Moussa Touati, président du front national algérien, « Notre richesse est dans l’homme pas dans le pétrole »

Moussa Touati, président du front national algérien,  « Notre richesse est dans l’homme pas dans le pétrole »
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«Le plus important est de relancer le principe du travail»

Connu pour son franc-parler sans fioritures, le président du FNA s’est exprimé dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder sur des sujets brûlants d’actualité.



L’Expression: La révision de la Constitution est annoncée comme fin prête, quel sera, à votre avis, le meilleur moyen pour son adoption?

Moussa Touati: Il faut faire le constat depuis l’installation du premier pouvoir en 1963 et voir les erreurs qui ont été commises à l’encontre de ce peuple. Ensuite se poser la question sur la Constitution de 1963, soulever le fait qu’elle a été imposée et s’interroger sur la succession de sept Constitutions, alors que dans les pays du monde entier, il n’y a pas eu autant de changements. En France depuis 1958 il n’y a pas eu de révision de la Constitution, En Algérie, chaque président qui arrive refait la Constitution à sa mesure et à son goût. Aujourd’hui, il faut se poser la question, pourquoi a-t-on eu besoin de réviser autant de fois la Loi fondamentale? Il faut chercher la faille qui aurait poussé ces présidents à retoucher à chaque fois la Constitution. Pour nous, l’erreur est de n’avoir jamais consulté le peuple pour choisir son régime. Est-ce qu’on veut un régime présidentiel, semi-présidentiel ou parlementaire? Mais le problème ce n’est pas le choix ou la révision de la Constitution. Il s’agit de savoir ce que le peuple veut. Dans ce sens, c’est la charte qui doit définir le mode de régime et le dernier mot reviendra au peuple puisque c’est lui qui doit en être le protecteur et non les présidents. Par ailleurs, après 50 ans d’indépendance, nous n’avons plus le droit à l’erreur.

LG Algérie

Face à la situation économique actuelle, certains parlent d’un plan d’austérité, et d’autres favorisent plutôt une rationalisation des dépenses, où se situe le FNA?

Tous les régimes qui se sont succédé depuis l’indépendance ont commis des erreurs sur la scène économique, et ils ont failli à leur tâche; ils ont détruit une société qui était productive. Ils ont pris des décisions pour l’économie, basées entièrement sur un principe politique, mais il n’y a pas de politique en économie. Il faut aller vers une économie pour les intérêts de l’Etat. Et non pas faire taire les mécontentements populaires en achetant la paix sociale. Et cela nous l’avons fait depuis l’indépendance. On n’a plus les moyens de faire taire les citoyens en leur donnant un salaire ou un logement. Nous avons toujours évité d’affronter la crise en lui donnant d’autres appellations. Bien sûr que nous sommes en crise et il est temps de rattraper le retard que nous avons accusé en matière de production et de travail, il faut investir dans l’homme. Au FNA, on a toujours dit que la ressource humaine est le capital de l’Etat. Il est temps de ré-apprendre aux Algériens à travailler. Mais, il ne faut pas mettre à leur tête un voleur qui a pour ultime but de plaire aux étrangers. Il ne travaille pas pour la patrie, il ne gère pas un Etat, il gère un Etat pour le profit de l’étranger. C’est précisément le problème de l’Algérie, car nos dirigeants ce qui les intéresse c’est comment placer des fonds à l’étranger, pour assurer leurs arrières. Maintenant qu’on me dise que nous avons encore quatre ans pour dépasser la crise, je dirais qu’ils font fausse manoeuvre, car le plus important est de relancer le principe du travail. Par ailleurs, il faut réconcilier le pouvoir avec le peuple et ce en rapatriant nos avoirs à l’étranger, et les mettre à la disposition de la relance économique.

Toujours sur le plan économique, le gouvernement a lancé une batterie de mesures pour renflouer les caisses de l’Etat. Parmi ces mesures, la bancarisation de l’argent de l’informel, comment trouvez-vous cette mesure?

D’abord, il faut s’interroger sur l’existence même de l’argent de l’informel. Pourquoi les gens préfèrent garder chez eux des sommes d’argent astronomiques, en courant le risque d’un vol ou d’une agression? Tout simplement parce qu’ils ne font pas confiance aux institutions financières de l’Etat… En plus, je vous défie de me citer une création de commerce, d’usine, sans un appui chèrement payé d’un politique, d’un général ou d’un haut responsable, c’est ce que nous appelons la vraie corruption. Alors, la problématique est de réhabiliter la confiance entre gouverneur et gouvernés.

L’opposition semble complètement absente sur ce terrain économique, y a-t-il des initiatives, des rencontres ou des actions dans ce sens?

Voua savez, le FNA n’a jamais été absent, mais pour nous l’heure est à la restructuration du parti. Nous avons une masse qui nous suit, mais pas de cadres. Il s’agit de recruter des militants qui défendront un programme, ils seront tenus de respecter les statuts et les objectifs du FNA. Ces derniers s’inscrivent dans l’intégrité et l’honnêteté. Ceci dit, il ne faut pas faire dans la précipitation, c’est une erreur qui nous a coûté cher par le passé. Nous nous sommes hissés à la 6e place sur l’échiquier politique après une année d’existence, mais nous n’avions pas de cadres qui ne respectaient pas le discours du FNA. Et ce n’est que de cette façon, que nous pourrons être efficaces sur le terrain, et espérer voir naître une Algérie sans fraude aux élections, une Algérie où la voix du peuple primerait, et une Algérie où le peuple serait maître à bord. Et où il voterait pour un programme et non pour des personnes.

L’ancien chef de l’ex-AIS, Madani Mezrag, a défrayé la chronique ces derniers temps, notamment en annonçant la création d’un parti politique, êtes-vous d’accord avec le retour des anciens du FIS dissous à la politique?

Je vous l’ai dit, nous n’avons pas un pouvoir honnête. Je pense que la création du multipartisme en Algérie, n’a respecté ni la Constitution ni le peuple. La question qui se pose, est de savoir comment ces partis ont été agréés et pourquoi? Et je me demande pourquoi on veut commencer par la fin, par Madani Mezrag, alors que le mal prend son origine depuis Chadli. Pourquoi agréer ces partis et chercher à les combattre par la suite. Alors que la loi est claire, elle stipule qu’on ne peut fonder un parti sur une base de tendance, politique, ethnique ou linguistique. Cela a été possible en Algérie dans le seul but de créer le chaos et la terreur pour installer un régime de corruption et de dilapidation. Et pour preuve, comment expliquez-vous qu’en 50 ans d’existence, nous avons des responsables et des personnes qui se mesurent aux grosses fortunes européennes. comment ont-ils fait? Et il faut dire les choses clairement, qui est responsable de la mort de 200.000 Algériens durant la décennie noire, si ce n’est pas leurs choix et leurs décisions. Si le peuple arrive à prendre son chemin, il n’y aura plus de place pour ces gens-là. Qui de tout temps n’ont jamais cherché à gagner la confiance de ce peuple.

Comment voyez-vous les derniers changements opérés par le président de la République, à la tête du DRS et de la Gendarmerie nationale

Pour nous c’est un acte normal et juste, et de toute façon personne n’est éternel. Ce n’est pas un drame, et d’un autre côté les départs en retraite sont régis par les lois organiques. Et je crois que le président prend des mesures logiques ces derniers temps, peut-être qu’il veut se racheter auprès du peuple, on ne sait pas.

D’autre part, s’il arrive à assainir le système de gestion, arrivera-t-il à assainir le système économique? Pour nous c’est une suite logique des choses, nous restons attentifs à la suite des événements.