MSP, Un boycott et des questions

MSP, Un boycott et des questions
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Le MSP ne veut pas prendre part à la compétition démocratique, non pas à cause d’un soi-disant quatrième mandat de Bouteflika, mais simplement pour s’éviter des surprises.

Le rendez-vous d’avril approche et les Algériens se regardent avec l’impression qu’ils se découvrent chaque fois un peu plus. Si l’on devait classer les peuples selon leur manière d’aborder les élections présidentielles, nous serions certainement seuls, dans une catégorie que ne nous disputerait aucun autre peuple au monde. Il n’existe, en effet, aucun autre endroit sur cette terre où les alliances se font et se défont au gré des hommes et non des principes et il n’existe pas un endroit sur cette terre où les citoyens ne savent pas, à 60 jours de l’élection présidentielle, si le président en exercice est candidat ou pas, tout comme il n’y a pas un pays dans cette planète où les partis de l’opposition attendent jusqu’au dernier moment pour annoncer leurs intentions quant à l’élection présidentielle. Cela va à l’encontre du bon sens et cela égratigne sérieusement la démocratie.

Lorsque certains partis, comme le MSP par exemple, annoncent, à seulement deux mois, leur décision de boycotter l’élection d’avril, il faut convenir que ceci pousse à se poser un tas de questions auxquelles il serait peut-être utile que l’on tente de trouver réponse. La première est celle de savoir pourquoi un parti de l’importance du MSP a-t-il opté pour le boycott. La seconde question consiste à se demander pourquoi a-t-il attendu jusqu’à maintenant pour rendre publique sa décision alors que la troisième question se rapporte aux parties qui pourraient tirer profit de cette attitude.

Le boycott, pourquoi?

Le boycott n’est pas une invention algérienne. C’est un comportement qui, utilisé à l’occasion d’élections, permet à certaines parties de manifester leur refus d’une situation ou leur rejet de quelques conditions qui, de leur point de vue du moins, seraient plus nuisibles au processus démocratique et pourraient porter atteinte d’une manière ou d’une autre au pays. Sur le principe, il n’y a rien d’étonnant ni d’inquiétant à ce qu’un parti algérien décide de boycotter l’élection présidentielle, mais lorsqu’on rappelle que nos élections n’ont jamais été complétement transparentes ou honnêtes et que le MSP les a toutes vécues, avec bonheur et joie, la question qui se pose, avec cris et hurlements, est indiscutablement celle de demander pourquoi cette fois? Pourquoi le MSP n’a-t-il pas boycotté l’élection de 2009 ou celle de 2004 par exemple et pourquoi l’a-t-il fait cette fois?

Dans le brouhaha incroyable qui a envahi notre scène politique, on a tous cru comprendre que le parti de feu Nahnah se refuse à participer à une élection à laquelle se présenterait Bouteflika. C’est ce qui est donné de croire du moins. Mais ce que nous ne comprenons pas, c’est si ce refus de participer se veut dénonciateur de ce qu’il considère «anormal», c’est-à-dire une quatrième candidature à un quatrième mandat, ou si cela relève plutôt de l’abandon d’une compétition qu’il considère perdue d’avance à cause de la participation de Bouteflika ou pour d’autres raisons qu’il préfère taire. Quelle que soit la réponse, la décision du parti de Makri ne peut que dévoiler, au mieux, une incohérence, au pire une hypocrisie et, dans les deux cas, elle dessert le pays et le peuple plus qu’elle ne les servirait.

Une incohérence car lorsqu’on crie sur tous les toits sa certitude qu’un quatrième mandat de Bouteflika ne saurait être utile au pays vu l’âge et l’état de santé de l’actuel Président, la dernière chose à faire c’est de se retirer de la compétition et laisser le terrain vide car cela fera, à coup sûr, gagner Bouteflika.

Mais c’est aussi une hypocrisie car en tant que membre de l’ancienne Alliance présidentielle, le MSP que dirigeait alors Soltani avait bien cautionné et même participé à apporter certaines «touches» dont un quatrième mandat de Bouteflika ne serait que la conséquence directe.

Pourquoi maintenant?

Il s’agit, entre autres, de la révision de la Constitution qui avait servi à faire sauter le verrou de la limitation des mandats et que le MSP avait bel et bien applaudie et à laquelle il avait bel et bien pris part, le sourire aux lèvres, une fleur sur la poitrine et les louanges à la bouche!

Qu’on ne vienne surtout pas nous raconter des bobards aujourd’hui et faire semblant de pleurer la démocratie lorsqu’on a longtemps figuré parmi ses fossoyeurs. Il est parfois étonnant de voir agir certains partis politiques. C’est le cas du MSP qui, à travers l’annonce, à 60 jours seulement du rendez-vous électoral, de sa décision de boycotter la prochaine élection présidentielle, donne plutôt l’impression de ne pas trop savoir quoi faire et laisse croire que dans les camps de notre opposition, on y va plus pour l’à peu près d’«au jour le jour» que pour les méthodes responsables et plus modernes de gestion des organisations. Certes, on nous dira qu’il a fallu attendre la réunion du majliss echoura pour prendre cette décision mais, à ce niveau, il est permis tout de même de croire qu’une décision d’une telle importance ne se prend pas, comme ça à la dernière minute, comme s’il s’agissait d’aller acheter des allumettes chez l’épicier du coin. Quand même! Les choses étant ce qu’elles sont, pourquoi la décision de boycotter n’a-t-elle pas été annoncée avant?

Est-ce parce que le parti était dans des négociations quelconques avec le pouvoir et qu’il n’a pris sa décision qu’une fois qu’il a constaté son échec dans ces négociations? Ou bien est-ce parce qu’il n’a pris cette décision qu’après avoir renoncé à l’espoir de voir Bouteflika annoncer son retrait?

Quelle que soit la raison qui aurait fait que les choses traînent de cette manière, il n’est pas facile pour les dirigeants de ce parti de convaincre les Algériens d’une quelconque utilité stratégique ou tactique d’un tel retard dans l’annonce de la décision du boycott.

Qui en profite?

Tout pouvoir sera sans doute gêné par la non-participation d’une partie de l’opposition à l’élection car cette non-participation jette généralement un certain discrédit sur l’honnêteté du scrutin. Du coup, celui qui profite le moins de ce boycott du MSP, grand parti national de l’opposition, ce n’est certainement pas le pouvoir en place et donc pas Bouteflika.

Le seul gagnant dans cette histoire paraît être le pari de Makri lui-même. En effet, il n’échappe à personne que, depuis le retour des flammes du fameux «printemps arabe» en Tunisie, en Libye et en Egypte, notamment, l’étoile des partis et mouvements islamistes n’est plus aussi brillante dans le ciel de leurs pays. Les chances qu’un parti ou un candidat islamiste dépasse le premier tour lors de l’élection du 17 avril sont actuellement quasi nulles. Alors, au lieu d’aller à l’élection et faire les frais d’une déroute que l’on considère fort probable, les dirigeants du MSP ont préféré faire d’une pierre deux coups. D’abord, ils évitent de se présenter à l’appréciation des citoyens à un moment qui ne leur est pas favorable et, en faisant cela, ils essaient de faire porter le chapeau au pouvoir en place et en particulier à Bouteflika. Belle tentative!

Lorsqu’on est opposé à un quatrième mandat, la meilleure solution n’est certainement pas de se retirer et laisser toutes ses chances à ce quatrième mandat. il aurait été plus cohérent pour ce parti de l’opposition d’assumer sa responsabilité en se jetant dans l’arène pour tenter de s’imposer et d’imposer, par les urnes, le changement. Mais, en politique, surtout dans des pays comme le nôtre, entre ce qu’on dit et ce qu’on fait, il y a toujours un écart.

C’est malheureusement cet écart qui a fait que nous nous en trouvions avec notre déchirure la plus atroce de toutes, celle qui fait que nous ne sachions pas, aujourd’hui encore, où nous en sommes ni ce que nous voulons.La morale de cette histoire est qu’en réalité, le MSP ne veut pas prendre part à la compétition démocratique, non pas à cause d’un soi-disant quatrième mandat de Bouteflika, mais simplement pour s’éviter des surprises qui, on s’en doute bien, pourraient réveiller de vieux démons au sein du parti en question.