«Les populations arabes veulent en finir avec cette exception qui fait d’eux des hommes soumis. Les citoyens arabes veulent choisir ceux qui les gouvernent. Leurs revendications sont politiques.»
Ces propos ne sont pas ceux d’un officiel américain ou d’un responsable d’ONG de protection des droits de l’homme. Leur auteur n’est autre que le prince marocain Hicham El Alaoui qui s’exprimait, jeudi, sur le plateau de France 24. Le cousin de Mohammed VI a résumé en quelques mots l’état d’esprit et la volonté de changement qu’ont en commun des millions de personnes à travers le monde arabe.
De Sanaâ à Rabat, en passant par Manama, Mascate, Damas et Benghazi, tous ceux qui sortent braver la répression des régimes en place ne souhaitent qu’une seule chose : un changement démocratique. Aujourd’hui, il n’est plus question de douter. Les révolutions tunisienne et égyptienne ont prouvé que tout est possible. Les régimes de Ben Ali et de Moubarak sont tombés, pourquoi pas les autres ?
T. H.
TUNISIE
À la Gandhi
La rue tunisienne est toujours en effervescence. Hier, des islamistes ont manifesté à Tunis pour réclamer… la fermeture de toutes les maisons closes du pays.
«Partis de l’avenue Habib-Bourguiba dans le centre de Tunis, les manifestants ont arpenté la rue jusqu’au ministère de l’Intérieur dont les accès sont bloqués par l’armée et entourés de barbelés avec des blindés légers positionnés devant le bâtiment. Le groupe de manifestants dans lequel se trouvaient également des femmes s’est scindé en deux : un groupe est resté posté devant le ministère tandis que l’autre recommençait à défiler», rapporte l’Agence France presse.
Depuis la chute du régime de ine El Abidine Ben Ali, le 14 janvier, les Tunisiens n’hésitent plus à prendre d’assaut les espaces publics pour faire part de leurs revendications. Forcé à l’exil avec les membres de sa famille, Ben Ali a été hospitalisé en urgence dans un hôpital de Djedda, sa nouvelle ville de résidence, après avoir été victime d’une attaque cérébrale. Selon de hauts responsables saoudiens, l’ex-président tunisien est dans le coma depuis jeudi dernier
Le mouvement pacifique en Tunisie continue de susciter des réactions à travers le monde. Hier, le dalaï lama, chef spirituel des Tibétains, a rendu hommage à la révolution du jasmin. «Il y a très longtemps, des Philippines au Chili, un mouvement populaire de paix a vraiment apporté beaucoup de changements. Aujourd’hui, la même chose s’est produite en Égypte et en Tunisie sans un seul coup de feu tiré par les manifestants. Les choses changent. Ils (les manifestants) suivent le principe de la non-violence », a déclaré le dalaï lama, qui s’exprimait à partir de Bombay.
T. H
MAROC
Le royaume retient son souffle
Plus que 24 heures avant la marche pacifique pour le changement à laquelle ont appelé de jeunes Marocains à travers les réseaux sociaux d’internet.
L’initiative, qui porte aujourd’hui le nom de Mouvement du 20 février, est soutenue par des milliers de Marocains et même par certaines organisations politiques. C’est notamment le cas d’une organisation des jeunes affiliée au parti islamiste Justice et bienfaisance (El Adl oual ihsane). Des marches devraient être organisées dans les principales villes du pays et même dans certaines capitales occidentales.
Ces derniers jours, les autorités marocaines ont pris des dispositions pour tenter de «contenir» cette marche pacifique. A ce titre, on annonce plusieurs arrestations dans les rangs des organisateurs. Mais ces jeunes pourront compter sur le soutien du prince Hicham El Alaoui, cousin du roi Mohammed VI.
Jeudi, lors d’une interview accordée à la chaîne d’information en continu France 24, le prince Hicham a déclaré adhérer à toute initiative qui conduirait à la «démocratisation du système politique». «J’adhère à toute initiative, à toute démarche qui permette la démocratisation du système politique. Il faut, bien sûr, que tout mouvement en ce sens soit pacifique et tolérant. Il me semble que ce mouvement regroupe toutes ces conditions et, donc, j’y adhère», a-t-il dit en faisant part de son admiration pour les jeunes qui ont lancé ce mouvement.
T. H.
LIBYE
Benghazi la rebelle
Le mouvement de protestation qui secoue la Libye depuis mardi s’est poursuivi hier. Plusieurs morts sont déplorés dans les rangs des manifestants.
Selon des informations rapportées par l’organisation Human Rights Watch depuis son bureau du Caire, en Égypte, la vague de répression a causé la mort de 24 personnes en quelques jours. La répression a été particulièrement violente à Benghazi, devenue le centre de la rébellion anti- Kadhafi. Certaines informations font également état de l’assassinat de plusieurs personnes, notamment des enfants. A Benghazi, une jeune fille a été abattue par un sniper alors qu’elle filmait les manifestations.
«Les attaques sauvages des forces de sécurité sur des manifestants pacifiques révèlent la réalité de la brutalité de Mouammar Kadhafi face à toute contestation interne», a dénoncé Sarah Leah Whitson, responsable de l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW) pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. A Baïda, ville de l’est de la Libye, des heurts ont opposé les membres de tribus nomades aux comités populaires, milices relevant du régime. La situation aurait atteint un point de non-retour dans cette région, puisque ces tribus exigeraient leur «indépendance » vis-à-vis du pouvoir central. Hier après-midi, tous les moyens de communication ont été coupé avec la région de Baïda.
A Tripoli, capitale de la Libye, les pro-Kadhafi ont décidé de passer à l’action. Ainsi, les comités révolutionnaires ont menacé hier les manifestants, qu’ils qualifient «d’aventuriers» d’une riposte «violente et foudroyante». Selon eux, toute «tentative de toucher aux lignes rouges serait un suicide ». Par ailleurs, un nombre important de prisonniers se seraient enfuis à Benghazi. L’AFP, qui reprend des sources libyennes, fait état de l’évasion d’un millier de prisonniers de la prison d’Al-Kuifiya. Les services de sécurité auraient toutefois réussi à rattraper 150 d’entre eux. A la prison de Jdeida, à Tripoli, trois prisonniers auraient été tués par des gardiens lors d’une mutinerie.
Echaudées par l’épisode tunisien, les autorités françaises ont décidé, hier, de suspendre les autorisations de matériel sécuritaire au profit de la Libye et du Bahreïn. «Les autorisations avaient été suspendues, hier, pour l’exportation de matériel sécuritaire à destination de Bahreïn et de la Libye», a déclaré Bernard Valero, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.
T. H.