Nacer Djellal : « J’ai été kidnappé par un groupe islamiste pour soigner un terroriste »

Nacer Djellal : « J’ai été kidnappé par un groupe islamiste pour soigner un terroriste »
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Nacer Djellal, 50 ans, cardiologue à Tizi Ouzou, a été arrêté dans la matinée du mardi 16 octobre par un groupe terroriste composé de 5 personnes. Détenu dans une casemate quelque part dans le maquis, Nacer a été enlevé afin de soigner un terroriste qui souffre de troubles cardiaques. Après vingt jours de détention, il a été relâché sain et sauf. En exclusivité pour DNA, il raconte son enlèvement et ses 20 jours de captivité.

DNA : Comment avez-vous été enlevé et par qui ?



Nacer Djellal : J’ai été enlevé mardi 15 novembre vers 7 h 30 du matin, à Tala Bouanane, dans la région de Beni-Douala. Je me dirigeais vers mon cabinet médical à Tizi Ouzou, avec la ma femme et mes deux enfants, quand nous sommes tombés sur un barrage. Devant notre véhicule, il y a une autre voiture. Autour du barrage, il y a 5 hommes armés de Kalachnikovs.

Ils vous attendaient?

Visiblement, ils m’attendaient. Ce sont 5 jeunes habillés en tenues militaires et qui ne portent pas de barbes. Ils me font signe de m’arrêter. Je descends de la voiture avec ma femme et mes enfants. Ils vérifient mes papiers et me demandent de les suivre. Je monte dans leur véhicule, à l’arrière, encadré par deux personnes. Nous étions six dans la voiture. Le véhicule roule pendant un moment, repasse devant ma maison. C’est là qu’ils décident de me mettre un bonnet sur la tête pour me cacher la vue.

Que s’est-il passé par la suite ?

Le véhicule roule sur une route goudronnée pendant un laps de temps, puis emprunte une piste avant de s’arrêter. Nous descendons. Ils me tiennent par la main et nous marchons à pieds pendant une période de temps que je ne saurai préciser. Nous traversons une forêt, puis une rivière, escaladons une falaise avant d’arriver dans une casemate. Pendant le trajet personne ne m’adresse la parole et mes ravisseurs marchent en silence.

Là vous découvrez que ravisseurs sont des terroristes….

Oui, des terroristes islamistes. Et ils le revendiquent ouvertement. A l’intérieur de la casemate, ils me rassurent sur leur intention. J’apprends qu’ils m’ont kidnappé parce qu’ils ont besoin d’un médecin cardiologue. Ils me demandent alors de soigner un des leurs qui souffre de problèmes cardiaques. Je l’ai soigné d’abord parce que je suis médecin et ensuite parce que je n’ai pas le choix de refuser.

Comment se déroule votre captivité ?

J’ai été bien traité. Jamais menacé, jamais violenté. Ils me ramènent souvent la presse et nous pouvions également écouter la radio. Les conditions de vie sont spartiates, sommaires, comme peuvent l’être les conditions de vie dans une casemate située dans une forêt. Chaque jour, il y a des vas et vient incessants. Des gens qui partent, d’autres qui arrivent.

Vous dialoguiez avec vos ravisseurs ?

Oui, très souvent. Nous parlons de politique. Ce sont des gens très convaincus de leur cause et du combat qu’ils mènent. Ils voulaient me convaincre de faire la prière avec eux, mais j’ai refusé. Toutefois, ils ne m’ont pas forcé. J’ai expliqué que je ne suis pas pratiquant. Ils ont respecté mon choix et mon statut. Je le répète, ils étaient corrects avec moi, sinon exemplaires.

Pourquoi vous ont-ils relâché ?

Une fois que l’état de santé du malade s’est amélioré, ils ont décidé de me relâcher. Ils ne m’ont chargé d’aucun message, n’ont fait aucune recommandation. Ils m’ont libéré à 1h du matin, à 200 mètres de mon domicile.

Pendant votre captivité, aviez-vous peur pour votre vie ?

J’ai eu peur pendant la première heure de mon enlèvement car je ne savais pas quel sort m’était réservé. La peur s’est estompée tout de suite après. Pendant les vingt jours de ma détention, mes ravisseurs s’étaient bien comportés avec moi. En revanche, j’avais peur que l’armée fasse un ratissage dans le coin. Dans ce cas, tout peut arriver. Aujourd’hui, je suis bien. J’ai perdu quelques kilos, je suis fatigué mais soulagé.