Mokrane Ait Larbi adresse une lettre aux magistrats

Mokrane Ait Larbi adresse une lettre aux magistrats

Dans un post publié ce mardi sur sa page Facebook, l’avocat et militant des droits de l’Homme, Mokrane Ait Larbi, a adressé une lettre aux magistrats (en grève depuis 3 jours) dans laquelle, il les interoge sur l’incarcération des détenus du Hirak.

« Pour la première fois dans votre histoire, vous avez décidé d’une grève qui a été suivie par 98% des magistrats. Ce taux de suivi est la prouve incontestable de la souffrance et des pressions exercées par le pouvoir politique par le biais du ministère de la Justice », a écrit Me Ait Larbi.

« Comme d’habitude, je vous soutiens dans vos revendications socio-professionnelles, et particulièrement, celles en lien avec l’indépendance de la Justice. Je pense que le peuple, au nom duquel vous jugez, et en l’absence de sa volonté, vous soutiendra dans toutes vos revendications, si votre premier et dernier objectif est d’établir la justice parmi la population, sans discrimination aucune, et de rejeter les instructions illégales, quelle que soit leur émanation », a ajouté l’avocat.

« La justice de « Allah Ghaleb », la justice de la nuit et la justice du téléphone est l’œuvre de certains d’entre eux (les magistrats), en raison des ambitions personnelles de certains, sans généraliser. Jusqu’à récemment, votre syndicat défendait le ministère (de la Justice) plus que les juges, afin de préserver les intérêts personnels et immédiats », a-t-il estimé.

« La chambre d’accusation de la Cour de Tipaza et du tribunal d’Annaba ont décidé d’appliquer la loi et non des instructions et des pressions. Le premier a libéré un prisonnier d’opinion et le second a acquitté un autre détenu pour avoir brandi le drapeau Amazigh », a rappelé Me Ait Larbi.

« Pourquoi certains d’entre vous rejettent les instructions et d’autres les acceptent? Comment expliquez-vous la libération du détenu d’opinion Karim Tabbou par un juge et sa remise en détention le lendemain par une ordonnance d’un autre juge en raison des mêmes faits, les deux juges appartiennent au même ministère et sont soumis à la même pression? N’est-t-elle pas une question résistance et de soumission. Quelle est la différence entre le juge du tribunal d’Annaba, qui a déclaré un détenu innocent à cause du drapeau Amazigh et le juge du tribunal de Bordj Bou Arreridj, qui a condamné un médecin à 18 mois de prison pour la même raison? N’est-ce pas une question de personnes plus qu’une question de pressions et d’instructions? », s’est demandé l’avocat.

« Comment justifiez-vous l’incarcération d’un héros de la révolution de libération, le Moudjahid Lakhdar Bouregaâ, à l’âge de 86 ans à cause de ce mot? », a interrogé encore Me Ait Larbi les magistrats.

« Aujourd’hui, au lieu de rechercher l’indépendance de la justice par rapport au pouvoir exécutif, qu’est-ce qui vous empêche de déclarer officiellement l’indépendance de la justice au nom de tous les juges, en rejetant les instructions dans le domaine du travail judiciaire et, ne se soumettre qu’à la loi et à la conscience? Et pourquoi ne demandez-vous pas dès maintenant l’abrogation de toutes les lois qui entravent l’indépendance de la justice? Si vous le faites de manière solidaire et unie, que peut faire le ministère contre tous les magistrats de la République? » a encore ajouté Me Ait Larbi

« Vous êtes une autorité judiciaire et vous n’avez d’autorité que la primauté de la loi. Vous devez exercer votre autorité conformément aux principes d’indépendance et de responsabilité », a-t-il indiqué, ajoutant « Je sais, après avoir exercé pendant longtemps la profession d’avocat, que contrairement à ce qui se dit, la plupart des juges sont justes et compétents. Malgré les circonstances difficiles, ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour s’acquitter de leurs tâches. Je sais aussi que certains d’entre vous préfèrent appliquer les instructions au détriment de la loi et des principes de justice pour des raisons que je ne comprends pas. »

Pour Me Ait Larbi , « l’indépendance de la Justice ne vient pas par décret, mais elle nécessite une culture d’indépendance, de résistance et de sacrifice. »

« Quoi qu’il en soit, je suis solidaire avec vous das vos revendications, en particulier en ce qui concerne l’indépendance de la justice, car c’est le fondement de la garantie des libertés et des droits pour lesquels je me bats depuis des décennies », a conclu le militant des droits de l’homme.