Mort d’El GuEddafi : Une fin sanglante

Mort d’El GuEddafi : Une fin sanglante

L’ex-leader libyen Maâmmar el-Gueddafi a été tué jeudi, dans sa région natale Syrte, après plus d’un mois de combats sanglants dans cette ville de l’est du pays, selon les nouvelles autorités libyennes.

La mort de Maâmmar el-Gueddafi dans un assaut lancé contre Syrte a été annoncée d’abord par un commandant du Conseil national de transition (CNT) et confirmée ensuite par le porte-parole officiel du CNT, basé à Benghazi (est), Abdel Hafez Ghoga. « Nous annonçons au monde qu’el-Gueddafi est mort aux mains des révolutionnaires » dans la région de Syrte, a indiqué à la presse Abdel Ha-fez Ghoga, qualifiant cet événement de « mo- ment historique ». L’information de la mort de l’ex-dirigeant libyen « a été confirmée par nos commandants sur le terrain, ceux-là mêmes qui ont capturé El-Gueddafi alors qu’il avait été blessé lors de la bataille ce matin à Syrte » tombée aux mains des forces du CNT, a dit le porte-parole. « Nous avons des informations sur un convoi qui était bombardé par l’Otan alors qu’il (El-Gueddafi) fuyait Syrte. Certaines informations font état de la présence des fils de l’ex-leader libyen dans ce convoi, nous sommes en train de les vérifier », a-t-il ajouté. Après avoir gouverné pendant 42 ans, Maâmmar el-Gueddafi, 69 ans, était en fuite depuis la chute de Tri-poli en août aux mains du CNT, soutenu par une intervention de l’Otan, lancée en mars dans ce pays. Outre la mort d’el-Gueddafi, plusieurs de ses proches dont son fils Mouatassim, ont été soit capturés soit tués, selon les commandants du CNT. Mohamed Leith, un commandant du CNT qui combattait à Syrte, a annoncé la mort dans cette ville de Mouatassim, un des fils d’El-Gueddafi.

« Nous l’avons retrouvé mort. Nous avons mis son corps ainsi que celui du (ministre de la Défense du régime déchu libyen), Aboubakr Younès Jaber, dans une ambu-lance pour les emmener à Misrata » (ouest), a indiqué à la presse ce commandant. Pour sa part, la télévision « Libye Libre » à Tripoli a affirmé que « Mansour Daou (le chef des services de sécurité intérieure), et Abdallah Senoussi », le chef des renseignements libyens, avaient été aussi capturés à Syrte. Par ailleurs, Khalifa Haftar, un responsable militaire du CNT, a indiqué que Syrte, dernier bastion de l’ex-leader libyen « a été totalement libérée ».

MAE

«L’Algérie forme l’espoir que la nouvelle ère consacre la réconciliation »

Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a exprimé hier l’espoir de l’Algérie que « la nouvelle ère qui s’ouvre pour la Li-bye consacrera la réconciliation, la concorde et l’unité entre les frères libyens ». « L’Algérie forme l’espoir que la nouvelle ère qui s’ouvre pour la Libye consacrera la réconciliation, la concorde et l’unité entre les frères libyens et qu’elle permettra la pleine réalisation de leurs aspirations légitimes à la démocratie, l’Etat de droit et la prospérité », a indiqué le porte-parole dans une déclaration écrite.

Le ministre des Affaires étrangères, M. Mourad Medelci, a affirmé mercredi dernier que les relations entre l’Algérie et le Conseil national de transition libyen (CNT) vont dans la « bonne direction ». « Nous avions des relations informelles avec le CNT, qui sont devenues aujourd’hui officielles », a indiqué M. Medelci. Il a ajouté que les contacts sont « réguliers » et « quasi quotidiens » entre les autorités algériennes et les responsables du CNT, qu’il s’agisse de son président, M. Mustapha Abdeljalil, ou du président de son Conseil exécutif, M. Mahmoud Jibril. M. Medelci a fait savoir, à ce propos, que l’ambassadeur d’Algérie à Tripoli avait été reçu mardi par M. Abdeljalil, soulignant qu’au terme de cette audience, qui était « extrêmement constructive », « l’intérêt de M. Abdeljalil pour la construction d’une coopération multiforme, solide et ambitieuse (avec l’Algérie) a été de nouveau confirmé ». Il a indiqué, en outre, que la visite prochaine d’une délégation du CNT en Algérie « a été confirmée par M. Abdeljalil ».

Circonstances de la mort de l’ex-Guide libyen

L’Onu réclame une enquête

Le Haut commissariat de l’Onu aux droits de l’homme a demandé hier la mise sur pied d’une enquête sur les circonstances entourant la mort de l’ex-« Guide » Mouammar El Gueddafi. « A propos de la mort d’El Gueddafi hier (jeudi), les circonstances ne sont toujours pas claires. Nous estimons qu’une enquête est nécessaire », a déclaré aux journalistes le porte-parole du Haut commissariat, Rupert Colville, se référant aux vidéos qui ont été publiées jeudi par les médias. « Il devrait y avoir une enquête compte tenu de ce que nous avons vu hier (jeudi) », a-t-il insisté.

Ainsi, il a estimé que les « deux vidéos » d’El Gueddafi publiées jeudi, « une de lui vivant, une de lui mort, (…) étaient très inquiétantes ». Il n’a toutefois pas indiqué qui devait se charger de mener l’enquête, rappelant que le Conseil des droits de l’homme de l’Onu avait mandaté cette année une commission d’experts pour faire la lumière sur les violences en Libye. Pour sa part le ministre britannique des AE, M. William Hague, et sans se prononcer sur les circonstances du décès, a indiqué qu’il désapprouvait « les exécutions extrajudiciaires ».

«El Gueddafi a été tué d’une balle dans la tête»

Le chef de l’exécutif du CNT, Mahmoud Jibril, a déclaré que le dirigeant déchu Mouammar el Gueddafi a été tué d’une balle dans la tête lors d’un échange de tirs jeudi à Syrte.

« Quand il a été retrouvé, il était en bonne santé et portait une arme », a dit M. Jibril lors d’une conférence de presse à Tripoli, ajoutant qu’il avait ensuite été conduit vers un pick-up. « Quand le véhicule a démarré, il a été pris dans un échange de tirs entre des combattants pro-El Gueddafi et des révolutionnaires, et il a été tué d’une balle dans la tête », a-t-il ajouté. « Il était vivant jusqu’à son arrivé à l’hôpital » de Misrata, a précisé le chef de l’exécutif libyen.

Une victoire au goût amer

Quel goût aura la victoire du CNT, en fait celle de l’Otan – puisque, faut-il le rappeler, sans l’intervention des forces de l’Alliance, l’insurrection n’aurait pas eu raison de l’ancien régime libyen – après les images crues, insupportables, voire même choquantes du lynchage de Maâmmar El Gueddafi? Les vidéos publiées juste après l’annonce de sa mort ou de son assassinat, étaient d’une sauvagerie telle qu’aucune âme n’est en mesure de les supporter.

La gêne, manifeste, des présentateurs français des chaînes de télévision et de certains politiques, qui devaient commenter les circonstances de la mort de l’ancien homme fort de Tripoli est révélatrice d’une évidence qu’il n’est pas possible d’ignorer : cette mort pèsera sur la conscience de la communauté internationale. Et, si le Premier ministre britannique s’est empressé, dans sa première réaction, de déclarer qu’il fallait surtout penser à toutes les victimes de l’ancien dirigeant libyen, c’est avant tout pour se donner bonne conscience et tenter de justifier l’injustifiable. A savoir que les images étaient celles d’une exécution sommaire, extra- judiciaire.

L’on pourra, cependant, toujours reprocher à Maâmmar El Gueddafi d’avoir été un tyran qui a régné en maître absolu pendant plus de 40 ans sur son pays et que ses mains étaient entachées du sang de nombreuses victimes, étrangères ou libyennes, dont les dernières sont tombées sous la féroce répression opposée à l’insurrection menée ces derniers mois, et que, partant, ce passé explique, ou devrait expliciter du moins, le sort qui lui a été réservé par les soldats insurgés, mais il n’en reste pas moins que sa mort, dans les circonstances montrées par les vidéos, est inacceptable. Il ne faut surtout pas y voir là une quelconque sympathie à l’égard de l’ancien guide de la Jamahiriya. Cette réaction est celle de toute personne censée avoir face à un lynchage d’un homme, dont l’intégrité physique et morale est protégée par les conventions internationales. Même si cet homme est le pire des sanguinaires, il mérite d’avoir un procès équitable.

N’est-ce pas conformément à cette vision des choses que des chefs militaires serbes, coupables du génocide de Srebrenica, ont été livrés au Tribunal pénal international afin d’être jugés dans le cadre d’un procès où ils avaient le droit et la latitude de se défendre contre les accusations proférées contre eux par la communauté internationale ? La réaction du Haut commissariat de l’ONU aux droits de l’homme qui a réclamé hier une enquête sur les circonstances entourant la mort de l’ex-dirigeant libyen est le moins que l’organisation onusienne se devait de prendre.

Les nouveaux hommes forts de Tripoli, présentés au monde comme ceux par qui passera la démocratie, et ceux qui feront entrer la Libye dans le camp des pays respectueux des droits de l’homme et des libertés individuelles entament leur nouvelle ère avec une tache noire. Car si, désormais, le 20 octobre 2011 est fêté dans la liesse, cette date ne manquera pas aussi d’interpeller, une fois les lampions éteints, les Libyens sur les conséquences de cet assassinat. Et le moins qu’ils pourront constater, c’est que leur victoire sur un tyran aura un goût amer.

La communauté internationale évoque «une ère nouvelle »

A l’étranger, la communauté internationale a parlé de « la fin de la guerre en Libye », dès l’annonce de la mort de Maâmmar El-Gueddafi. En Italie, pays qui a participé aux opérations de l’Otan en Libye aux côtés notamment de la France et de la Grande-Bretagne, le président Giorgio Napolitano a estimé qu’ »un chapitre dramatique est clos » en Libye après la mort du colonel El-Gueddafi, souhaitant « la reconstruction d’un nouveau pays, libre et uni ». Le chef du gouvernement Silvio Berlusconi a, quant à lui, affirmé que « la guerre est finie » dans ce pays, dans des propos à des membres de son parti rapportés par l’agence de presse italienne Ansa. Par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, la France a évoqué « le début d’une ère nouvelle de démocratie, de liberté et de reconstruction du pays », après l’information sur la mort du dirigeant libyen déchu.

A l’Onu, le secrétaire général, Ban Ki-moon, a appelé à la réconciliation en Libye après la mort annoncée de l’ancien dirigeant libyen marquant, selon le chef des Nations unies, une  »transition historique » dans le pays. Pour le président de l’Union européenne (UE) Herman Van Rompuy et le président de la Commission européenne José Manuel Barroso, la Libye « peut, aujourd’hui, tourner une page de son histoire et embrasser un nouvel avenir démocratique ». Les deux hommes ont appelé le CNT à poursuivre « un processus de large réconciliation » entre tous les Libyens, pour permettre une transition « démocratique, pacifique et transparente ».

La chef de la diplomatie de l’UE Catherine Ashton a, quant à elle, exhorté les nouvelles autorités libyennes, à encourager désormais la « réconciliation nationale » et à « bâtir un avenir démocratique qui respecte les droits de l’homme ».

L’après-El Gueddafi

Le N°2 du CNT fait part de ses «inquiétudes »

Le N°2 du Conseil national de transition libyen (CNT), Mahmoud Jibril, s’est dit mercredi soir « inquiet » de la bataille politique à venir qui pourrait faire sombrer la Libye dans le « chaos ». Sur le plan politique, Mahmoud Jibril a formulé des craintes quant au « chaos » qui pourrait résulter d’une « bataille politique » précoce, une éventuelle lutte de pouvoir pouvant survenir entre tribus, régions et entre les islamistes et les libéraux. « Nous sommes passés d’une bataille nationale à une bataille politique qui n’aurait pas dû avoir lieu avant de fonder l’Etat », a-t-il affirmé, ajoutant qu’un « des scénarios terrifiants, c’est qu’on transite d’une guerre nationale vers le chaos ». Par ailleurs, le président du CNT Moustapha Abdeljalil a promis de dédommager les combattants, les blessés et les familles des 25.000 « martyrs » de la guerre. « Le CNT va mettre en place une autorité chargée d’aider à la réintégration des combattants vers la vie civile », a-t-il déclaré.

La Ligue arabe : « Tourner la page de la tyrannie »

La Ligue arabe souhaite que la mort d’El- Gueddafi qui a dirigé le pays d’une poigne de fer pendant quatre décennies « tourne la page de la tyrannie », a déclaré jeudi son secrétaire général, Nabil El-Arabi. M. El-Arabi a également appelé, dans un communiqué, les Libyens à « oublier les blessures du passé et à regarder l’avenir sans sentiments de rancune ni revanche, en repoussant tout ce qui pourrait mettre à mal l’unité nationale et la paix ».

M. Nabil El-Arabi appelle également « toutes les forces politiques et les dirigeants libyens à serrer les rangs et à construire une nouvelle Libye qui répondra aux espoirs et aux ambitions du peuple libyen pour la liberté ». Il dit espérer une « transition pacifique vers un nouveau système politique démocratique qui exprimera la libre volonté du peuple libyen et préservera l’indépendance, l’unité, la sécurité et la stabilité de la Libye ».