Au lendemain du discours du président Moubarak de mardi soir, la télévision publique égyptienne commençait à montrer les premières manifestations de partisans du Raïs au Caire.
La suite, le monde entier y a assisté à travers les retransmissions en directe du Maydan Al-Tahrir, au cœur de la capitale. Des scènes qui révèlent la nature du régime et mettent à bas les masques d’un système au abois qui prend le risque d’embraser la situation en jetant une partie de la population contre une autre avec toutes les dérives que cela peut engendrer.
Le régime égyptien ne compte pas apparemment baisser les bras. Depuis l’annonce par Moubarak de son intention de poursuivre son règne jusqu’à expiration de son mandat en septembre prochain, les partisans du pouvoir se sont sentis “regonflés” pour aller châtier les opposants où qu’ils se trouvent. Les premiers mouvements pro-Moubarak se sont empressés d’attaquer les manifestants rassemblés tard dans la nuit à Alexandrie, c’était juste après la fin du discours de Moubarak, mardi dernier.
Les questions qu’on peut se poser devant cette situation sont nombreuses : s’agit-il de partisans “sincères” du Parti National Démocratique (PND) au pouvoir, émus par les annonces du discours du président, qui veulent en découdre avec des opposants qui ont écorché l’image du pays et continué à dégrader l’aura de Oum Eddounia dans le monde ? S’agit-il de nationalistes jaloux de la stabilité de leur pays venus s’en prendre aux “mercenaires” armés par l’étranger qui veulent détruire le berceau de l’arabisme (la chaîne Al-Masriya a montré une femme voilée, entièrement floutée venue témoigner qu’elle a été formée par les israéliens dans des camps aux États-Unis et au Qatar en vue de faire chuter le régime !!!!) ? S’agit-il d’une conjonction des forces politiques et économiques qui ont intérêt à la pérennité du système en “mobilisant” les plus vulnérables éléments de leurs bases sociales ? S’agit-il simplement d’agents des forces de sécurité, les fameux Moukhabarates, tristement célèbres dans le pays depuis la révolution de 1952, appelés à la rescousse par le régime pour sauver la face en évitant le recours à l’armée ?
Ce dernier scénario parait le plus vraisemblable, tant il est dans la vérité de la nature du régime et du système d’État égyptien : Un État policier qui ne compte pas lâcher bride pour maintenir sa population dans une docilité éculée. Les méthodes utilisées et les moyens qu’ils ont mobilisés attestent d’une préparation méthodique pour chasser les opposants de l’emblématique place de la libération et réduire au silence la révolution populaire en marche (cocktails Molotov, bombes lacrymogènes, tirs d’armes, usage de chameaux et de chevaux pour charger la foule, armes blanches, etc.).
Mais face à la détermination des manifestants jusqu’où ira le régime ? Prendra-t-il le risque d’enclencher une guerre civile ou comptera-t-il sur le pourrissement de la situation et la lassitude de la population jusqu’à la dilution du mouvement ? L’armée gardera-t-elle encore longtemps sa neutralité et son impatience face à l’évolution inquiétante que prendront les événements ? Demeurera-t-il encore insensible aux demandes de ses alliés occidentaux, notamment les américains qui l’enjoignent à répondre positivement aux doléances de sa population ? L’avenir proche nous dira si l’équilibre montré jusqu’à aujourd’hui entre les forces en présence (armée et services de police et de renseignements, PND) peut encore résister au durcissement croissant de la rue égyptienne.
Dahou Ezzerhouni