Formes entrelacées dans de grandes toiles tristes et hypnotiques, séries de profils humains traversés de formules vindicatives ou satyriques, les œuvres du plasticien algérien Mustapha Nedjaï dévoilent avec beauté et force l’ “imposture” des temps présents.
Visible à partir de ce jeudi et jusqu’au 28 avril à la galerie Baya du Palais de la culture (Alger), l’exposition intitulée “1 posture” (imposture) réunit une quarantaine de tableaux du plasticien où des travers comme l’hypocrisie, le mensonge ou encore l’opportunisme sont dénoncés par l’artiste. Deuxième grande exposition du peintre en 4 ans, elle se présente en deux parties distinctes : grandes toiles réalisées grâce à une technique mixte ou à l’acrylique et séries de petits tableaux mêlant peinture et écriture, en plus de quelques installations. Impressionnantes par leur taille et captivantes par les scènes, les apparitions et les mouvements qu’elles suggèrent, ces toiles, en noir et blanc ou en couleur, portent des titres aussi évocateurs que “Tension”, “Ces chiens…” ou encore “Paranoïa”. L’élément marin y est également présent, particulièrement dans celles en noir et blanc, à l’exemple du tableau La Déferlante, une variation sur les estampes du dessinateur japonais Hokusaï. S’il reste très suggestif dans ses grands tableaux, Mustapha Nedjaï explore plus frontalement le thème de son exposition dans les séries composées de petits tableaux. À l’exemple de cette série de vingt-quatre profils, criblés et entourés de formules ou d’expressions comme “béni oui-oui”, “viande congelée”, “populiste” ou encore “zérologie”. Semblables à des clichés radiologiques des cerveaux d’imposteurs que le peintre pourfend à travers son art, ces têtes humaines se retrouvent traversées, dans une autre série, par des “invertébrés”, des corps courbés dans une posture humiliante. Parlant avec la même énergie qu’il met dans ses peintures, Mustapha Nedjaï préfère qualifier son travail de “pure réaction” à la situation morale du monde d’aujourd’hui, et de sa société en particulier que de parler d’une quelconque inspiration. “Je vis tout le temps dans la colère”, assène-t-il, à propos de ce qui motive son travail de peintre, conçu aussi comme “un travail intellectuel” qui passe d’abord par l’écrit, avant d’être matérialisé sur la toile. Cette présence du texte dans sa démarche artistique s’illustre, par ailleurs, dans le catalogue de l’exposition, accompagné de contribution de journalistes spécialisés, de poèmes et même d’un texte politique engagé Je hais les indifférents du philosophe et théoricien politique italien Antonio Gramsci (1891-1937). Né en 1957 à Zemmoura (Bordj Bou-Arréridj) Mustapha Nedjaï est diplômé de l’Ecole supérieure des beaux-arts d’Alger, et de la faculté des Beaux-Arts de Valence (Espagne). Il compte à son actif près d’une vingtaine d’expositions personnelles depuis les années 1980. Le Musée d’art moderne et contemporain d’Alger (MaMa) avait accueilli en 2011 “Xtorsion”, sa précédente grande exposition d’installations.