L’armée, «la grande muette», qui détient la clé de la crise, demeure vraisemblablement un acteur passif alors que se joue le destin de l’Egypte.
Le peuple égyptien, «volcanisé» par l’entêtement mordicus de Hosni Moubarak à la tête de l’Etat, attend toujours le positionnement de l’Armée. Au pouvoir depuis 30 ans, le président égyptien s’accroche, malgré les appels de l’opposition et même des Etats-Unis d’Amérique, allié stratégique de l’Egypte, à une «transition démocratique».
Hier, lundi, tôt dans la matinée, des milliers d’Egyptiens, rassemblés à la place de la Libération, réclamaient le départ du Raïs et incitaient, en même temps, l’Armée à prendre position à la lumière de la révolte populaire et généralisée. L’armée, «la grande muette», qui détient la clé de la crise, demeure vraisemblablement, un acteur passif, alors que se joue le destin de l’Egypte.
C’est dire que la consigne donnée, jusqu’ici, par la hiérarchie militaire aux soldats investissant les grandes villes égyptiennes en partie, est d’éviter de s’attaquer frontalement aux manifestants lesquels, ne comptent pas rentrer chez eux avant de voir le régime de Hosni Moubarak renversé. S’inscrivant dans la «neutralité» à l’égard des incidents tragiques qui secouent le pays du Nil, l’Armée égyptienne, entrée en scène depuis jeudi dernier, du fait du couvre-feu décrété par le régime du Raïs égyptien et du retrait de la police des rues, s’est suffi, compte tenu des événements, de suivre de près, du moins pour le moment, l’évolution du soulèvement des Enfants du Nil, sans pour autant s’attaquer aux manifestants en colère, ce qu’a fait la police en assassinant plusieurs dizaines de civils aux mains nues.
Et puis, il faut dire également que les images diffusées en boucle via les chaînes satellitaires montrant les soldats égyptiens équipés de chars et de divers engins militaires investissant les rues égyptiennes tout en partageant des scènes de liesse avec les manifestants, renseignent probablement sur la reproduction du scénario tunisien, qui a vu l’armée négocier la fuite de Ben Ali, est aussi «exportable» en Egypte.
Une hypothèse que nombre d’observateurs n’excluent pas. Car, soutiennent-ils, il se pourrait qu’il y ait des différents points de vue aux sommets des différents corps de la hiérarchie des services de sécurité, où les chefs ne se trouvent pas, paraît-il, dans les mêmes tranchées. Une autre hypothèse en vue relève, quant à elle, qu’une telle attitude ne traduit, à l’évidence, qu’un acte de duplicité et un soutien inavoué de l’Armée pour Hosni Moubarak. D’autant plus que Moubarak assure sa survie et tire sa force de l’appareil militaire, bras séculier du régime.
Du côté du «Pharaon», qui fait face à un mouvement de contestation sans précédent en 30 ans de pouvoir, l’on apprend que ce dernier a chargé son nouveau Premier ministre, Ahmad Chafic, de promouvoir la démocratie par le dialogue avec l’opposition. Néanmoins, l’opposition et les manifestants se sont montrés complètement sourds et réclament toujours, le départ sans conditions de Hosni Moubarak. Les feux de la libération de l’Egypte du joug du régime Moubarak se sont propagés et se sont répandus à travers tout le territoire égyptien.
Le soulèvement populaire s’amplifie de jour en jour, alors que les esprits sont galvanisés. Faire marche arrière et se suffire des réformes économiques et politiques, annoncées tambour battant, par Hosni Moubarak, n’est pas à l’ordre du jour des manifestants et au même titre que l’opposition, toutes couleurs confondues, qui s’est réunie autour de Mohamed El Baradei, ex-directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (Aiea).
Le prix Nobel de la paix désormais symbole et figure emblématique et homme de consensus, est allé, hier, au-devant des manifestants au Caire, promettant «une ère nouvelle». «Je vous demande de patienter, le changement arrive», a déclaré par haut-parleur aux milliers de manifestants réunis à la place Tahrir. En plus de la grève générale paralysant l’Egypte en partie, une marche grandiose a été également décidée pour aujourd’hui, mardi. Le mot d’ordre est précis et clair: «Moubarak dégage». L’opposition, avec à sa tête le prix Nobel de la paix, Mohamed El Baradei, a lancé, hier, un appel aux manifestants pour participer massivement à la marche géante en question. Celle-ci se déroulera à la place Tahrir (place de la Libération), épicentre de la révolte au Caire, où la mobilisation s’est prolongée durant toute la nuit d’hier, et ce, en violation du couvre-feu en vigueur dans le pays.
Ceci dit, les menaces proférées par le ministre de la Défense égyptien contre toute personne bravant le couvre-feu, n’affectent pas le moral des manifestants, ni n’influent sur le cours des événements. Une semaine après le début d’une révolte sans précédent ayant fait au moins 125 morts, des milliers de blessés, de détenus et de disparus, la rue égyptienne ne décolère pas pour autant. Au septième jour des manifestations, le pays est pratiquement paralysé.
Les commerces, les établissements scolaires, tous paliers confondus, les banques et la Bourse sont fermés. Outre le départ massif des ressortissants étrangers d’Egypte, de nombreux voyagistes ont suspendu les départs des vacanciers vers le pays des Pyramides, au plus fort de la saison touristique. De ce fait, tout porte à croire, enfin, que le pays arabe le plus peuplé (l’Egypte) est bien parti pour chasser Hosni Moubarak, âgé de 81 ans, depuis 30 ans à la tête de l’Etat égyptien.
Kamel Lakhdar CHAOUCHE