Mort de Bouteflika : l’énième polémique

Mort de Bouteflika : l’énième polémique

Bouteflika, président de l’Algérie pendant 20 ans, tire enfin sa révérence. L’homme politique dont le destin a été de faire partie du sérail depuis les balbutiements de l’état Algérien, passe l’arme à gauche. Adulé par certains, haï par d’autres, Bouteflika, et sur ce point tout le monde est d’accord, était l’homme de tous les excès.

« Ce qu’il y a de plus heureux pour les historiens, c’est que les morts ne puissent protester », disait Aurélien Scholl. Sur les réseaux sociaux, depuis l’annonce de la mort de Bouteflika, la toile est bouillonnante. Que faut-il penser de Bouteflika. Si le 22 février a tranché là-dessus quand l’homme était vivant, cela devrait-il changé maintenant qu’il est mort ?

La mort à ceci d’universel qu’elle force à réfléchir, et à faire preuve de respect et de compréhension. En Algérie, comme partout ailleurs dans le monde, la coutume, suite à un décès, est de faire preuve d’humanisme et de raison. Ceci dit, et devant le déchainement des passions que suscite le départ de Bouteflika, on ne peut que conclure qu’il s’agit d’un personnage controversé.

Mort de Bouteflika : le jugement dernier ?

Abderrezzak Makri, dans une publication sur sa page Facebook, a profité de la mort de Bouteflika pour faire un véritable éloge de la mort. Pour lui, le décès de l’ex-homme fort du pays, est un avertissement à nos dirigeants actuels. Le chef du MSP n’a même pas hésité à souligné que le jour du jugement dernier est suspendu à la tête de chacun de nous. Makri fait ne manque pas de faire allusion au bilan laissé par Abdelaziz Bouteflika après 20 ans de règne.

La toile Algérienne quant à elle est partagée. Certains trouvent que c’est le moment opportun de dire ce qui a été dit et redit pendant près de 20 ans, d’autres invitent à plus de sobriété, et au respect de la mémoire des morts, peu importe qui ils sont.

Meme sur un plan plus officiel les réactions sont prudentes. Pas d’obsèques en trombe pour le président qui a enterré trois chefs d’État. Bouteflika a été présent rappelons le, aux obsèques de Boumédiene, de Chadli, et de Ben Bella. Il a même décrété des funérailles nationales pendant une semaine à la mort de l’illustre Ait Ahmed.

La présidence, à la mort de Bouteflika n’a pas annoncé un deuil national. Le communiqué d’El Mouradia décrète juste que le drapeau sera en berne sur l’ensemble du territoire national. Signe de tristesse, mais sans plus.

Les Algériens connaissent-ils Bouteflika ?

Une chose est sûre. Les Algériens ne savent pas quoi penser. Alors que l’amnésie a frappé certains, qui ont oublié les défauts de l’homme, ou son humanité, d’autres, la majorité, sont trop jeunes pour s’en souvenir de l’entièreté du parcours de Bouteflika.

L’histoire de celui qui n’a pas voulu lâcher le fauteuil présidentiel en 2009, allant même jusqu’à violer la constitution, a commencé avant même l’indépendance. Mais au-delà de l’époque où il était surnommé Abdelkader El Mali, Bouteflika a posé, qu’on le veuille ou pas, son empreinte indélébile sur le fonctionnement de l’État Algérien.

Alors que l’Algérie était « la Mecque des révolutionnaires », Bouteflika était le chef de la diplomatie. Il était là à une époque ou le pays était visité par le Che et par Fidel Castro. Bouteflika était même perçu comme l’homme qui aimait l’Afrique, car il avait reçu tout un panel de dirigeants africains perçus comme étant de « révolutionnaires ».

Il ne faut pas aussi oublier que bon nombre d’Algériens, la majorité de ceux qui animent les réseaux sociaux aujourd’hui, sont nés après l’an 2000. Ce qui leur donne une image incomplète, voire très subjective, de l’épopée Bouteflikienne.

1999 – 2019 : Bouteflika, quel bilan

Après un putsch contre Ben Bella, et une éviction suite à la mort de Boumédiene, suivie par une traversée du désert, Bouteflika revient en Algérie. Un retour en trombe, écartant sur son chemin 6 candidats à a présidentielles, avant même le scrutin. C’était le bon ! On le savait déjà, avant même de voter. Les Algériens ont tous senti que le vote était joué d’avance.

À la surprise de tous, malgré son élection « discutable », Bouteflika a su faire oublier son « illégitimité ». Le petit homme charismatique aux yeux verts va mettre fin, ou presque, à la décennie noire. Bien qu’il avoue n’avoir fait que donner « une couverture légale » à des accords informels qui avaient déjà eu lieu entre l’armée et des groupes armés. Ces accords ont été conclus sous le règne du général Zeroual.

Bouteflika arrive même à charmer le RCD, le FFS, et plusieurs partis de l’opposition. La page de la sécurité fait vite place à celle de l’économie. Bouteflika pense qu’il est touché par la Baraka. La grâce divine. Alors que le baril coutait 15 dollars au milieu des années 90, son prix atteint les 150 dollars sous le règne de Bouteflika. Ceci dit, ceux qui étaient tentés de croire qu’il s’agissait d’une véritable Baraka, ont vite fait de déchanter.

La déchéance

Bien qu’il arrive à rembourser l’intégralité de la dette qui a paralysé le pays, faisant de l’Algérie un pays solvable, Bouteflika sombre dans les superflus. Son règne commence se salir par un scandale après l’autre, jusqu’à ce que plus rien ne paraisse scandaleux. C’était le début de la déchéance. L’Algérie commence à naviguer à vue. Personne ne savait dans quelle direction on allait.

Bouteflika n’a pas réussi à faire son devoir de président, à savoir donner au pays une véritable orientation, alors que tous les facteurs lui permettait de le faire. À partir de 2012, ce n’était plus un secret pour personne. L’Algérie se retrouve entre les mains d’une véritable mafia économique. Les Problèmes de santé de Bouteflika n’ont fait qu’empirer les choses. Celui qui aimait tant le pouvoir, s’est retrouvé coincé sur son trône.