La mobilisation des opposants suffira-t-elle à faire reculer le président islamiste égyptien, lequel en choisissant le passage en force, a pris le risque de voir les manifestations contre son pouvoir monter en cadence et que les Etats-Unis affichent leur inquiétude.
Les Etats-Unis n’ont pas tardé à avertir le nouveau pouvoir en Egypte sur les conséquences de la décision du président Mohamed Morsi de renforcer ses pouvoirs jeudi, en indiquant que cela “suscitait des inquiétudes”. Washington a appelé les différentes parties à résoudre leurs différends “pacifiquement et par le dialogue démocratique”. La porte-parole du département d’Etat américain a estimé dans un communiqué que les décisions annoncées, jeudi, par le président islamiste “suscitent des inquiétudes pour beaucoup d’Egyptiens et pour la communauté internationale”. “Nous appelons au calme et nous encourageons toutes les parties à travailler ensemble, et nous appelons tous les Egyptiens à résoudre leurs différends sur ces importantes questions pacifiquement et par le dialogue démocratique”, ajoute Victoria Nuland.
Rappelant qu’une “des aspirations de la révolution était de s’assurer que le pouvoir ne serait pas trop concentré entre les mains d’une seule personne ou d’une institution”, les Etats-Unis prônent l’adoption d’une “constitution qui comporte des contre-pouvoirs, qui respecte les libertés fondamentales et les droits individuels, avec un droit qui soit conforme aux engagements internationaux de l’Egypte”, ajoute Mme Nuland. Sur le terrain, libéraux, démocrates et même une partie de ses électeurs déçus par les 100 jours de son pouvoir, se sont mobilisés partout sur les lieux emblématiques de la révolte contre le régime de Moubarak, pour dénoncer la tentation pharaonique de son successeur, Mohamed Morsi.
“Pas de dictature islamique”, scandent les manifestants reprenant le slogan fétiche des révoltes arabes “Pharaon islamiste, dégage”. Hier, les forces anti-émeutes ont dispersé place Tahrir au Caire des manifestants protestant contre le renforcement des pouvoirs du président égyptien Mohamed Morsi, rapportent des médias. Selon ces sources, une trentaine de tentes étaient installées sur la place, des opposants ayant décidé d’observer depuis vendredi un sit-in pour protester contre les nouvelles prérogatives du Président. Un petit nombre de manifestants présents sur la place ont été visés par les tirs de gaz lacrymogènes et fuyaient dans les rues latérales, ont ajouté les mêmes sources. Par ailleurs, des meetings ont été animés non-stop sur la place cairote, épicentre de la révolte pro-démocratie de janvier-février 2011 par Mohamed El-Baradei, un ancien chef de l’agence nucléaire de l’ONU, recyclé dans la politique, et Amr Moussa, un ancien chef de la Ligue arabe. Tous deux s’étaient présentés aux élections présidentielles remportées par le candidat des Frères musulmans. Ils accusent ce dernier de s’être “proclamé nouveau pharaon”. Morsi ne s’est pas contenté de faire appel aux forces de l’ordre avec toute la violence de l’ancien régime : il a également fait donner les militants de son parti ainsi que des salafistes qui partagent avec les Frères musulmans l’objectif d’établir la charia en Egypte. Elu en juin premier Président civil et islamiste du pays le plus peuplé du monde arabe, Mohamed Morsi a répondu vendredi devant ses partisans, rassemblés près du Palais présidentiel au Caire, que l’Egypte était sur la voie de “la liberté et de la démocratie” alors que, jeudi, la veille, il annonçait un renforcement considérable de ses pouvoirs.
Il s’était, en effet, arrogé dans une déclaration constitutionnelle le droit de “prendre toute décision ou mesure pour protéger la révolution” de 2011. “Les déclarations constitutionnelles, décisions et lois émises par le président sont définitives et ne sont pas sujettes à appel” tant que ne sera pas achevée la nouvelle Constitution, dont le projet doit être rédigé d’ici à la mi-février, avait-il déclaré. Le président islamiste cumulait déjà les pouvoirs exécutif et législatif, la Chambre des députés ayant été dissoute en juin, mais il entretenait des relations tendues avec l’appareil judiciaire. Il devait ouvrir sa marche vers le pouvoir absolu en écartant, en août 2012, le ministre de la Défense de l’ex-régime, Hussein Tantaoui.
D. B