Mort et vie de Mohamed Boudiaf,Le mystère et le récit d’école

Mort et vie de Mohamed Boudiaf,Le mystère et le récit d’école

Pendant que son fils Nacer milite pour l’éclatement de la vérité sur son assassinat, feu Mohamed Boudiaf, un des pères de la Révolution algérienne et premier président du Haut-Comité d’Etat (HCE), assassiné le 29 juin 1992, reste cet homme vaillant dont la disparition tragique constitue la mauvaise conscience de la République. Ce sont, encore une fois, des voix étranglées par la pusillanimité qui se sont proposées, en ce 16 janvier, date anniversaire de son retour au pays, à conter l’homme et ses hauts faits d’armes.

– La brutalité du choc entre la curiosité innocente de l’écolier et la dérobade de l’historien, désarçonné par la question du pourquoi Boudiaf a-t-il été assassiné, est assommante. Mohamed Abbas, invité en sa qualité d’historien par l’association Mechaâl Echahid pour évoquer Boudiaf devant des écoliers, a parlé, hier, au Cercle des Moudjahidine, comme un livre d’histoire officielle à l’épilogue hâtif. L’historien, qui a retracé de manière didactique le cheminement militant de Mohamed Boudiaf, depuis son adhésion au Parti du peuple algérien (PPA) de Messali Hadj, son activité au sein du CRUA jusqu’au déclenchement et la conduite de la guerre de Libération nationale, s’est retranché derrière des généralités pas du tout engageantes dès qu’il s’est agi de parler de Boudiaf d’après l’indépendance. Mais surtout de la période de son retour en Algérie pour présider le HCE jusqu’à son assassinat à Annaba, le 29 juin 1992. A la question de savoir ce que Boudiaf a pu réaliser durant sa courte période où il a présidé aux destinées de la République, Mohamed Abbas a choisi de faire cas d’une «situation difficile» et de «courte transition». «Il réfléchissait encore à son gouvernement, lorsqu’il a été assassiné», a-t-il soutenu, comme pour ne pas avoir à s’appesantir sur cette période encore au centre d’une grande interrogation. Cependant les écoliers, présents nombreux hier au Cercle des Moudjahidine, ne devaient-ils pas savoir par exemple que Mohamed Boudiaf avait lancé le Rassemblement patriotique national (RPN) et qu’il avait fait le serment de lutter contre la corruption ? Heureusement qu’à la tribune, il y avait le moudjahid Tayeb Taalibi, compagnon d’armes de Boudiaf, et qui est resté bien plus tard un de ses rares amis et confidents. Ce dernier, qui n’a pu retenir ses sanglots, a affirmé, sur un ton solennel, emprunt d’énormément d’émotion, que l’assassinat de Boudiaf «est un crime politique parfait». Ayant fait partie de la commission d’enquête sur l’assassinat de Boudiaf, il est le dernier à croire à l’acte isolé. Etant resté en contact avec Boudiaf pendant sa présidence du HCE, Tayeb Taalibi n’a pas hésité à confirmer la révélation faite ces jours-ci par Nacer Boudiaf de ce que son père avait diligenté une enquête en France sur les fortunes mal acquises des dirigeants algériens. «Oui, cette enquête a bel et bien eu lieu», a-t-il avoué, avant de fondre à nouveau en larmes. Grâce à ce moudjahid, les écoliers ont appris une leçon d’histoire. Une vraie… celle qui a consigné que Boudiaf a été d’abord emprisonné dans l’aridité du Sahara par Ben Bella avant de connaître un long exil au Maroc.

S. A. I.