Mouloud Lounaouci lors d’une conférence Samedi à Montréal: “L’officialisation de tamazight est un leurre”

Mouloud Lounaouci lors d’une conférence Samedi à Montréal:  “L’officialisation de tamazight est un leurre”

Le docteur Mouloud Lounaouci qualifie l’officialisation de la langue amazighe de “leurre”. Dans une conférence organisée, samedi, dans le cadre du mois amazigh de Montréal par la Fédération des Amazighs de l’Amérique du Nord (FAAN), M. Lounaouci dit ne pas croire à l’initiative du pouvoir de doter tamazight d’un statut officiel, codifié dans la Loi fondamentale du pays. La constitutionnalisation de la langue berbère intervenue, il y a une année, n’est que “de la poudre aux yeux”, avoue le conférencier.

Pour étayer son propos, l’ancien porte-parole du Mouvement culturel berbère (MCB) relève trois éléments dans la Constitution qui cachent mal les intentions véritables du pouvoir. Il y a d’abord l’affirmation dans le préambule qui qualifie le pays de “terre arabe”, alors que dans les Constitutions antérieures, on parlait de “pays arabe”. Cette définition ethniciste cache bien des enjeux. Ensuite, la hiérarchisation linguistique est un facteur de discrimination.

L’article 3 bis précise que tamazight est “également” une langue officielle. “Vous savez, les adverbes sont des facteurs de doute”, ironise Lounaouci qui a remarqué, écrit noir sur blanc dans le texte, le statut privilégié de la langue arabe, qualifiée de “la langue officielle de l’État”. Une redondance voulue par le législateur, explique l’intervenant.

De plus, l’article 178 exclut tamazight des constantes nationales au caractère irréversible, déplore-t-il. “C’est une truanderie politique”, dénonce l’acteur d’Avril 80 qui qualifie la loi organique et les décrets d’application du statut de tamazight d’“arlésienne”, dès lors qu’ils tardent à être promulgués.

Abordant le volet de l’aménagement linguistique de tamazight, l’ancien détenu politique du Printemps berbère rend d’abord hommage aux pionniers que sont Boulifa et Bensdira. Le conférencier, qui se définit comme “un latiniste impénitent”, plaide pour la modernisation de la langue amazighe. “Moi, je veux m’arrimer au monde moderne. La transcription relève d’un choix idéologique”, dit-il, non sans suggérer la nécessité de développer l’alphabet tifinagh, car son usage territorialise un espace géographique.

Pour lui, au-delà de cet aspect, il y a beaucoup de travail qui reste à faire sur le terrain au sujet des techniques linguistiques, comme le lexique, l’extension du sens, la néologie, la dérivation et les emprunts. “La langue pure est une langue morte. Elle est vivante quand elle est parlée par la rue. L’arabe classique (el-fousha) n’est parlé nulle part”, souligne le sociolinguiste pour qui rien n’est jamais acquis sans rapport de force.

Auparavant, le conférencier est revenu longuement sur les événements du Printemps berbère dont il était un acteur central aux côtés de Saïd Sadi. Lhussin Oulhadj a, pour sa part, décortiqué la situation de tamazight au Maroc après son officialisation. Oulhadj a porté un regard critique sur la problématique qui, dit-il, n’est pas exempte de manipulations.