Mouloud Hamrouche sur les routes du pays en laboureur-semeur : Oui, nous pouvons !

Mouloud Hamrouche sur les routes du pays en laboureur-semeur : Oui, nous pouvons !
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Mais qu’est-ce qui pousse l’ancien chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche à aller régulièrement sur la route dans un rôle de laboureur-semeur avec une analyse et une conviction, adossée au rappel de l’action des pères fondateurs, que la sauvegarde de l’Etat, de la souveraineté ainsi que le développement sont dans la société algérienne ?

L’analyse peut paraître paradoxale quand cette même société semble déboussolée, démoralisée, avec des hommes et des femmes qui avouent « ne pas comprendre où l’on va ». Une société contre laquelle se multiplient des jugements péjoratifs, ingrédients habituels de l’algéro-pessimisme.



La singularité de Mouloud Hamrouche est de sentir cette désespérance et cet auto-dénigrement qui fait le lit des démarches individualistes et opportunistes au détriment d’un dessin collectif.

Son message n’est pourtant pas destiné à distiller de l’optimisme béat mais à aider à comprendre, à faire le bon diagnostic et à refuser l’idée, absurde, de l’existence de tares intrinsèques à la société algérienne.

LG Algérie

A Sétif, ce samedi 12 mars 2016, devant une assistance attentive et sur le thème «Libertés publiques et développement durable», il était question, une fois de plus «d’apprendre de nos échecs» et de «faire de la crise une opportunité ».

«Je ne cherche pas un rôle »

On a trop souvent – et à tort – reproché à Mouloud Hamrouche de ne s’adresser qu’à«l’armée » ou «au pouvoir » plutôt qu’à la société. Pourtant, à chacune de ses interventions, il martèle qu’une société, organisée, structurée et libre, est la clé du développement et de la stabilité.

Elle est le réel atout, le vrai instrument, dont dispose un gouvernement alors que le nôtre « croit, à tort, qu’il peut développer un pays » en se passant de la société.

A Sétif, Mouloud Hamrouche n’a pas échappé à la question de savoir «quel rôle » il veut jouer. Et quand on veut que la société reprenne ses droits, on récuse de manière radicale l’idée de cooptation qui a généré de l’irresponsabilité à tous les niveaux.

Réponse donc : « je ne cherche pas un rôle ». En clair, il n’attend pas qu’on « l’appelle » comme ses détracteurs, fondamentalement obnubilés par un pouvoir dont l’incapacité est manifeste, n’en finissent pas de le susurrer.

A une question sur la constitution, il souligne qu’il ne s’est pas prononcé avant et il ne se prononcera pas non plus après. A plus forte raison sur une Constitution qui est, en termes de libertés, en deçà de celle de 23 février 1989.

Le peuple n’est pas arriéré, c’est le pouvoir qui est arriéré

Ces réponses ont ponctué une puissante analyse sur l’impact calamiteux de la mise à l’écart de la société et de la caporalisation des associations et des partis par un pouvoir qui fabrique ainsi sa propre impuissance. La force d’un Etat et l’efficacité d’un gouvernement dépendent de l’exercice effectif des libertés.

Quand les associations, les partis et les organisations fonctionnement en conformité avec leur vocation et sur la base de la volonté libre – exprimée par une majorité des adhérents et de militants –, ils participent à la régulation et jouent un rôle de contre-pouvoirs.

Par contre, avec des associations et des partis qui font dans le «soutien inconditionnel » et dont les responsables sont «indépendants » de leurs adhérents et militants, on prive la société et le gouvernement des outils de régulation, de contrôles.

«En l’absence d’un cadre d’exercice des libertés, on favorise les «allégeances » motivées sur l’intérêt individuel qui ne servent ni le pouvoir, ni la société » note Mouloud Hamrouche. .

«Le peuple n’est pas arriéré, c’est le pouvoir qui est arriéré » souligne-t-il en relevant que même s’il dispose de l’argent, du monopole, le gouvernement ne «produit pas du développement ».

Dans le «triangle de la mort »

Avec un Etat fragile, une société bloquée, une gouvernance inefficace, des organisations réduites à faire de la figuration, à l’image de la tripartite, le pays est mis dans le «triangle de la mort ».

Les gens disent qu’on «ne comprend rien » et, prévient Mouloud Hamrouche, « cela ouvre la voie aux discours contre le pays, contre l’Etat, contre la raison ».

«Quand la matraque du policier et du gendarme » deviennent le seul contact entre le gouvernement et la population, on est dans un « dysfonctionnement grave » avec un système de gouvernance qui « ne peut plus produire d’alternatives politiques ou d’alternatives économiques ». « Toutes les organisations et structures qui sont nées de la crise ou pour la crise du terrorisme » sont devenues obsolètes, souligne-t-il.

Pourtant, souligne Mouloud Hamrouche «notre pays possède des hommes et des moyens pour édifier une société libre et équilibrée où s’exercent toutes ces libertés. Il a les capacités d’édifier un État de droit d’essence démocratique, une gouvernance efficiente et de lancer le processus de développement durable. »

«On connait les causes, on connait aussi les remèdes » a répondu Hamrouche à un universitaire qui affichait son scepticisme à l’égard des capacités de la société civile où la «culture traditionnelle» domine.

La solution autoritaire, a prouvé son inefficacité. Il faut aller vers la société avec des instruments de régulation afin de «neutraliser le pouvoir qui pousse à la stagnation par la dynamique ». Il faut, a-t-il, répété un «nouveau consensus ».

Que sème en définitive le laboureur ? L’idée – révolutionnaire? -que l’Algérie peut sortir de l’impasse et entrer dans un cycle vertueux. Une sorte de « oui, nous pouvons » qui convoque l’action résolue des pères fondateurs. Avec l’espoir que cela germera malgré le défaitisme ambiant chez les élites et l’autisme des tenants du pouvoir.