N. KOURICHI « Manque de fonds de jeu »

N. KOURICHI « Manque de fonds de jeu »

Après Rabah Madjer, un autre ancien joueur de la glorieuse sélection algérienne des années 80 revient sur les performances des Fennecs durant cette CAN. Nourdine Kourichi, reconverti en consultant sportif pour plusieurs chaînes de télévision, nous parle de l’aspect tactique de cette équipe.

Nordine, quelles sont vos impressions à la suite du match contre le Mali ?



J’avoue être satisfait puisque le principal a été fait. Les trois points ont été pris et c’est là le principal. Même si ça n’a pas été un grand match. IL ne faut pas oublier que l’on est dans un tournoi, et l’important dans un tournoi, c’est de prendre des points. Il fallait rattraper le faux-pas contre le Malawi, puisque l’équipe n’a pas su être à la hauteur ce jour-là. La réaction du groupe a été bonne, ils se sont ressaisis. Elle redonne espoir !

Peut-on dire à présent que le Malawi n’était qu’un mauvais souvenir ?

Je suis de ceux qui pensent que cette rencontre-là a été mal préparée, notamment au Castellet. La préparation n’aurait pas dû être faite dans un climat froid. De plus la décision de faire jouer des joueurs blessés n’a pas été judicieuse. On aurait pu donner la chance à des remplaçants.

Le changement tactique effectué par Saadane contre le Mali a-t-il été payant ?

Je pars du principe que tout changement tactique qui apporte une victoire est payant. Après la défaite contre le Malawi, le changement était impératif. Je pense que Saâdane a dû en parler avec ses leaders Mansouri et Ziani, et qu’il a su analyser les choses pour élaborer ce changement. A présent, il ne faut pas oublier que cette équipe souffre de l’indisponibilité de certains joueurs comme Anthar Yahia, donc certains changements s’imposent d’eux-mêmes. Concernant l’animation offensive, je dirais que l’utilisation de Ghezzal comme point d’ancrage a été intéressante. C’est un joueur qui excelle au poste de pivot, surtout quand il y a deux milieux excentrés à ses cotés.

Quel regard portez-vous sur le schéma tactique du sélectionneur ?

Toute tactique est bonne tant qu’on gagne. Il y a un impératif de résultat. Après, les schémas tactiques sont élaborés par rapport à la qualité individuelle et la disponibilité des joueurs. Durant les éliminatoires, on a évolué en 3-5-2, l’absence de Yahia nous pousse à revenir à une défense à 4. Peut-être que le retour de Yahia nous conduira à renouer avec le 3-5-2. Moi je serais plutôt pour établir un 4-4-2 classique, avec deux milieux excentrés et deux récupérateurs. C’est un système que les joueurs maîtrisent très bien en club, puisqu’il est très répandu en Europe.

Et sur l’animation du jeu ?

Il reste un gros travail à faire concernant le fonds de jeu. C’est une équipe composée d’individualités, sans de collectif fort. C’est le point qui doit être amélioré par le sélectionneur. L’effectif est de qualité et contient de bons joueurs. Pris un à un, on trouve des joueurs intéressants dotés d’un bon état d’esprit et qui en veulent. Il va falloir encore travailler l’aspect du jeu collectif pour que la mayonnaise prenne enfin. Ce qui est révélateur c’est que les attaquants ne marquent pas assez de buts. Nos deux derniers buts ont été l’œuvre de Yahia et Halliche, des défenseurs. En améliorant le collectif, je suis sûr que l’on pourra marquer plus de buts.

Vous êtes pour l’utilisation de Saïfi comme joker?

Oui, je pense que le moment est venu de l’utiliser comme remplaçant. Saïfi n’est plus tout jeune, et je pense que c’est une bonne chose de ne pas le faire débuter les matches. Surtout dans une compétition comme celle-là, où l’on joue tous les trois jours et très exigeante dans le domaine physique. Le rôle de joker lui irait très bien, c’est un joueur qui peut nous sortir de situations difficiles. Il a prouvé qu’il savait marquer des buts, et ça c’est très important !

On assiste à l’avènement de Yebda dans l’entrejeu…

Effectivement, il fait partie de ces joueurs qui ont un gros potentiel, mais qui manquent encore un peu d’expérience en équipe nationale, vu qu’ils ne cumulent pas encore beaucoup de sélections. C’est également le cas de Meghni ou de Chaouchi. Avec le temps, ils vont encore s’affirmer.

Pour revenir à Yebda, je tiens à dire que c’est un joueur que j’apprécie beaucoup. J’en ai souvent parlé dans les médias avant même sa sélection. Il a vraiment les capacités pour devenir un leader de cette équipe.

Dans le rôle qu’il occupe dans la récupération, il est très intéressant. Il faudrait peut-être lui adjoindre un joueur qui puisse tenir le rôle de relayeur. Là, il y a Mansouri qui est un joueur trop défensif et ils se marchent un peu sur les pieds. Il faut un joueur capable de remonter la balle sur la longueur du terrain…

Comme un Ziani qu’on pourrait faire redescendre d’un cran sur l’échiquier tactique…

Par exemple, oui. Ou encore un Lemmouchia, un joueur doté d’une bonne technicité, et qui a cette capacité à aller vers l’avant. Dommage qu’il soit parti, car il aurait pu apporter beaucoup sur le plan tactique.

Et quel rôle pour Meghni dans tout ça ?

Lui aussi est un joueur qui me plait énormément. Techniquement, il est au-dessus, c’est le genre de joueur que tout entraîneur aimerait avoir. Saâdane a vraiment de la chance de posséder autant de qualité dans son groupe. Je le verrais bien comme le pendant de Ziani. L’un sur la droite et l’autre sur la gauche.

Vous nous parliez de Lemmouchia juste avant. Il y a justement eu une « affaire Lemmouchia », qui a éclaté la veille du match.

Un mot sur le sujet ?

Il y a eu beaucoup de flou dans cette histoire, et c’est vraiment difficile de porter un jugement objectif. Concernant le joueur, si réellement il a quitté le groupe pour des raisons familiales graves, ça se comprend. Si au contraire il a quitté le groupe, pour avoir refusé le banc, je dirais que ce n’est pas normal. Ce n’est pas un comportement que l’on peut accepter au haut niveau. Prenons l’exemple d’Abdoun qui est là depuis des mois sans jouer mais qui ne dit rien. Il continue de se préparer sérieusement et reste disponible.

Certaines voix accusent Saâdane de favoriser les anciens de l’équipe…

Saâdane doit être impartial et intransigeant vis-à-vis de la discipline de groupe. C’est un entraîneur que je connais bien, vu qu’il nous a dirigés en 1986. C’est quelqu’un d’extrêmement gentil, et certains essayent d’en profiter. Il doit se faire respecter par ses joueurs, que ce soit Lemmouchia ou un autre. Surtout que bientôt il y aura le retour des blessés.

Est-ce le genre d’événements qui peuvent détruire l’ambiance d’un groupe ?

Non je ne pense pas. C’est fait également partie de la vie de groupe. J’ai souvent des échos sur l’équipe à travers certains joueurs. Je sais qu’il y règne une belle ambiance, une bonne dynamique avec une grande détermination à vouloir bien faire. Je sais également qu’il y a des leaders qui donnent cette impulsion et ces valeurs au groupe.

Il y a peut-être eu un défaut de communication par rapport à cette histoire ?

Peut-être. Je répète que c’est difficile d’analyser les choses, puisqu’elles relèvent d’un contexte particulier. Peut-être également que les choses sont exagérées, et qu’on essaye d’en profiter. Moi je pense qu’il faut continuer à positiver, et à rester unis derrière cette équipe. Il faut profiter de ce coup de chaud que constitue cette victoire contre le Mali pour confirmer et aller plus loin. On en a les moyens !

Propos recueillis par Reda Zinedine (Rédaction Football365/FootSud)