Mostefa : «Je refuse qu’on m’impute la responsabilité de cette débâcle»

Mostefa : «Je refuse qu’on m’impute la responsabilité de cette débâcle»

Mehdi Mostefa Sbaa, le latéral droit de la sélection algérienne, ne digère toujours pas cette humiliante défaite essuyée à Marrakech, samedi passé. Tout en reconnaissant sa responsabilité sur le quatrième but, Mehdi, qui avoue être passé à côté de la plaque, à l’instar de toute l’équipe, refuse qu’on lui fasse endosser seul l’entière responsabilité de cet échec. Chose qui est tout à fait vraie lorsqu’on sait que sur les trois premières banderilles encaissées, la passivité de l’axe central était criante.

Avec un peu de recul, ce lourd revers essuyé à Marrakech est dur à avaler, n’est-ce pas ?

Oui, ce sentiment d’amertume sera difficile à effacer. Ça fait très mal. On défend les couleurs d’un pays, donc décevoir tout un peuple qui était derrière nous n’est pas facile à vivre.

Vous avez du mal à vous remettre ?

Je ne vous le fais pas dire. Vous savez, en club, on se remet vite car on sait que la semaine d’après, on peut se racheter, mais là on a déçu toute une nation, on a fait pleurer des gens et j’espère seulement qu’ils sachent que nous sommes désolés et profondément touchés par ce scénario catastrophe. Ils doivent savoir qu’on souffre avec eux, qu’on a aussi honte.

Vous ne croyez pas qu’il est facile de dire ça, pour expliquer une débâcle aussi humiliante ?

Je suis d’accord avec vous, mais vous n’allez tout de même pas croire que nous (les joueurs) nous nous réjouissons d’une telle humiliation.

On voudrait aller au fond des choses. Ces dernières heures, on a parlé de gens venus de l’extérieur qui ont investi l’hôtel des Verts, de joueurs qui ont découché, et pas mal de trucs qui auraient déstabilisé le groupe, un commentaire ?

Pour être franc avec vous, croyez-moi, je n’ai rien vu de tout cela. C’est vrai que je rentrais directement dans ma chambre pour rester concentré et éviter d’être perturbé, mais après, il ne faut pas se cacher derrière ces faux prétextes pour justifier cette défaite qu’on doit tous assumer. Sur ce match-là, le Maroc a été au-dessus. Cela ne signifie en aucun cas que le Maroc est plus fort. En tout cas, personnellement, je n’ai rien vu.

Justement, qu’est-ce qui a fait la différence dans ce derby ?

A vrai dire, le score parle de lui-même, mais sur ce match, le Maroc a gagné ses duels. Ils étaient plus solides. Ils ont su profiter des occasions qu’ils se sont procurées. Bien sûr, contrairement à nous, ils ont affiché une meilleure présence et une meilleure efficacité sur le terrain.

Sur le plan personnel, au match aller, vous avez bien neutralisé un joueur très fort qui s’appelle Taârabt, mais on vous a vu dépassé par un Essaïdi, samedi, une explication ?

Je dirais qu’il m’a posé des problèmes par rapport à sa vivacité. A l’image de toute l’équipe, ça s’est bien passé lors des 20 premières minutes, mais après lorsque nous avons encaissé ce premier but, le bloc s’est disloqué et j’ai éprouvé d’énormes difficultés à le museler, surtout que cet attaquant n’a pas cessé d’effectuer des appels de balles dans l’axe pour nous déstabiliser. Chamakh permutait aussi très bien avec lui, chose qui a logiquement affaibli la couverture sur les couloirs et cela nous a causé à tous d’énormes problèmes en défense, pas seulement moi, je dois le préciser.

Oui, mais vous n’étiez pas du tout bon…

Je n’étais pas bon à l’instar de toute l’équipe. Je suis d’accord, mais je refuse qu’on m’impute l’entière responsabilité de ce revers. C’est vrai que sur le 4e but, j’ai glissé au moment où j’allais contrer le tir du joueur marocain, mais sur les autres réalisations, je n’étais pas concerné par ces actions qui ont amené les buts marocains. Cela dit, au risque de me répéter, il ne sert à rien de chercher les coupables maintenant, le constat est là et quoi qu’on cherche comme excuse, on ne pourra pas y remédier.

On a senti que par rapport au match aller, la solidarité défensive vous a fait défaut…

Avant ce premier but qui nous a vraiment coupé les jambes, on était bien présents, concentrés et motivés pour réaliser un très bon résultat. Après, c’est vrai que nous avons accusé le coup au fil des minutes, parce que l’adversaire avait aussi du répondant. Encouragés par leur public, les Marocains ont sorti un match héroïque, comme nous l’avions fait chez nous à Annaba. On n’a pas été, certes, à la hauteur, mais on a aussi manqué de réussite, car je trouve que si Kadir, avec un peu de chance, avait mis ce ballon de la tête au fond, on aurait pu peut-être revenir dans le match.

Le départ de Benchikha s’est officialisé, une réaction par rapport à cela ?

Ça m’affecte énormément, je n’ai pas eu l’occasion de le dire, mais là, je tiens à préciser qu’il n’est pas l’unique responsable de ce naufrage. Je n’oublierai pas que c’est lui qui m’a fait venir en sélection et que c’est lui qui m’a accordé sa confiance.

Vous ne croyez pas que c’est un peu à cause de vous les joueurs qu’il a été poussé à rendre le tablier ?

C’est vrai, quelque part, nous sommes responsables de son départ parce que si on avait pu éviter cette humiliation, il serait peut-être avec nous.  Nous en tant que joueurs, on est tous déçus et je tiens à m’en excuser auprès du coach Benchikha parce qu’au risque de le redire, c’est, en effet, un peu de notre faute.

Qu’est-ce qu’il vous a dit au juste dans le vestiaire après le match, vous a-t-il annoncé son départ ?

Il était abattu. Sincèrement, cette image du coach accablé me restera gravée dans la mémoire à jamais. Il nous a dit qu’il songeait à démissionner. On a eu une petite discussion entre nous les joueurs et je peux vous dire qu’il n’y a jamais eu d’adieu avec le coach. Autrement dit, il n’a pas prononcé sa démission, du moins de manière officielle.

C’est-ce qui explique le fait que vous étiez surpris d’apprendre sa démission ?

Oui, exactement, On était tous affectés et surpris de l’apprendre. Moi, je suis parti avec Carl Medjani et Mehdi Lacen tôt dans la matinée et lorsque j’ai appris qu’il avait officiellement remis sa démission, j’étais sincèrement désolé.

L’avez-vous appelé ?

Franchement, non, mais je vais le faire immédiatement. Par respect, je dois le contacter parce que, pour moi, Benchikha reste un grand entraîneur et aussi un grand homme avec des principes et des idées géniales. Je persiste à dire que c’est nous les joueurs qui l’avons mis   dans cette panade et je tiens encore à m’en excuser.

Revenons à vous. Lors de notre visite à Nîmes, vous avez déclaré que vous étiez très fatigué et anéanti par cette relégation avec le club, cela a-t-il eu des répercussions sur votre rendement en sélection ?

C’est vrai, j’avais déclaré dans vos colonnes que mes jambes étaient lourdes et j’étais juste limite, mais après, une fois arrivé à La Manga Club, j’ai repris mes forces et j’étais apte à 100 % pour jouer ce match contre le Maroc.

Après un début de saison magnifique pour vous, ça se termine très mal avec une relégation et une humiliation subie en sélection avec l’Algérie…

Oui, franchement ça gâche tout. J’ai du mal à m’en remettre. Croyez-moi, je suis effondré. Je ne savoure plus rien, je suis beaucoup plus dégoûté pour le peuple algérien, je sais qu’ils doivent avoir honte de nous et c’est légitime de leur part. C’est la vie, c’est dans des moments pareils qu’on s’aperçoit si on est homme ou pas. C’est-à-dire si on est capable de refaire surface après un tel choc d’une telle douleur. Je tiens à dire aussi une chose importante

Oui, allez-y…

Malgré ce que certains peuvent penser et c’est légitime aussi de leur part, quand je viens en sélection c’est pour donner ma vie à l’Algérie. C’est vrai que j’ai toujours vécu en France mais ma famille m’a toujours inculqué cet amour du pays pour le meilleur et pour le pire. Donc, je suis fier de porter ce maillot même dans les cas les plus difficiles et je continuerai à le faire.

Là, vous abordez un sujet important, on parle d’un problème de nationalisme, on reproche aux «émigrés» un manque de patriotisme, cela ne vous affecte-t-il pas ?

C’est normal, les gens sont libres de penser comme ils veulent, je sais une chose, si on avait gagné deux buts à zéro au Maroc, personne n’aurait remis en cause notre devoir envers la nation. Après, il faut comprendre la déception du public. Moi, je peux vous dire, après avoir perdu de cette manière, que j’ai honte. Quand je sors dans la rue, je me fais chambrer comme pas possible.

Pas facile à gérer tout cela ?

C’est difficile à vivre, mais on ne doit pas se plaindre, c’est le métier, quand ça marche c’est tout le monde qui applaudit et quand ça va mal, on vous critique. Par contre, pour cette histoire d’émigrés, je ne suis pas d’accord, nous sommes tous des Algériens et nous ressentons le même sentiment de haine lorsque notre pays n’est pas bien représenté. Vous ne pouvez pas imaginer mon désarroi lorsque mon grand-père m’a serré dans ses bras en me disant : «ça ne fait rien, petit, la prochaine fois ça ira mieux.» Il avait mal pour son pays, je sentais qu’il avait la rage comme tout le peuple algérien, et rien que pour ça je suis anéanti.

Les chances de l’EN sont maintenant minimes, croyez-vous au miracle ?

Vous savez, tant que mathématiquement nous ne sommes pas morts, nous ne lâcherons rien jusqu’au bout. Ça s’annonce difficile, mais on ne doit pas baisser les bras. Il nous reste deux matchs qu’il faudra gagner d’abord pour redonner confiance au peuple et à nous-mêmes. Après cette claque de Marrakech, on est dans l’obligation de se racheter pour donner une meilleure image de notre football.

Nous avons annoncé dans ces colonnes votre prochain transfert à Ajaccio, une confirmation ?

Ecoutez, vous êtes dans le vrai, mais je peux vous dire que rien n’est officiel.

Etes-vous en contact avec des clubs de Ligue 1 ?

Oui, je le confirme, mais je vous dirai tout dans quelques jours.

Un dernier mot ?

Je réitère mes excuses au peuple algérien, on n’a pas été dignes mais on leur promet de tout faire pour nous racheter et regagner leur confiance.