «s’organiser et de trouver les meilleurs moyens d’immuniser la profession contre toutes les dérives constatées jusque-là», car a-t-il expliqué, «il s’agit d’un acte civilisationnel et de responsabilité».
L’attribution de la carte de presse différente de la carte professionnelle attribuée par les organes sera confiée à une commission nationale qui sera installée d’ici juillet. L’un des chantiers ouverts par les autorités est la diffusion avec un effort particulier pour le sud et le recours à l’ANSEJ pour assurer le droit à l’information du citoyen. En ce sens, il a annoncé un projet de rotative à Bechar pour lequel les moyens de réalisation ont été dégagés, ainsi qu’un projet d’imprimerie à Tamanrasset.
Interrogé enfin sur la prise en charge du problème de logements pour les ournalistes, il expliquera que « cela ne relève pas des attributions de son ministère. Celui-ci ne lésinera pas sur les efforts afin de trouver un solution aux problèmes», a-t-il assuré.