Profondément attaché à l’Algérie où il obtient la nationalité, Mgr Teissier a reçu une distinction de chevalier de la Légion d’honneur en juillet 2007.
Auteur de plusieurs ouvrages, archevêque d’Alger de 1988 jusqu’à 2008, Mgr Teissier a bien voulu répondre à quelques-unes de nos questions de l’actualité nationale et internationale.
L’Expression: Monseigneur Henri Teissier, le dialogue islamo- chrétien revient souvent sur la scène. Qu’en est-il de l’importance de ce dialogue?
Henri Teissier: Je crois que la déclaration qui vient d’être faite par le nouveau ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, M.Mohamed Aïssa, nous montre que les responsables des religions en Algérie, ont l’intention de promouvoir ce dialogue. M.le ministre a dit que je suis le ministre des Affaires religieuses et non pas des affaires musulmanes et j’entends bien donner place aux autres traditions qui sont actuellement en Algérie.
Le fait que ce soir, on se retrouve entre 60 et 70 personnes à débattre sur ce thème, ça prouve qu’il intéresse et qu’on cherche à trouver comment développer ce dialogue. Donc, si on cherche comment le développer, c’est qu’on a de l’appétit pour le dialogue.
Estimez-vous que le pouvoir politique a suffisamment tiré des leçons du passé, afin d’éviter un retour vers ce qu’on a vécu dans la décennie noire?
J’ai fait une autre expérience depuis une dizaine d’années. J’ai travaillé sur la restauration de la basilique de Notre-Dame d’Afrique d’Hippone avec les autorités. J’ai demandé d’abord, à la wilaya d’Alger et à la wilaya de Annaba et j’ai eu aussi à convaincre les autorités françaises du sud de la Méditerranée. Puisque les autorités européennes qui avaient construit ce bâtiment, sont maintenant des citoyens du sud de la Méditerranée, on m’a répondu du côté sud de la France. La France est laïque et n’a pas le droit de s’engager dans ce genre de bâtiments.
Je leur ai répondu qu’il y a eu un million d’Européens qui ont habité sur cette côte et ont laissé ces monuments et vous considérez que leur patrimoine ne vous concerne pas et finalement, on a pu obtenir une vraie collaboration entre les Français qui se cachaient derrière leur laïcité et les Algériens qui auraient pu dire que nous sommes musulmans et nous ne nous occupons pas des églises. Il y a eu un travail intéressant entre la ville de Marseille, la région Paca et plus, la wilaya d’Alger et les entreprises algériennes qui ont réalisé ces travaux à Alger comme à Annaba. Cela montre que si on s’engage, on arrive à dépasser les susceptibilités politiques pour rassembler les hommes, afin de construire un avenir et un patrimoine qui intéresse le public.
Peut-on dire que les personnages comme saint Augustin, Charles de Foucauld, Henri Teissier, peuvent constituer aujourd’hui des ponts pour la paix et le dialogue des religions?
En ce qui concerne monseigneur Henri Teissier, attendez qu’il soit mort et on verra son héritage…(sourire). Mais pour saint Augustin comme vous l’avez su, le président de la République a organisé en 2001 un grand colloque international, «Africanité et universalité de saint Augustin» avec des spécialistes qui sont venus depuis le Japon et le Chili et je crois qu’à cette occasion il y a eu un double message, un message aux Algériens où le président a dit que saint Augustin est un chrétien de la généalogie des Algériens, et un message qui a été adressé à tous ces spécialistes qui, peut-être, avaient oublié que saint Augustin est né en terre numide et par conséquent il appartenait à la culture et monde universels.
Y a-t-il réellement un problème de religions qui sépare les peuples d’où l’instabilité politique de nos jours?
Le problème n’est pas une lutte entre les religions. Mais dans la qualité de vie religieuse personnelle de chaque croyant. Si chaque croyant se met sous l’influence de l’action de Dieu en lui, il progressera vers la paix et la reconnaissance de ses frères. Les religions ne seront plus la cause de la division, mais au contraire de l’unité. Car, Dieu que nous cherchons est unique.
Un message ou un appel pour la paix entre les communautés pour conclure?
On m’invite souvent en France et c’est au moins une cinquantaine d’exposés que j’ai donnés ces dernières années dans différentes villes de France pour leur faire comprendre que nous vivions dans une relation fraternelle avec les Algériens. Et je rencontre très peu d’opposition. Je pense que mes auditeurs attendaient ce message et j’ai été heureux de donner mon témoignage.