Mouvement populaire VS Parlement : La voie constitutionnelle face à la voix de la rue

Mouvement populaire VS Parlement  : La voie constitutionnelle  face à la voix de la rue

PAR INES DALI

La sortie de crise du pays ne peut se faire que dans un cadre constitutionnel selon la volonté de l’Armée, qui souligne son attachement à cette option légale, tandis que la rue ne le voit pas d’un même œil, notamment en ce qui concerne le maintien de certaines personnes à la tête d’institutions importantes.

Les marches de vendredi dernier à travers tout le pays l’ont clairement démontré, avec des revendications qui sont encore montées d’un cran. Cette fois, les manifestants ont fait savoir, que ce soit avec les slogans scandés ou les pancartes brandies, qu’ils ne veulent plus voir de personnalités, ayant eu une relation avec le pouvoir décrié, continuer à siéger dans les institutions de l’Etat, même s’il ne s’agit que d’une période de transition.

Les noms du président du Conseil de la nation et du Premier ministre reviennent avec une telle récurrence et insistance qu’il devient difficile de voir le peuple céder sur cette question.

Les assurances de l’Armée nationale populaire (ANP), par le biais de son chef d’état-major, général de corps d’armée, le général-major Gaïd Salah, d’être aux côtés du peuple jusqu’à satisfaction complète de ses revendications, portent sur une solution de sortie de crise légale, trouvant ancrage dans la loi fondamentale. Ces assurances ont été d’ailleurs réitérées dans le dernier édito de la revue El-Djeïch, où, est-il noté, «la position de l’ANP face aux développements que connaît le pays demeure immuable, dans la mesure où elle s’inscrit constamment dans le cadre de la légalité constitutionnelle et place les intérêts du peuple algérien au-dessus de toute autre considération, en estimant toujours que la solution de crise ne peut être envisagée qu’à travers l’activation des articles 7, 8 et 102».

Devant la position constante de l’Armée, qui déclare être attachée à une sortie de crise dans un cadre strictement constitutionnel, et celle de la contestation populaire, qui veut une transition sans certaines figures, quitte à sortir du cadre légal, quelle marge de manœuvre reste-t-il pour mener cette transition sans «dégâts» pour le pays ? Selon le professeur de droit constitutionnel à l’université de Constantine, Bouzid Lazhari, la réponse se trouve également dans la Constitution, dans la mesure où, outre les articles 7, 8 et 102, on peut faire appel à d’autres articles pour satisfaire la revendication populaire de ne plus voir certains «B» à la tête des institutions.

Il estime qu’il est possible de voir le président du Conseil de la nation démissionner et un autre réélu à sa place pour assumer la charge de Chef de l’Etat intérimaire. Par la suite, l’écueil du gouvernement en place peut être résolu de la même façon. Le professeur Bouzid Lazhari explique que «si le Chef de l’Etat intérimaire n’a pas la prérogative de démettre le gouvernement en place, celui-ci peut, en revanche, lui présenter sa démission en vertu de l’article 100 de la Constitution». Pour lui, «le gouvernement doit savoir qu’il est au service du peuple et sachant que son départ est demandé, il doit donc présenter sa démission. C’est la solution idoine pour répondre à la rue, qui a clamé son rejet de voir le gouvernement actuel, à sa tête le Premier ministre, mener la période de transition».

On peut poursuivre la transition en s’appuyant sur les articles 7, 8 et, en particulier sur l’article 9, qui comprend, de façon générale, toutes les revendications populaires. Selon cet article, «le peuple se donne des institutions ayant pour finalité la sauvegarde et la consolidation de la souveraineté et de l’indépendance nationales, la sauvegarde et la consolidation de l’identité et de l’unité nationales, la protection des libertés fondamentales du citoyen et l’épanouissement social et culturel de la Nation, la promotion de la justice sociale, l’élimination des disparités régionales en matière de développement, l’encouragement de la construction d’une économie diversifiée mettant en valeur toutes les potentialités naturelles, humaines et scientifiques du pays, la protection de l’économie nationale contre toute forme de malversation ou de détournement, de corruption, de trafic illicite, d’abus, d’accaparement ou de confiscation illégitime».

Selon le professeur, le peuple commence à s’intéresser à la Constitution et à comprendre que les institutions qui sont censées veiller sur ses droits – comme la justice sociale et la liberté fondamentale – et protéger l’économie nationale, en combattant toute forme de corruption, malversation, abus ou autre, ont à leur tête des personnes qui n’ont pas su s’acquitter de leurs tâches, donc de leurs responsabilités vis-à-vis du peuple. D’où, conclut-il, le problème ne réside pas dans la Constitution, mais dans son application.