Qui aurait imaginé qu’après 30 ans de règne sans partage le pharaon Moubarak et ses fils se retrouveraient derrière les barreaux?
Ce procès, le premier du genre dans l’histoire du monde arabe, a été retransmis en direct par plusieurs chaînes de télévision.
C’est fascinant de voir des dizaines de millions d’Arabes les yeux rivés sur les écrans pour suivre une affaire tout simplement historique. Hier, l’Egypte a focalisé l’actualité internationale par un procès inédit aux images pathétiques. Le président déchu, Hosni Moubarak, allongé sur une civière dans un box grillagé, planqué de ces deux fils Alaa et Gamal. Tels des fauves, ils attendent ce que décidera pour eux la justice humaine. Les Egyptiens ont pu suivre ce procès en direct à la télévision et sur des écrans géants disposés près du tribunal, «pour rassurer le peuple sur la crédibilité de la procédure», a affirmé Ahmed Refaat, président du tribunal pénal du Caire qui a promis que le procès serait rapide. Dans la ville, le temps semblait s’être arrêté: dans les cafés et les bureaux, les Egyptiens ont cessé leur activité pour regarder la retransmission télévisée. Jamais, un pareil scénario et un tel sort n’ont été imaginés, il y a à peine quelques années dans un pays arabe. Mais, décidément, ce n’est pas la première surprise que réservent les peuples arabes aussi bien à leurs dirigeants qu’au monde occidental qui les a catalogués de «foule incapable de se prendre en charge et indigne d’un régime démocratique». Qui aurait imaginé que Zine Al Abidine Ben Ali, qui a géré la Tunisie d’une main de fer pendant 23 ans, fuirait son pays sous la pression populaire? Qui aurait imaginé qu’après 30 ans de règne sans partage le pharaon Moubarak et ses fils se retrouveraient derrière les barreaux? Au moment où on croyait que la révolte égyptienne allait basculer du côté des islamistes, qui ont revendiqué explicitement, il y a quelques jours, un Etat islamique, les Egyptiens ont remis les pendules à l’heure. Le procès qui s’est déroulé hier au Caire est historique pour l’Egypte et le Monde arabe car il dit à peu près ceci aux gérontocraties arabes: «Non, l’impunité n’est pas et ne sera plus la règle», «Oui, c’est possible, le peuple peut vous juger quels que soient vos réseaux, vos milliards et vos lobbys». Finalement, le dictateur Saddam Hussein pendu par une justice pro-américaine était mort en héros. Lui, qui était le bourreau des Irakiens, notamment des Kurdes, a eu la chance de s’offrir le statut de victime au bout d’une corde. Avec en plus ses deux fils morts en héros sur le champ de bataille. Tel n’a pas été le sort de la famille régnante en Egypte. Les Moubarak père et fils ont été présentés comme des bourreaux et jugés en tant que tels par une justice de prime abord indépendante. Hosni Moubarak a desservi la cause palestinienne en érigeant un mur d’acier à la frontière avec Ghaza. Il s’est allié avec Israël en lui fournissant du gaz à satiété et il a cautionné les massacres de Ghaza en donnant son accord pour les bombardements meurtriers des avions israéliens.
Avec ce qui vient de se passer en Egypte, avec des images aussi symboliques, peut-on raisonnablement admettre qu’elles soient sans incidence sur l’imaginaire des autres peuples arabes, fussent-ils les plus démissionnaires? L’impact devrait en effet, dépasser les seules frontières de l’Egypte pour signifier aux dictateurs arabes qu’ils pourraient être appelés à répondre eux aussi de leurs actes devant la justice. C’est un message destiné également outre Méditerranée même si la chronique occidentale regorge de récits du genre. Enfin presque, car depuis ces derniers mois, ce sont plutôt les affaires liées au sexe qui défraient la chronique de l’autre côté de de la Méditerranée. Entre-temps des voix sceptiques s’élèvent pour s’interroger: «Et si c’était du cinéma à l’égyptienne?». Dans ce cas, il ne restera que l’illustre danseuse Samia Gamal à la place Tahrir au Caire pour clôturer le feuilleton.
