La communauté algérienne de Montréal s’est réveillée sur la triste nouvelle de l’assassinat de l’un des siens, Ziad Bouzid, chauffeur de taxi tué par des inconnus pendant son travail dans la nuit du mardi à mercredi dernier.
Un des suspects a été arrêté jeudi dans la banlieue sud de Montréal après une chasse à l’homme pour laquelle le service de police de la ville de Montréal a utilisé les médias traditionnels et sociaux en diffusant sa photo à une large échelle.
Marié et père de trois enfants (une fille et deux garçons) âgés de 6 à 17ans, Ziad Bouzid , 45 ans, est originaire d’Alger (Belouizdad). Il est de père Algérien et de mère Tunisienne. Sa fille a été admise aux urgences après la visite de la police qui est venue les informer de sa mort à 5 heures du matin. Ingénieur en mécanique de l’Université des sciences et de la technologie Houari Boumédiène, il a travaillé à la Société nationale des transports ferroviaires (SNTF) en Algérie.
Ziad Bouzid a émigré au Canada (Québec) en 2002. La non reconnaissance des diplômes et de l’expérience algérienne ainsi que les difficultés d’accès aux postes de travail de bonne qualité le font rabattre sur le métier de chauffeur de taxi, métier qu’il a exercé à partir de 2008.
« Dites aux Algériens qui croient que c’est le paradis ici que les seules opportunités qui les attendent ici, malgré leur hauts diplômes et leur éducation sont chauffeurs de taxi pour eux et éducatrice dans les garderies pour leurs femmes », nous dit, sous l’émotion Mohamed, un de ses voisins et amis. Habitant une cité modeste à Pierrefonds, un quartier du nord-ouest de Montréal, Ziad devait travailler parfois 14heures par jour pour subvenir aux besoins de sa famille.
Sa femme a réussi à trouver un travail à temps partiel pour garder à l’école les élèves pendant les pauses de midi. Nous sommes loin des fantasmes véhiculés par la défunte émission de l’ENTV Sans Visa. Sid Ali, un de ses collègues, le décrit comme une personne pacifique et très gentil qui « ne ferait pas de mal à une mouche ». « Les consignes sont claires, il ne faut jamais résister à un client quand il ne veut pas payer. Il y va de notre sécurité », ajoute-t-il.
Ses amis se rappellent que le jour du match Algérie-Burkina Fasso, Ziad Bouzid n’a pas voulu voir la deuxième mi-temps car il était déçu de la prestation des Verts et ne voulait pas voir l’Algérie perdre. Le soir même il est assassiné. Il ne pourra plus participer aux parties de football entre amis ou emmener son fils jouer.
Très attachés à ses enfants, il venait tout juste de leur acheter des tablettes et des smartphones. Slimane, un chauffeur de taxi d’origine syrienne rencontré au Centre-Ville de Montréal affirme que ce meurtre doit être une affaire de drogués. « On peut tuer pour aussi peu que 20 dollars. Un drogué est une bombe qui n’a pas explosé. Il y a une chance sur 1 000 000 pour que ce soit le chauffeur qui soit en cause», explique celui qui vit au Canada depuis 21 ans.
Ce meurtre est le deuxième en quatre ans qui touche un chauffeur de taxi algérien. En 2009, un père de 4 enfants a été assassiné dans les mêmes conditions. Mohamed Nehar-Belaid, originaire de l’ouest algérien, avait 64 ans. Son assassin, 27 ans, a été condamné à la réclusion à perpétuité en 2012.
Rapatriement
Comme une bonne partie des Algériens du Canada, Ziad Bouzid sera enterré en Algérie et ce bien qu’il y ait des cimetières musulmans ou multiconfessionnels à Montréal. Deux campagnes de collecte de fonds ont été lancées.
L’une par ses amis et l’autre par ses collègues. Elles serviront aux frais de rapatriement du corps. Le reste des sommes sera remis à sa famille. Il n’est pas encore clair si sa famille pourrait bénéficier d’indemnités d’assurance ou du fonds d’aide aux victimes de violence. Le consulat d’Algérie devrait aussi participer à la prise en charge sur le plan financier ainsi que logistique. « Pour des raisons humanitaires », nous explique-t-on. Air Algérie sera appelée à contribution. Le consul d’Algérie à Montréal et des membres de son staff ont rendu visite à la famille.
Cette situation rappelle le problème qui se pose à chaque décès d’un Algérien au Canada. L’enterrer au pays de l’érable ou en Algérie? Il y a quelques années, le rapatriement était presque automatique. Mais depuis que les familles se sont ancrées au Canada et que les enfants ont grandi, les enterrements en Algérie ne sont pas systématiques. Et si on décide de l’enterrer au pays, il faut prévoir un minimum de 7 000 dollars qu’on ne prévoit pas, généralement, à l’avance. Il faut aussi rajouter les frais de transport pour les personnes qui l’accompagnent.
Les collectes se font souvent dans les mosquées ou les commerces maghrébins avec tous les risques de dérapages (qui gère quoi ? est-ce que l’argent arrive toujours dans les mains de la famille du défunt ?). L’Algérie ne prend pas en charge le rapatriement des corps de ses ressortissants morts à l’étranger. Des considérations humanitaires ou des cas difficiles peuvent être une exception à la règle.
Toutefois, la Société nationale d’assurance (SAA) offre une assurance rapatriement pour les Algériens vivant à l’étranger. Le seul problème : elle n’est pas connue par les membres de la communauté car elle ne bénéficie pas d’une publicité adéquate.