Mutinerie de policiers: de la nécessité de démêler l’écheveau de cette grave affaire

Mutinerie de policiers: de la nécessité de démêler l’écheveau de cette grave affaire

Les langues commencent à se délier après la mutinerie de quelques centaines de policiers des unités républicaines de sécurité ( URS) sur un effectif de plus de 200.000 agents. On sait aujourd’hui avec certitude que cette rébellion n’est pas tombée du ciel pas plus qu’elle ne relève d’une manifestation spontanée. Bien au contraire, « cette agitation était bien préméditée, manigancée et tramée » ont confié à Algérie1 des sources bien informées au cours d’un entretien à bâtons rompus

« Ses commanditaires se trouvent au ministère de l’intérieur, ses prolongements au sein de la sûreté nationale et les acteurs à Ghardaia » affirment nos sources. Pourquoi cette ville ? « parce que précisément c’est là où la manipulation peut s’exercer avec beaucoup de facilités du fait que les policiers des unités républicaines dans cette ville du sud sont sur la brèche depuis quelques mois, loin de chez eux, victimes des émeutiers, travaillant dans des conditions extrêmement difficiles, se mouvant dans un environnement hostile, donc des proies faciles pour les initiateurs de la jacquerie ».

Des ressorts psychologiques efficaces et persuasifs

« Il faut préciser tout de même qu’en 2012, pour face aux affrontements qui secouaient la ville et ses environs et qui n’arrêtaient pas de traîner en longueur, il a fallu dans l’urgence construire pour les URS et les GIR de la gendarmerie des baraquements, des cuisines, des douches etc… avec le concours de Batimétal » soulignent t-on.

« Fatalement ces policiers de Ghardaia étaient donc les plus aptes et les plus vulnérables pour succomber à cette emprise et à ce contrôle sur leurs esprits et leurs comportements. Les manipulateurs ont ainsi utilisé des ressorts psychologiques efficaces et persuasifs en touchant la corde sensible, c’est à dire, les salaires, le logement, les primes, l’éloignement… et il n’en fallait pas plus pour emporter l’adhésion du plus grand nombre » indiquent les mêmes sources.

« La stratégie reposait sur trois postulats, refuser de discuter avec le patron de la police, le récuser en demandant son départ et enfin « exiger » la présence du ministre de l’intérieur » précisent t-on.

« Celui-ci, d’ailleurs, ne s’est pas fait prier deux fois, puisqu’il prit l’avion immédiatement pour Ghardaia, du moment que sa valise était déjà prête pour ce voyage prometteur qui avait deux objectifs : Montrer à l’opinion publique et au président de la république qu’il était le sauveur de la république et obtenir la tête du général Hamel qu’il n’a pas pu obtenir auparavant » affirment les mêmes sources.

« Sur place, il négocia avec les mutins, acceptant toutes leurs revendications tel que prévu dans le plan initial » ajoute t-on.

« Houalef la cheville ouvrière de ce complot »

« A Alger le lendemain, c’est au tour de quelques centaines de policiers mutins de sortir dans la rue scandant « Hamel dégage », un slogan emprunté au printemps arabe, « Boufellaga DGSN », un lapsus révélateur, du genre « trahi par les siens ». Quant à l’inspecteur général, Mohamed Houalef, en fait le numéro deux, originaire du même patelin que le ministre de l’intérieur, et néanmoins son poulain, il apparu très vite comme la cheville ouvrière de ce complot » affirment t-on.

« Un autre fait, troublant celui là, était la présence au milieu des mutins rassemblés en face de la présidence de la république, qu’ils ont tenté d’investir, d’un conseiller du ministre de l’intérieur. Interrogé d’ailleurs par la presse sur sa bizarre présence au milieu des mutins, Djamel Bouzertini a affirmé, sans rire, être « présent pour écouter les préoccupations et les revendications des agents protestataires ». Ce conseiller, n’était pas seul au milieu des mutins puisque le Directeur des ressources humaines au ministère de l’Intérieur, Abdelhalim Merabti était également présent comme pour apporter son soutien à cette sédition en multipliant les déclarations favorables aux policiers rebelles » ajoutent nos sources.

« Cette proximité et cette connivence avec des policiers qui ont occupé illégalement la rue renseigne à plus d’un titre sur la manipulation dont ont été l’objet ces agents des unités républicaines ».

« Tout le monde aura remarqué que les policiers d’Alger, contrairement à ceux de Gharadaia, n’ont pas exigé la présence du ministre de l’intérieur mais celle du Premier ministre. Ce même ministre de l’intérieur dont l’affichage à Ghardaia était trop visible, donc dangereux, car cette visibilité pouvait tel un boomerang lui revenir sur la figure. C’est pour cette raison qu’il a été demandé aux mutins d’exiger de parler à Sellal et d’oublier le ministre de l’intérieur.

Mouvement très minoritaire

« Évidemment que des journaux et des partis d’opposition se déchaînèrent à l’unisson en versant des larmes de crocodile sur ces « malheureux » policiers, faisant ainsi accroire qu’ailleurs les travailleurs algériens étaient des gens heureux. Demandez donc aux métallos de Géni Sider, aux pétroliers et gaziers de Sonatrach, aux cheminots de la SNTF, à ceux du bâtiment et aux travailleurs des autres entreprises du secteur public et privé de vous décrire leurs conditions de travail ! Demandez aussi aux para-médicaux de vous décrire leur raz le bol ! Approchez vous des gardes communaux qui ont investi par dizaines de milliers Alger à plusieurs reprises pour vous indiquer leur mal être ! Interrogez les enseignants sur leur difficulté de travailler dans des classes surchargées ! Dites aux dizaines de milliers de chômeurs de vous faire part de leur dépit ! Approchez vous des agents de la protection civile, des gendarmes et des militaires et renseignez vous sur leurs conditions de travail ! Interrogez les journalistes sur leurs salaires de misère alors que leurs patrons sont devenus des milliardaires grâce à la manne publicitaire de l’État et du privé » tonnent nos interlocuteurs.

« Si ces policiers étaient les plus malheureux et les plus désavantagés ça se saurait. Salaires doublés, avancement dans les grades, révocation de milliers de policiers ripoux ou auteurs de violences et de dépassements sur des citoyens, quotas importants de logements distribués … C’est pour cela que la mutinerie est restée très minoritaire, voire insignifiante n’était le tapage médiatique qui l’avait entourée, alors que certains esprits chagrins ont continué à distiller de fausses informations sur une reprise du mouvement, tandis que d’autres ont carrément regretté que ces policiers ne soient pas allés jusqu’au au bout. Au bout de quoi ? de la déstabilisation du pays pardi ! et c’est là où le bat blesse » ajoutent nos sources.

« A ce propos, le ministre de l’intérieur, tentant de se dédouaner, a tenu à minimiser les faits en leur donnant une connotation socio-professionnelle, alors qu’il s’agissait d’une cabale d’ordre politique, qui aurait pu mettre le feu à la maison Algérie en déclarant aujourd’hui (hier samedi) au Conseil de la nation, «Je tiens à préciser que les revendications des policiers étaient purement sociales et professionnelles et, aujourd’hui, tout est rentré dans l’ordre» ».

« Les comploteurs reconnaissent ainsi leur échec en soulignant que « tout est rentré dans l’ordre » mais restent embusqués dans les institutions de la république, en agents dormants qui seront réveillés le jour J pour une déstabilisation plus large, genre printemps arabe » affirme t-on.

Identifier les manipulateurs

Cette grève de la police, il y a exactement quinze jours, c’est effectivement déjà du passé et les choses semblent être bien rentrées dans l’ordre, après la réunion du Conseil interministériel. Les policiers ont tous réintégré leurs unités, mais pour autant le dossier n’est pas définitivement clos, car il s’agira de démêler l’écheveau de cette grave affaire pour identifier les parties qui ont tenté de manipuler les frustrations légitimes des jeunes policiers, à partir de Ghardaïa, pour exprimer des revendications d’ordre politique. Précisément la tête d’Abdelghani Hamel, un proche du cercle présidentiel et potentiel prétendant à la succession, probablement le mieux placé selon les observateurs de la scène politique algérienne, objet de multiples accusations derrières lesquelles se profilent les ombres furtives de ceux qui n’ont jamais digéré sa nomination à la tête de la police, après l’assassinat d’Ali Tounsi, et qui sont vent debout de façon aussi brutale qu’inédite pour lui enjoindre de ravaler ses ambitions.

Le nom du chef de la sûreté de wilaya d’Alger (Boufellega), sorti brusquement de nulle part pour être proposé comme successeur de Hamel est une indication majeure quant à la machination orchestrée, à travers cette rébellion de la police.

La presse a annoncé qu’une commission d’enquête, confiée par le président Bouteflika au général Bachir Tartag, aura à élucider tous les non-dits de cette affaire qui a véritablement provoqué un séisme au sommet de l’État. Séisme, parce que personne n’a rien vu venir, donc problème, mais surtout qu’il s’agit d’une institution sensible dont la vocation est d’être, avec l’institution militaire les boucliers protecteurs de la nation. Il y a aussi le contexte régional caractérisé par une tension sur quasiment la totalité des frontières du pays.

La déstabilisation de l’institution policière, c’est la déstabilisation de l’État

Et c’est là, à notre sens qu’intervient la responsabilité, où précisément l’irresponsabilité d’une partie de la classe politique qui a cherché a surfer sur ce mouvement de policiers pour polluer d’avantage le climat politique, déjà suffisamment malsain. Visiblement, les parties qui ont cru jouer à fond la révolte de la police pour en tirer des dividendes se trompent lourdement de calculs, car la déstabilisation de l’institution policière, c’est la déstabilisation de l’État dans son ensemble, au delà du gouvernement, au-delà même du président de la république.

Les mêmes parties ont cherché à mettre à profit cette situation pour porter atteinte au Premier ministre, accusé de céder facilement aux convulsions sociales en déliant les cordons de la bourse pour acheter la paix sociale. Aujourd’hui, si la paix sociale à un coût, elle n’a pas de prix en revanche, dés lors qu’il s’agit de la stabilité des institutions, du pays dans son ensemble.

L’opposition politique, du reste consacrée par la Constitution du pays est elle-même partie intégrante de cet État qu’elle est par conséquent en devoir de défendre. Car sans l’État, pas de majorité, ni d’opposition. Que chacun se remémore de cette formule géniale et patriotique de feu Slimane Amirat qui avait dit un jour « si je devais choisir entre l’Algérie et la démocratie, je choisirai l’Algérie ». Tout est dit dans cette phrase qui place « l’Algérie par-dessus tout ».

D’où aujourd’hui plus que jamais la nécessité d’un pacte de responsabilité qui doit s’imposer à tous les acteurs politiques, dans les travées du pouvoir, dans ses clans antagoniques, dans l’opposition. On le voit dans les grandes démocraties, quand il s’agit de la défense de l’État, surtout quant il y a péril en la demeure, les chapelles partisanes sont mises entre parenthèses au nom de la défense de la République.