Chaque peuple a des valeurs et des principes qui font partie d’un ensemble plus grand.
A son départ de l’aéroport Houari-Boumediene, M.Al Jarwan a déclaré aux journalistes que «l’attachement du citoyen arabe à sa terre, à ses valeurs et à ses principes ainsi que le soutien des peuples arabes à leurs dirigeants permettront d’affronter la violente tempête qui frappe la région arabe». M.Al-Jarwan, c’est le président du Parlement arabe et il est aussi membre du Conseil national de l’Union des Emirats arabes unis.
Il ne fait pas de doute que, M.Al Jarwan doit bénéficier de tout le respect dû à sa fonction, à sa personne et à son rang et nul ne pourrait contester cela. Néanmoins, cette déclaration nécessite quelques remarques qu’il serait utile de préciser.
De l’attachement à la terre
Le citoyen arabe a, de tout temps, défendu sa terre comme il se doit. Il suffit de rappeler les moult révoltes et guerres de libération qu’a connues le Monde arabe contre les colons et autres agresseurs pour se rendre compte de l’ampleur d’un tel acharnement à garder sa terre ce qui n’est, au fond, qu’un besoin naturel, inné, que ressent tout être normal à l’égard de l’endroit où il est né, où il vit et où, la majorité l’espère, il sera enterré.
En cela donc, il n’y a aucune différence entre le citoyen arabe, italien, tchèque ou autre. Tout le monde tient à son territoire.
Les Arabes n’ont l’exclusivité de ce sentiment ni parmi les hommes ni dans le règne animal puisque, et c’est l’une des premières choses qu’on nous a apprises, les animaux délimitent et défendent leurs territoires.
Mais est-ce que défendre son pays est la seule manière d’exprimer son attachement à sa terre? Suffit-il de défendre son territoire contre les agresseurs ou de dire «j’aime mon pays» pour être catalogué patriote en chef et encensé avec les plus enivrants des discours?
Notre conception, à nous Arabes, de l’attachement à la terre est malheureusement archaïque. Les jours de fêtes nationales, on met les radios à fond sur des hymnes à la patrie, toute la journée, histoire d’avoir la dose suffisante pour n’y revenir que l’année d’après, à la même occasion. Et entre les deux dates anniversaire des réalisations de nos ancêtres, nous nous débrouillons pour enfoncer notre pays, chaque jour un peu plus, dans la misère du sous-développement ou dans la mare de l’humanité.
Ceux qui ont une conception correcte de l’attachement à la terre sont ceux qui ne cessent d’oeuvrer pour que leur terre, leur pays, leur société, s’éloignent du risque de dégringoler dans la hiérarchie du monde. Ce sont ceux qui ne lésinent pas sur les moyens lorsqu’il s’agit de faire progresser la société et les citoyens. Ils s’acharnent à rendre leur terre toujours plus belle et meilleure à vivre.
Entre le citoyen et sa patrie, il ne peut être question d’amour platonique.
Les chansons patriotiques et les musiques de fêtes ne sont ni suffisantes pour donner à manger aux peuples ni adéquates pour pousser les pays de l’avant. Elles ne donnent même pas une idée juste du patriotisme des citoyens depuis qu’elles ont été confisquées pour les besoins des gouvernants et leurs campagnes marketing.
La terre d’un homme nest pas seulement l’endroit dans lequel il vit, et son attachement à cette terre n’est pas uniquement sa disposition à la défendre car, encore, faut-il qu’il aide cette terre à progresser et à aller de l’avant.
De l’attachement du citoyen arabe à ses valeurs et à ses principes
Or, pour cela, le rôle des dirigeants est primordial. Si l’Occident a pu atteindre le niveau de développement qu’il connait aujourd’hui c’est d’abord grâce à ses dirigeants qui ont su oeuvrer honnêtement pour le bien de leurs pays respectifs. Et lorsqu’en haut on travaille, ceux d’en bas ne peuvent que suivre. Mais lorsqu’en haut, on s’amuse à laisser passer le temps sans rien faire et qu’on tourne le dos aux citoyens, là il ne faut pas sortir de Harvard pour savoir que le citoyen d’en bas ne saurait pas ce que l’attachement à la terre voudrait dire, car ce sont les dirigeants qui font travailler les peuples et pas l’inverse.
Chaque peuple a des valeurs et des principes qui font partie d’un ensemble plus grand: sa culture. Et chaque peuple tient à sa culture tant qu’elle existe bien sûr. Dans les pays arabes ou dans la majorité d’entre eux, les valeurs ont été changées et les principes sont devenus méconnaissables. Les dirigeants bien sûr, mais pas seulement, sont pour beaucoup dans ce qui nous arrive!
Le déracinement des repères de la société qui est nôtre a précipité la destruction de ce qui nous servait de principes et le désir d’imiter «la démarche de la perdrix a définitivement enseveli notre propre démarche» comme disaient nos grands-pères. Nous ne savons plus qui nous sommes en ce monde qui ne nous ressemble en rien et en lequel nous ne nous reconnaissons point.
A quelles valeurs devrions-nous nous attacher? A celles qui avaient fait de nous des gens pauvres mais normaux ou celles qui font de nous de riches prétendus gens modernes?
Non, les valeurs et les principes, il faut chercher ailleurs, depuis que la Palestine a été totalement abandonnée par les siens, c’est-à-dire nous. Depuis que nous avons fait porter à la religion nos méprisables bêtises. Depuis que le pouvoir nous a appris à haïr les autres, à les égorger, à détruire des pays entiers, à courir au secours des bourreaux, à tirer sur les morts et à pendre les pendus, trois fois chaque jour, car la mort est devenue notre somnifère.
De quelles principes et de quelles valeurs pouvons-nous encore parler après avoir offert des Républiques en héritage? De quels principes devons-nous parler après avoir applaudi à la division éhontée du Soudan? De quels principes parlons-nous après avoir soutenu, au nom de la civilisation, la déstabilisation de nos frères arabes de Libye, de Syrie, de l’Irak, etc…? Et on en passe.
En réalité, les Arabes sont ceux qui manifestent le plus leur attachement à leurs dirigeants. N’est-ce pas que nous sommes les seuls au monde qui chantons et dansons au passage de nos dirigeants lorsqu’ils sortent de leurs bureaux? Ne sommes-nous pas les seuls à leur jeter des fleurs dans leur sommeil lorsqu’ils dorment? Ne sommes-nous pas les seuls au monde à lancer des youyous lorsque nous voyons nos dirigeants? Et à quoi cela nous a-t-il servi? A développer nos pays? Non! A rester à la traîne de l’humanité? Certainement!
De l’attachement aux dirigeants
En principe, nul n’a à manifester d’attachement à ses dirigeants car l’attachement est au pays, aux institutions, pas aux hommes qui, au fond, ne sont que des hommes qui partent et qui s’en vont, sans doute, un jour.
Notre problème justement à nous, Arabes, c’est que nous vouons un attachement sans bornes aux hommes et nous ne prenons même pas le temps de regarder les institutions. Notre perception de la relation dirigeants-dirigés est, elle aussi, très archaïque. Elle est dépassée, périmée. La légitimité a été révisée ailleurs, pourquoi chez nous ne l’a-t-elle pas été? Quelle est donc cette légitimité qui fait que… et que… et que…
Bref, il appartient aux dirigeants de regarder leurs peuples et pas l’inverse. Quant à la fameuse «tempête» qui frapperait les pays arabes, là aussi il faudrait peut-être que nos dirigeants se réveillent et qu’ils regardent là où il faut, c’est-à-dire ailleurs que leur ventre!