Etant précédé par des rencontre bilatérales entre le 22 et 28 mars 2012, une rencontre informelle avec le groupe de travail chargé du dossier d’adhésion de l’Algérie à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) est prévue le 30 mars 2012 à Genève, afin de préparer le 11ème round des négociations multilatérales prévu en juin selon l’agence officielle l’APS l’Algérie ayant répondu à 96 questions. Pour le Ministre du commerce l’Algérie sera membre de l’OMC fin 2012 : réalité ou utopie ?
1.-Les deux fondateurs du communisme à savoir la Chine (en 2001) et récemment fin 2011 la Russie sont membres de l’organisation mondiale du commerce-OMC. En nous en tenant aux pays dits du Tiers monde, en l’Afrique, nous avons le Nigeria et l’Afrique du Sud, ou des petits pays comme le Tchad, le Niger, le Togo, l’Angola, le Bénin, le Gabon, la Cote d’Ivoire, le Ghana. Pour le Maghreb nous avons le Maroc et la Tunisie et la majorité des pays arabes pétroliers dont le dernier en date est l’Arabie Saoudite. En Amérique du Sud nous avons notamment le Brésil, le Venezuela, le Chili, la Bolivie, le Pérou, le Mexique, Cuba, et en Asie l’Inde, l’Indonésie, la Malaisie, le Vietnam, la Corée du Sud et n’oublions un grand pays émergent, la Turquie. La Russie étant un grand pays pétrolier et gazier, il est intéressant de connaître pour l’Algérie mono exportateur d’hydrocarbures les clauses ayant permis son adhésion. Pour accéder à l’OMC, la Russie a conclu 30 accords bilatéraux pour l’accès aux marchés des services, et 57 pour l’accès des biens. Concernant l’aspect multilatéral, Moscou a accepté d’abaisser le seuil de ses tarifs à 7,3%, contre 10% actuellement et a accepté de limiter ses subventions agricoles à 9 milliards de dollars en 2012, et de les réduire progressivement à 4,4 milliards d’ici 2018. Sur le plan des télécoms, la Russie a accepté que le seuil de 49% maximum de capitaux étrangers soit supprimé 4 ans après son accession à l’OMC. Sur le plan bancaire, les banques étrangères pourront librement ouvrir des filiales en Russie, mais ne pourront pas représenter plus de 50% du système bancaire suisse. Par ailleurs, à partir du jour de l’accession, les importations d’alcool, et de produits pharmaceutiques ne seront plus soumises à des licences d’importation. La Russie s’est aussi engagée à pratiquer des tarifs commerciaux » normaux « , pour le gaz naturel. Quant à l’Algérie, elle négocie son adhésion pour adhérer à l’organisation depuis le 03 juin 1987 c’est à dire depuis 25 ans étant un des pays qui atteint le record mondial. Le Ministre algérien du commerce vient d’affirmer que l’Algérie serait membre de l’OMC pour 2012. Le directeur général adjoint de l’OMC , Alejandro JARA lors de sa visite début juin 2011 a insisté sur le fait que l’Algérie devrait redoubler d’efforts pour son accession à cette organisation afin de ne pas rester en marge des mutations mondiales lors d’une séance de travail à l’APN, en présence de son président, de Ministres et de responsables de la banque d’Algérie. Cela veut dire en langage diplomatique qu’il faille changer de politique économique. L’Algérie a déjà participé à 10 ronds de négociations et répondu à 1640 questions. Mais sur les 96 autres questions restantes, 13 stratégiques et les plus importantes demandées par les piliers de l’OMC à savoir l’Union européenne et les Etats Unis d’Amérique doivent trouver une solution. Les accords avec l’OMC, qui s’inscrivent dans un espace mondial concernant uniquement le volet économique, reprennent les grandes lignes de l’Accord qui lie l’Algérie depuis le 1er septembre 2005 à l’Europe, ancré dans le processus de Barcelone, qui s’inscrit dans un espace régional mais en incluant des volets politiques et culturels. Ces accords ont des incidences stratégiques sur le devenir tant de l’économie que de la société algérienne :interdiction du recours à la “dualité des prix ” pour les ressources naturelles ; élimination générale des restrictions quantitatives au commerce (à l’import et à l’export) ; normes de qualité pour protéger la santé tant des hommes que des animaux (règles sanitaires et phytosanitaires);obligation d’observer les règles de protection de l’environnement dans l’usage de l’énergie pétrolières , les accords environnementaux conçus, certes, en dehors de l’OMC, ont été intégrés dans les préoccupations de l’OMC lorsque cet aspect nuit au bon développement du commerce ; mesures concernant la liberté des mouvements de capitaux (transfert de profits) , la propriété intellectuelle dont la protection est une condition essentielle afin de lutter contre le piratage et donc, l’intégration de la sphère informelle dominante intiment lié à la logique rentière en Algérie qui contrôle 40% de la masse monétaire en circulation et plus de 65% des segments de produits de première nécessité au niveau du marché intérieur.
2.- L’Algérie a demandé officiellement la demande de révision de l’Accord d’Association avec l’Union Européenne pour les tarifs douaniers, avec un report jusqu’en 2020 au lieu de 2017, expliquant que le dégrèvement tarifaire a fait perdre à l’Algérie 2 milliards de dollars et qu’à cette tendance le montant serait de 7 milliards de dollars. Mais est ce que trois ans suffiront-elles alors que l’économie est en plein syndrome hollandais avec une corruption socialisée, produit du pouvoir bureaucratique sclérosant qui fait fuir les investisseurs sérieux, 98% d’exportation d’hydrocarbures à l’état brut et semi brut et important 70/75% des besoins des entreprises ( le taux d’intégration public/privé ne dépassant pas en moyenne 15%) et de ménages ? Le tissu productif tant public que privé à de rares exceptions, est peu enclin au management stratégique, vivant de la rente du transfert des hydrocarbures, expliquant sa tendance protectionniste, constitué de PMI/PME, la structuration organisationnelle des entreprise y compris publiques étant -49,90 % personnel-32,14 % SNC-13,32 % SARL-4,64 % SPA dont Sonatrach et Sonelgaz). Par ailleurs, depuis 2009 l’Algérie a vu une réorientation de sa politique socio – économique qui va à contre courant des principes régissant l’OMC notamment des scandales de corruption à répétition, la généralisation du CREDOC et un nouveau code des marchés publics donnant la préférence nationale à 25% aux opérateurs locaux, l’encadrement de l’ investissement étranger avec les 49/51%, l’intensification de la dépense publique via la demande sociale pour la paix sociale et non le couple savoir/entreprises. L’ instabilité juridique et le manque de visibilité dans la politique socio-économique, la dominance de la sphère informelle et un système financier totalement déconnecté du système financier international rendent accroit le pessimisme quant à une volonté politique d’ouverture en fait de véritables réformes économiques et politiques ce qui explique les déclassement successifs entre 2007/2011 de nombreuses organisations internationales, même celles supposées être de tendance tiers mondiste, comme les rapports sur le climat des affaires ( Banque mondiale , CEE) le rapport du PNUD sur l’indice du développement humain et le rapport de Transparenty International sur la corruption. D’une manière générale, l’adhésion de l’Algérie à l’OMC lui imposera l’ouverture des frontières et la spécialisation accrue suscitée par la mondialisation. En effet, tant les accords avec l’Union européenne que ceux de l’OMC, prévoient de développer les échanges en mettant en place les conditions de la libéralisation progressive des échanges de biens, de services et de capitaux. Il s’ensuit que l’Algérie devra procéder au démantèlement des droits de douanes et taxes pour les produits industriels et manufacturés sur une période de transition. Tous les monopoles d’Etat devront être ajustés progressivement de manière à qu’il n’existe plus de discrimination en ce qui concerne les conditions d’approvisionnement et de commercialisation des marchandises entre les ressortissants des Etats membres. Ces accords devraient donc faire passer les industries algériennes du statut d’industries protégées à des industries totalement ouvertes à la concurrence internationale avec la suppression totale des obstacles tarifaires et non tarifaires, posant d’énormes défis aux entreprises algériennes. Si l’entrée de l’Algérie dans le cadre de l’OMC ne peut avoir que peu d’impact sur le marché du pétrole, déjà inséré dans une logique mondiale, il en va autrement de tous les produits pétroliers et gaziers qui vont être soumis à la concurrence internationale. Ainsi la dualité des prix – mesure par laquelle un gouvernement maintient des prix internes a des niveaux plus bas que ceux qui auraient été déterminés par les forces du marché et les restrictions à l’exportation – ne peut plus être de mise dans un contexte de libéralisation des échanges commerciaux est la dualité du prix du gaz pour des unités destinées à l’exportation, qui fausserait la concurrence internationale. En cas d’adhésion, les produits pétroliers, principalement les carburants, ne pourront plus bénéficier de prix brut à l’amont inférieur aux prix internationaux. L’accord insiste sur l’ouverture à la concurrence du marché des services énergétiques qui concernent toutes les activités, de l’exploration jusqu’à la mise à la disposition du produit au consommateur en passant par la production et le transport. L’environnement considéré comme un bien collectif est un domaine privilégié de coopération, l’objectif étant la préservation des équilibres écologiques, exigeant de mettre en place des normes de qualité de plus en plus strictes , l’Algérie devant s’engager à mettre progressivement en œuvre les différentes recommandations des chartes sur l’énergie et l’environnement. Autre point d’achoppement, outre le piratage intellectuel, l’importance de la sphère informelle qui dépasse plus de 50% de la superficie économique, entretenant des liens dialectiques avec la corruption et qui fausse la concurrence loyale.
3.- L’adhésion ou pas à l’OMC dépendra donc grandement des rapports de forces internes , et d’une réelle volonté clarification de la trajectoire future d’une libéralisation maitrisée de l’économie algérienne allant cers une économie de marché concurrentielle conciliant l’efficacité économique et l’équité (justice sociale) évitant cette concentration excessive du revenu national au profit d’une minorité rentière et donc une lutte efficace contre la corruption qui pend une proportion dangereuse. Ceci n’est pas une question de lois déjà nombreuses mais de pratiques sociales renvoyant à l’urgence d’une gouvernance rénovée. L’ensemble de ces contraintes, imposées tant par les accords d’association que de l’OMC pourront-elles arrimer l’économie algérienne à l’économie mondiale et jouer le rôle d’un important facteur d’entraînement du développement économique et du progrès social? C’est que la nouvelle politique économique algérienne devra mieux articuler le jeu du marché et l’action de l’Etat fondamental en tant que régulateur dans son rôle d’encadrement macroéconomique et macro social, au sein d ‘un espace équilibré et solidaire, le défi étant l’arrivée massive sur le marché du travail de millions de jeunes dans les deux prochaines décennies. La question qui se pose alors est celle de la possibilité de modifier le régime de croissance pour atteindre un double objectif, aujourd’hui apparemment contradictoire : d’une part, créer les emplois nécessaires, d’autre part, améliorer la compétitivité internationale tout en distribuant davantage de revenus, notamment par le canal de la productivité des facteurs. C’est que la structure productive actuelle rend la croissance volatile et soumise aux chocs externes, la ressource financière, l’importance des réserves de change n’étant pas synonyme de développement. La position extérieure de l’Algérie reste dominée par la faiblesse de inhérente à sa spécialisation dans les hydrocarbures, (faiblesse la production et les exportations hors hydrocarbures moins de 2% du total donc marginales et à l’intérieur de ces 2% les demi-produits ferreux et semi-ferreux et les dérivées des hydrocarbures représentant plus de 60%), n’ayant pas de prise sur ses propres comptes extérieurs, qui ne dépendent que des cours du pétrole/gaz et du taux de change du dollar, le PIB par habitant évoluant de manière chaotique. Disposant d’une richesse naturelle éphémère, celle-ci étant amenée à s’épuiser, l’Algérie doit à la fois préserver cette ressource pour les générations futures et progressivement trouver des sources de revenus différents. Il s’ensuit que les niveaux de croissance nécessaires pour entraîner une amélioration significative de la situation, estimés à 8/9% par an jusqu’en 2012/2020, semblent difficiles à atteindre à court terme. Pourtant, la concrétisation des réformes, étant dans cette interminable transition depuis 1986, (neutralisation des rapports de force autour de la distribution de la rente qui permet une cohésion sociale fictive), par une meilleure gouvernance et visibilité dans la démarche, menée avec détermination et pragmatisme, devrait permettre à l’Algérie, du fait de ses potentialités et de sa situation géographique, de jouer le rôle de pays pivot au niveau de la région passant d’ailleurs par l’intégration du Maghreb, pont entre l’Europe et l’Afrique. Il ne faut pas vendre des utopies comme ces anciennes déclarations de responsables gouvernementaux repris avec fracas par la télévision officielle ENTV, que l’Algérie serait membre de l’OMC en 2009, puis autre déclaration en 2010. Selon mes informations, à moins d’un changement notable de politique économique, l’adhésion à l’organisation mondiale du commerce de l’Algérie qui est observateur depuis le 03 juin 1987 ne sera ni pour 2012 ni pour 2013.
Dr. Abderrahmane MEBTOUL