Motel Mansourah,Quand la bureaucratie tue à… petit feu

Motel Mansourah,Quand la bureaucratie tue à… petit feu
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Après plus de 15 ans de bataille juridico-administrative,le propriétaire du Motel Mansourah lance un cri de détresse. «Je suis le seul algérien qui dispose de 7 arrêtés de wilaya, de 7 décisions d’institutions publiques, d’un agrément de l’APSI

, de quatre agréments ministériels (énergie et tourisme), de deux certificats de conformité et de deux décisions du Conseil d’Etat, et qui continue de se battre depuis 1998 contre une administration qui a foulé aux pieds les lois et règlements et spolié tous mes droits», dira M. Abelhafid Benmaamar, un citoyen algérien qui souligne que malgré tous ces déboires, il continue à faire confiance à la justice de son pays.



Son histoire remonte au 11 décembre 1989 quand la commune de Mansourah, dans la wilaya de Tlemcen, sur la base d’une délibération de l’APC, lui octroie un terrain pour la création d’un motel. Cette institution procédera le 13 octobre 1992 au transfert de cette assiette à l’agence foncière pour procéder à sa cession au profit de M. Benmaamar, devenu le propriétaire légal du terrain sur la base d’un acte de vente (N°154) signé le 6 novembre 1993.

Quelques mois plus tard (le 7 mai 1994), il sollicite le wali de Tlemcen pour obtenir l’autorisation de réalisation d’un motel sur le terrain acquis. Le wali de l’époque, Ouali Abdelkader, aujourd’hui cadre au ministère de l’intérieur et des collectivités locales, signe le 31 mai 1994 l’arrêté N° 661 portant création de ce motel.

Fort de ces documents, M. Benmaamar entame une étude technique pour la réalisation de cette infrastructure. Il reçoit un avis favorable de toutes les institutions publiques, aussi bien administratives que techniques. Et il obtient en date du 23 avril 1994 un permis de construire établi par l’administration communale.

M. Benmaamar, qui voulait développer son activité et créer un pôle créateur d’emplois dans la région marquée à cette époque par un terrorisme sanguinaire, a émis une demande de réalisation d’une station-service qui compléterait les prestations du motel conformément au décret N° 85/12 du 26 janvier 1985. Et il obtient le plus normalement du monde l’autorisation de création de cette infrastructure.

De l’espoir au désespoir

Le projet avançait sans anicroche et alors que le motel avait atteint un taux de réalisation de 70% et la station-service 100%, les premiers couacs apparurent. Le directeur des travaux publics de l’époque lui enjoint de transférer les cuves de stockage des carburants à l’intérieur du motel. Il obtempéra et curieusement le nouveau wali refuse de lui signer l’arrêté d’exploitation.

«Un simple réaménagement technique qui m’avait coûté près de 100 millions de centimes a servi de coup de starter à toute une cabale qui m’a conduit à la faillite», dira-t-il. «Les walis précédents m’avaient accordé toutes les autorisations nécessaires à mon activité.

Bien que disposant d’un acte de vente du terrain, du permis de construire, de l’avis de la sûreté de wilaya pour une licence de débit de boissons, des agréments de Naftal, des ministères du Tourisme et de l’Energie et des Mines, et d’une décision d’octroi des avantages délivrée par l’APSI, le wali refuse de m’octroyer l’autorisation d’exploitation de la station-service et du motel».

M. Benmaamar s’en plaindra au défunt médiateur de la République, M. Habbachi, qui saisit le wali par lettre N° 2056 en date du 10 mai 1997. Curieusement, le wali de l’époque justifiera son refus par l’illégalité de la procédure de cession par l’agence foncière du terrain sur lequel est réalisé le complexe (motel et station-service).

L’investisseur s’en remettra alors au conseil d’Etat qui enjoint au wali «d’octroyer à M. Benmaamar l’autorisation d’exploitation du motel et de la station-service». «Mais cette décision ne sera pas suivie d’effet, puisque la machine administrative s’est mise en branle pour me broyer dans ses mors», dira-t-il.

Une administration qui se déjuge

Depuis, l’administration s’est amusée à jouer avec lui au chat et à la souris, «tantôt elle lui fait miroiter l’espoir d’une solution à son problème et tantôt elle le plonge dans le désespoir.» En 2003 et après une bataille juridique de près de 15 ans qui m’avait conforté dans mes droits malgré les coups bas d’une administration injuste, je croyais que le bout du tunnel était arrivé».

Malheureusement non, la BADR et la BNA, ses principaux créanciers, se mettent de la partie en actionnant une vente aux enchères publiques de son projet de motel. «Je suis le principal intéressé et je n’ai appris cela que par voie de presse. Et commence alors la valse des potentiels acquéreurs et des propositions de prix.

Un sénateur dont j’avais sollicité l’aide s’est mêlé lui aussi à ce jeu avant de se rétracter en prenant connaissance des dispositions de l’article 21 de la Constitution.

Trois experts dépêchés d’Alger évaluent le prix à 15 milliards de centimes et le motel constitué de 20 chambres est finalement vendu par un jugement rendu en 2010 à 5 milliards de centimes. Mon dédommagement est risible puisqu’il a été estimé à 200 000 dinars que j’ai d’ailleurs cédé à une association caritative», dira-t-il dépité.

«J’ai été contraint à l’exil dans mon pays. Aujourd’hui, je ne possède rien malgré toutes les décisions de justice en ma faveur et un dossier en béton constitué de pièces établies par l’Etat algérien. Je me bats aujourd’hui pour faire annuler la décision de vente de la station- service qui ne rentre pas dans la consistance du projet de motel.

Le comble c’est que pour justifier l’illégalité de la vente du terrain, un wali avait même affirmé que le terrain était auparavant un cimetière chrétien alors que le plan de situation et l’acte de vente l’identifient comme un terrain entouré de parcelles agricoles. Pourquoi ce mensonge, veut-il me mettre sur le dos le clergé et le Vatican ?»

«Rétabli dans mes droits par la justice mais…»

«Je veux bien savoir pourquoi on m’a refusé une contre-expertise et pourquoi on a procédé à la vente aux enchères publiques sur la base d’un dossier truffé de faux. Et pour me plonger dans l’abattement, le procureur de la République près le tribunal de Tlemcen, que j’avais sollicité en date du 31 octobre 2010 pour l’ouverture en urgence d’une enquête m’a répondu le 16 février 2011, dans les trois demières lignes pour m’inviter à me rapprocher de l’autorité judiciaire compétente.

De quelle juridiction ? Parle-t-il de l’ONU ?». Son histoire confortée par des centaines de documents comporte des zones d’ombre. A titre d’exemple, au moment où la machine judiciaire s’était mise en branle pour vendre aux enchères son motel, une correspondance du ministère de la Culture le sollicitait, le 11 avril 2010,

pour lui céder le motel Mansourah, dans le cadre de la préparation de la manifestation Tlemcen capitale de la culture islamique. «Je reste confiant que le président de la République, premier magistrat du pays, qui est au courant de mon problème, ne laissera pas passer cette injustice. Le patriote et le juste qu’il est saura me rétablir dans mes droits», dira-t-il avec un air où se mêle l’espoir au désespoir.

Par F. Ben