Mouvement populaire pour le changement : La mobilisation garde son rythme, des incidents à la fac de droit

Mouvement populaire pour le changement : La mobilisation garde son rythme, des incidents à la fac de droit

Wafia Sifouane

Après l’imposante marche organisée hier, les étudiants qui ont déserté les amphis et paralysé les universités, maintiennent la pression en organisant des sit-in de protestation à l’intérieur des campus. A l’université Alger 1 Youcef-Benkheda, ils étaient près d’une centaine à se rassembler sur les marches de l’établissement où ils ont scandé des slogans hostiles au pouvoir « Mazal Bensalah », « Bensalah dégage » et « une république et non pas une caserne ». Ils ont par la suite entonné l’hymne national sous le regard des passants, dont certains se sont aussi mis à crier « partez tous ». Même ambiance à l’USTHB de Bab Ezzouar où la grève a été largement suivie.

Cependant, des dépassements ont été signalés au niveau de la faculté de droit Saïd-Hamdine, dans laquelle des éléments d’un corps de sécurité se sont introduits. Ils ont par la suite interrompu une réunion consacrée au mouvement de protestation entre les étudiants et leurs enseignants. Ces éléments non identifiés ont subtilisé des documents dont une liste portant les noms des participants à la grève. Des vidéos montrant l’arrivée et l’entrée des éléments du corps de sécurité dans l’enceinte de la faculté ont été largement relayés sur les réseaux sociaux provoquant l’indignation des internautes. Abdelouhab Fersaoui, président de l’association RAJ, n’a pas tardé à condamner cet acte en le qualifiant de « grave atteinte aux franchises universitaires qui vise à casser la dynamique des étudiants et le mouvement », écrit-il sur sa page officielle.

Le FFS a également dénoncé avec

« force » l’irruption de la « BRI dans l’enceinte même de la faculté de droit ». « Nous dénonçons cette opération musclée qui vise à intimider et à traumatiser des étudiants.

Les étudiants constituent le centre névralgique de la formidable mobilisation citoyenne qui fait trembler le pouvoir despotique algérien. », a-t-il ajouté dans un communiqué. Les étudiants des autres facultés se sont aussi empressés de se solidariser avec ceux de la faculté Saïd Hamdine. A la faculté de médecine de Ben Aknoun, ils ont tous scandé en chœur « nous sommes des étudiants et non pas des terroristes » et « ni peur, ni terreur, la rue appartient au peuple ». Pareil à la fac centrale où des banderoles avec des messages de soutien ont été brandies. La journée d’hier a été aussi marquée par l’imposante manifestation de milliers de syndicalistes face au siège de l’UGTA pour réclamer le départ immédiat d’Abdelmadjid Sidi Saïd. Une action de débrayage a aussi été initiée hier par les transporteurs à Alger et Béjaïa. Dans la capitale, les travailleurs de l’Etusa se sont contentés d’assurer le service minimum. Au niveau régional, c’est à Bordj Bou-Arréridj qu’un mouvement de protestation a été initié par les travailleurs de la Casnos, opposés à la visite du ministre du Travail.

Les robes noires dénoncent la désignation de Kamel Feniche

En plus des travailleurs et des étudiants, ce sont les avocats qui ont créé l’événement, hier, en organisant des sit-in et des marches dans de nombreuses villes du pays.

En effet, c’est en réponse à l’appel du Conseil national des avocats qu’ils étaient nombreux hier à boycotter les audiences et investir les rues. A Bouira, ils étaient des dizaines à se rassembler à l’intérieur de la cour de justice avant d’entamer une marche pacifique pour dire leur rejet de Kamel Fenich, nouveau président du Conseil constitutionnel et appeler à l’instauration d’un Etat de droit. A Sidi Bel Abbès, des dizaines d’avocats de la wilaya ainsi que d’autres venus d’Aïn Témouchent, adhérents de l’Organisation régionale du bâtonnat, ont fait une première marche depuis le début du mouvement populaire. Ils ont pris le départ du Tribunal de la place du 1er-Novembre pour se diriger vers le siège de la Cour à la Rocade, où les protestataires se sont rassemblés pour revendiquer le départ du système actuel et la désignation d’un nouveau chef d’Etat par intérim. Parmi les slogans scandés « une justice libre et démocratique » et « non à la corruption ». IIs ont aussi appelé à la restitution de l’argent du peuple.

A Tizi Ouzou, des centaines d’avocats sont sortis, hier, dans la rue pour demander une énième fois le départ du système en place et exprimer leur rejet quant à l’installation de Kamel Fenich à la tête du Conseil constitutionnel. Cette décision a été l’objet principal de cette protestation, qui s’est ébranlée de la Cour de justice en passant par la place de l’Olivier pour emprunter le boulevard Abane-Ramdane (grande rue) pour demander le départ du régime en place et le changement radical du système. Ils scandaient des slogans hostiles et ont brandi des pancartes sur lesquelles ils appellent le chef de l’Etat par intérim Abdelkader Bensalah de démissionner. « Bensalah dégage » ou bien « les 2B dégagez ».

C’est l’appel qui a été lancé par les protestataires qui dénoncent haut et fort le maintien du régime qui continue à s’imposer sur la scène politique. « Nous exigeons le départ de toutes les personnalités incarnant le régime actuel. Nous voulons une Algérie libre et démocratique selon les aspirations du peuple », dira un avocat. Ainsi, ils remettent en cause la désignation de Kamel Fenich, comme président du Conseil constitutionnel en remplacement à Tayeb Belaïz qui a présenté, avant-hier, sa démission à Bensalah. Pour les protestataires, cet homme représente le système en place qui a conduit le pays vers la dérive et vers l’impasse auxquelles il fait face.

« Nous voulons des hommes et des femmes libres qui mèneront cette période de transition », dira un autre avocat. A souligner que cette protestation sera suivie par une grève de quatre jours.