Mounia Meslem, ministre de la Solidarité, de la Famille et de la Condition de la femme, hier, au forum de “Liberté” “La loi incriminant les violences conjugales passera !”

Mounia Meslem, ministre de la Solidarité, de la Famille et de la Condition de la femme, hier, au forum de “Liberté”  “La loi incriminant les violences conjugales passera !”

D’une certaine manière, la ministre considère que l’enseignement de la religion de nos parents n’est rien d’autre aujourd’hui qu’un endoctrinement haineux et intolérant.

Invitée à expliquer l’ampleur de la violence dans la société notamment celle à l’égard des femmes, un phénomène qui prend une ampleur considérable, Mme Mounia Meslem a estimé, hier, au Forum de Liberté dont elle était l’invitée, que “la société algérienne a changé”. “On ne va pas citer tous les facteurs mais il y a une démission de la famille, des problèmes à l’école, etc.”. Il est vrai qu’à l’heure où la consommation ne s’est jamais aussi bien portée, nombre d’Algériens ne reconnaissent plus leur bonne vieille société, qui a beaucoup perdu, notons-le, de sa générosité et de sa convivialité légendaire. Sommes-nous toujours le même peuple ?  Ainsi, on ne reconnaît plus le pays des gens humbles et solidaires.

On a même oublié que jadis l’entraide était plus qu’une règle de vie commune mais une question de survie. À cause de notre individualisme ravageur, on est allé jusqu’à oublier que la qualité des relations humaines donnait du goût à la vie et contribuait au bonheur et même au progrès. Si bien que le mal-être est devenu ambiant. Peut-être qu’avec l’endettement et la crise économique qui s’installent peu à peu, les Algériens se souviendront de ces valeurs ancestrales dépréciées. Pour la ministre, nous ne faisons que récolter, en réalité, les fruits amers de la décennie noire qui, indiscutablement, a laissé des “séquelles”. Selon son assertion, le peuple en est aujourd’hui meurtri ! À cause d’une rancune vraiment tenace, les Algériens teigneux n’arrivent pas, semble-t-il, à passer à autre chose. Il suffit d’un rien pour réactiver leurs vieilles angoisses. La haine est devenue si généralisée dans le pays qu’elle est devenue presque “normale”.

L’essentiel, toutefois, pour la ministre, est que le pays a été préservé du chaos. “L’État algérien a failli disparaître. C’est pourquoi il y avait jusque-là d’autres urgences comme restaurer l’autorité de l’État, réaliser des infrastructures de base, etc. Il est temps aujourd’hui de revenir à ces sujets sensibles. Éradiquer la violence est la mission de tous. On ne pourra améliorer la situation sans l’implication de la presse, de la famille, de la femme, de l’école, de la mosquée, de l’élite, de la société civile… Nous devons travailler en complémentarité”. Il faut dire que la ministre, une militante associative s’il en est,  n’est que trop consciente du sort fait aux femmes en Algérie. Dans sa déclaration liminaire, l’invitée de Liberté s’est engagée à “lutter contre les stéréotypes”. Elle constate, elle aussi, que les comportements se sont nettement dégradés, radicalisés. Il faut dire que dans ce pays qui était, jadis, à l’avant-garde de l’émancipation de la femme, aujourd’hui des imams cathodiques consacrent l’essentiel de leurs prêches à la culpabiliser. Ces derniers  viennent nous rappeler, tous les jours, que c’est à cause de la femme, encore elle, que l’homme a été banni du Paradis.

“Si j’insiste sur le discours religieux, c’est parce que je connais très bien le lien étroit qu’il a avec la famille.” D’une certaine manière, la ministre considère que l’enseignement de la religion de nos parents n’est rien d’autre aujourd’hui qu’un endoctrinement haineux et intolérant. “Nous devons encourager nos imams à prôner l’islam qui respecte les droits de la femme et ceux des minorités. L’islam qui condamne la violence. L’islam que nous a inculqué notre Prophète et qui nous recommande la démocratie. L’islam est une religion de liberté et de développement.”

“Croyez-moi, la loi passera !”

Maîtrisant de nombreuses références religieuses, elle révélera à l’assistance que le Coran constituait son “livre de chevet”. “C’est pour moi une philosophie, j’ai besoin de cette science qui doit s’adapter à toutes les évolutions !” Elle exhortera ainsi les exégètes à ouvrir la porte de l’ijtihad sans toucher, bien sûr, aux versets et aux grands principes de l’islam.

Toujours au sujet de la lutte contre la violence à l’égard des femmes, Mme Meslem trouve un motif de satisfaction dans la mise en place d’un arsenal juridique visant à éradiquer toute forme de violence et à incriminer notamment le harcèlement sexuel, les violences conjugales, etc. “On est aujourd’hui décomplexées, à l’aise”…Elle garde ainsi bon espoir de voir aboutir au Sénat le projet d’amendement du code pénal qui prévoit d’incriminer les violences exercées contre les femmes. “Cette loi va passer incessamment”, rassure-t-elle après la levée de boucliers des parlementaires islamistes à laquelle nous avons assisté lors des discussions à l’APN. Interpellée sur l’énoncé et l’applicabilité de la loi qu’un membre du réseau Wassila considère comme “un texte à usage international”, la ministre évoque, à la décharge du gouvernement dont elle fait partie, une réelle “volonté politique”. La préoccupation des acteurs du terrain est de rendre concrète précisément cette volonté en appliquant les différentes dispositions de la loi. Et c’est là que, semble-t-il,  le bât blesse. Plusieurs institutions de la République en viennent parfois ainsi à dissuader les victimes de déposer plainte, à en croire une intervenante. Et les exemples ne manquent pas. Ainsi, notre pays a beau se présenter comme le centre de la lutte antiterroriste, il n’en est pas moins devenu, aujourd’hui, une fabrique de fanatiques, une usine de la haine. Pour mater la société, l’islamisme radical est encore utilisé à outrance alors que l’État se veut, d’un autre côté, garant des libertés. Loin de se démonter, la ministre, confiante, croit, pour sa part, dur comme fer, à la sincérité de nos dirigeants. “La machine s’est ébranlée. On ne peut plus faire marche arrière ! Sachez-le je n’ai pas changé, je reste une militante. Croyez-moi ce texte passera et il sera appliqué !”, a-t-elle assuré. La ministre s’est, par ailleurs, félicitée que le budget affecté à son département soit le onzième par ordre d’importance dans le budget de l’État. Une preuve, selon elle, que l’État veille à la préservation des acquis sociaux et qu’il continue à assurer la protection des couches sociales défavorisées. Il est à noter que dans le sillage des efforts consistant à la bancarisation de l’épargne que certains assimilent à une amnistie fiscale, le gouvernement devrait également assumer ses responsabilités en exhortant les affairistes de tous bords – et il pullule – de souscrire à un fonds de solidarité nationale et de se repentir ainsi, en recyclant leur argent sale. Une proposition comme une autre.