Le président du FNA, Moussa Touati, est revenu dans cet entretien sur les questions brûlantes de l’actualité nationale, notamment la révision de la Constitution. Il s’est également exprimé sur les commissions d’enquête parlementaires, sur la hausse des prix des produits de consommation et les émeutes du début de l’année.
Liberté : La rue continue de gronder en dépit des mesures d’apaisement économiques et politiques qui ont été annoncées. Quelle analyse faites-vous de la situation ?
Moussa Touati : Aujourd’hui, nous sommes face à une économie rentière basée sur l’import-import. Au lieu de préserver ce dont nous disposions comme sociétés viables, le système a au contraire procédé à leur destruction.
Un véritable système économique ne se construit pas sur les ressources souterraines appartenant aux générations futures mais sur une capacité à produire et innover en s’appuyant sur les ressources humaines. Ces mesures, à mon sens, ne sont que bricolage et replâtrage. C’est un moyen comme un autre de faire taire une partie de la population et faire oublier les problèmes de fond. C’est dans ce climat de désordre que l’État algérien va instituer le capitalisme sauvage en créant une société à deux collèges. D’un côté, les pauvres et, d’un autre, les riches. La classe moyenne sera laminée, d’ailleurs, cela a commencé il y a quelques années déjà, depuis 1982, nous en sommes à la phase finale. Pour revenir aux dispositifs d’emplois pour les jeunes, c’est une petite rente avec laquelle on veut neutraliser les contestataires mais bientôt le Trésor public souffrira de ces dépenses très lourdes. Les jeunes, pour leur majorité ne remboursent pas leurs dettes. D’ailleurs, qui rembourse ses dettes en Algérie à part les travailleurs salariés ?
Votre parti a demandé la dissolution de l’APN à l’instar d’autres partis de l’opposition mais cette demande n’a pas trouvé d’écho auprès du président de la République, seul ayant la prérogative de le faire. Cependant, pour marquer votre mécontentement, vous avez refusé de voter le code communal, pourquoi ne pas carrément démissionner ?
Nos 24 députés ont rejeté le code communal car il transgresse la Constitution. Nous avons envoyé des correspondances aux hautes instances de l’État y compris au Conseil constitutionnel et au président de la République, en vain. Si nous décidons de démissionner avec des députés d’autres partis, cela ne servira à rien, on nous remplacera, idem pour les P/APC, le ministère de l’Intérieur dépêchera des délégués communaux (DEC), jusqu’au prochain scrutin. Les lois sont faites de façon à protéger le régime. En outre, nous ne sommes pas pour la politique de la chaise vide. Nous concevons l’opposition de l’intérieur et non à l’extérieur.
Deux commissions parlementaires ont été mises en place pour enquêter sur les émeutes de janvier qu’on appelle désormais “les émeutes du sucre et de l’huile” ainsi que sur la hausse des produits de large consommation. Vous avez émis des réserves concernant les objectifs qui sont derrière ces commissions, pourquoi ?
Il y a de gros dossiers de corruption, de détournements d’argent et de dilapidation de deniers publics.
Des affaires comme le scandale de Sonatrach, l’affaire Khalifa, la falsification de billets de banque, la fuite des capitaux, les entreprises fictives, la contrebande etc. mais au lieu de cela, on fait une fixation sur une histoire insignifiante et on se lamente des 10 DA d’augmentation sur tel ou tel ou produit.
Pour nous, il y a anguille sous roche, soit on veut faire diversion et détourner l’opinion publique sur les véritables problèmes, soit c’est un vulgaire règlement de comptes et dans les deux cas c’est une mascarade et une supercherie car ce n’est pas le sucre et l’huile qui ont ruiné l’Algérie, ce sont plutôt, les détournements de milliards de dollars. Pourquoi, on ne nous dit pas quel est le véritable coût de l’autoroute Est-Ouest, celui du métro, et surtout la cinquantaine de fonds spéciaux dont on ne connaît pas grand-chose.
Abdelkader Bensalah ne fait pas l’unanimité au sein de la classe politique à cause de sa proximité avec le pouvoir. Pourquoi, à votre avis, Bouteflika n’a-t-il pas choisi une personnalité neutre ?
Bouteflika ne peut pas choisir une personnalité neutre, il a été ramené par le système. Il doit donc le défendre et le protéger. Bensalah représente l’Alliance présidentielle et le Président veut dresser une feuille de route à travers ses partis du pouvoir. Le problème lié à la révision de la Constitution concerne en premier lieu la motivation qui se cache derrière.
Est-ce le peuple qui a demandé cette révision ou est-ce le système qui l’exige ? En 2008, les députés ont modifié le texte fondamental pour permettre à Bouteflika de briguer un troisième mandat.
Cette demande n’était pas celle du peuple mais celle du régime car les députés ne représentent que 23% des électeurs, si l’on se réfère au taux de participation des dernières élections législatives. C’est grâce à une fraude massive qu’ils continuent à siéger à l’Assemblée.
Que pensez-vous de la position de l’Algérie par rapport à la guerre en Libye ?
Le régime algérien a soutenu le régime d’El-Khadafi alors qu’il aurait fallu soutenir le peuple libyen.