Hier, les rues cairotes, à l’instar de celles de plusieurs régions d’Egypte, ne semblaient pas décolérer malgré la décision de Moubarak de changer de gouvernement.
En effet, plusieurs centaines de milliers de manifestants se sont rassemblés hier dans le centre du Caire, en état de siège, pour réclamer le départ du président Hosni Moubarak, la levée de l’état d’urgence, en vigueur depuis 30 ans, davantage de libertés individuelles et une amélioration de leurs conditions de vie.
Comme attendu suite au discours de Moubarak, le gouvernement égyptien a présenté sa démission par une annonce faite à la télévision d’Etat par le Premier ministre Ahmed Nazif. Le secrétaire général du parti au pouvoir, Ahmed El Izz, a lui aussi présenté sa démission.
D’autre part, des dizaines de milliers de protestataires se sont réunis devant le siège de la radio télévision égyptienne, brandissant des banderoles et scandant le départ de Moubarak. D’autres ont tenté de s’introduire au sein du ministère de l’Intérieur. En outre, la population a délivré à l’armée des agents de police qui ont participé au pillage des biens. L’opposant Mohamed El-Baradei a appelé, dans une interview à France 24, au départ du président égyptien Hosni Moubarak, affirmant : «Je continuerai à participer aux manifestations pour m’assurer que le régime de Moubarak parte». A propos du discours de Moubarak prononcé avant-hier soir, le prix Nobel de la paix indiquera que «vendredi soir, nous espérions que Hosni Moubarak allait décider de partir, mais à la dernière minute, il est apparu avec un discours vide de sens, qui a été une grosse déception pour les Egyptiens». Ainsi, El Baradei jugera la décision présidentielle de changer le gouvernement comme «une insulte» au peuple égyptien. Par ailleurs, dans un communiqué, les Frères musulmans ont appelé à une passation pacifique du pouvoir. La principale force d’opposition en Egypte affirme son soutien au «soulèvement pacifique béni» et demande la mise en place d’«un gouvernement de transition sans le Parti national démocrate au pouvoir qui organise des élections honnêtes et une passation pacifique du pouvoir». Dans ce contexte, Youcef El Karadaoui, grand imam et prédicateur d’El Azhar, a indiqué qu’«il n’y a pas de solution au problème égyptien que par le départ du régime de Moubarak».
Le couvre-feu prolongé
La durée du couvre-feu, décrété hier soir pour les trois grandes villes du Caire, Alexandrie et Suez, a été prolongée aujourd’hui, entrant désormais en vigueur à 16 heures jusqu’à 8 heures le lendemain, au lieu de 18 heures à 7 heures, a annoncé la télévision d’Etat. En outre, les forces armées exhortent tout le monde «à commencer à respecter le couvre-feu sous peine de sanctions légales».
Pas moins de 74 morts
Au moment où la chaîne quatari Al Jazeera annonçait 100 morts, Reuters parle de pas moins de 74 personnes décédées en Egypte entre la journée de vendredi et celle d’hier dans les manifestations réclamant le départ du président Hosni Moubarak. Le ministère de la Santé, quant a lui, a indiqué que les manifestations de vendredi ont causé la mort de 38 personnes, des blessures à 1 900 autres, dont environ 500 policiers. Ce qui porte le nombre total de blessés depuis mardi à 2 500, dont 1 000 policiers.
Manifestations, pillages, le Caire méconnaissable
Des épaves de voitures calcinées dans les rues, des gravats jonchant le sol, une épaisse fumée noire émanant du siège du parti au pouvoir. En cette journée de samedi, le Caire avait des allures de champ de bataille. Dans les rues cairotes, la police, prise pour cible lors des manifestations meurtrières cette semaine, brillait par son absence, des jeunes hommes en jeans assurant la circulation.
Des dizaines de commerces saccagés aux vitrines fracassées endeuillaient le quartier Mohandisseen, sur la rive occidentale du Nil. Un supermarché Carrefour a été pillé hier à la sortie du quartier de Maadi où vit une importante communauté d’expatriés. Plusieurs stations- service de la capitale étaient fermées et les automobilistes s’agglutinaient autour des rares pompes ouvertes.
Nommé vice-président
Le chef des Renseignements égyptiens prête serment
Le chef des Renseignements égyptiens, Omar Souleimane a prêté serment samedi en tant que vice-président du pays, ont annoncé les médias officiels égyptiens. Il s’agit du premier poste du genre depuis l’arrivée au pouvoir en 1981 du président Hosni Moubarak.
Réactions
Obama appelle Moubarak à tenir ses promesses
Le président des Etats-Unis, Barack Obama, exhorte Hosni Moubarak à tenir ses promesses et à entreprendre des réformes politiques.
Pour Mme Clinton, les protestations du peuple égyptien «montrent les doléances profondes dans la société égyptienne, et le gouvernement égyptien doit comprendre que cette violence ne fera pas disparaître les doléances». En outre, elle demandera également aux autorités de «mettre fin aux mesures sans précédent prises pour bloquer les communications», faisant référence à la coupure d’Internet.
François Fillon se dit «extrêmement préoccupé»
«Il faut que les violences s’arrêtent» en Egypte et «que le peuple ait un espoir d’avancer sur le chemin de la démocratie et de la liberté», a-t-il déclaré hier.
L’UE réclame la fin de la violence
Le président de l’Union européenne, Herman Van Rompuy, a appelé hier à «l’arrêt de la violence pour stopper les effusions de sang» en Egypte, où se déroulent des manifestations antigouvernementales depuis mardi dernier.
L’Arabie saoudite solidaire de Moubarak
Le roi Abdallah d’Arabie saoudite a téléphoné hier au président égyptien Hosni Moubarak pour lui exprimer sa solidarité et dénoncer «les atteintes à la sécurité et la stabilité» de l’Egypte. De plus, le souverain saoudien a appelé Moubarak pour condamner «les atteintes à la sécurité et la stabilité de l’Egypte» commises par certains éléments «infiltrés» au nom de la «liberté d’expression», a annoncé l’agence officielle saoudienne (SPA).
«Israël craint d’être plus isolé si le régime égyptien tombe»
Selon Le Figaro, l’Etat hébreu, dont l’Egypte est le principal interlocuteur arabe, redoute les conséquences des émeutes anti-Moubarak pour la paix de la région.
Pas de remise en cause des investissements
Le patron du constructeur français Renault, Carlos Ghosn, en marge du 41e Forum économique mondial, a estimé que les troubles actuels en Egypte ne remettent pas en cause les investissements étrangers. Affirmant qu’«on observe tous avec beaucoup d’attention ce qui se passe, mais je ne pense pas que cela remette en cause aujourd’hui les investissements qui sont envisagés dans ces pays». En revanche, il a souligné qu’«on s’attend à ce que cela ait des conséquences sur le niveau du marché».
L. N. B.