Mokhtar felioune «Le ministère est en voie de trouver une solution aux problèmes découlant du casier judiciaire»

Mokhtar felioune «Le ministère est en voie de trouver une solution aux problèmes découlant du casier judiciaire»

La réinsertion des détenus constitue une des priorités du gouvernement algérien. C’est en filigrane ce que nous explique le premier responsable de ce sensible organisme pour argumenter les mesures prises par le gouvernement en direction de cette frange de la population.

Il revient sur les grands axes de ces mesures et le rôle d’applicateurs auquel se dévouent tous les employés au sein de son organisme.

A la lecture des statistiques, il semble que le sujet de la réinsertion est sérieusement pris en charge par votre organisme ; dans ce contexte, le casier judiciaire ne pose-t-il pas problème ?

Effectivement, mais il faut louer les efforts consentis par le ministère de la Justice en vue de parer à cet obstacle auquel sont confrontés les détenus dans leur quête d’une place au sein de la société.

Mais vous avez constaté que la réinsertion des détenus a atteint un stade de maturité grâce au programme diversifié élaboré en direction des détenus désireux de renouer avec la vie active et positive au sein de la société et ce au travers des enseignements et formation prodigués.

Le nombre est en constante progression depuis 2003 et les résultats obtenus sont encourageants, notamment concernant les examens du bac et autre formation professionnelle. Ces résultats sont un signe révélateur des efforts consentis mais également d’une grande adhésion des détenus. Pour concrétiser ces résultats sur le terrain et donner corps aux formations, le ministère de la Justice a créé les services extérieurs chargés, entre autres,

de soutenir, d’accompagner et d’assister les détenus pour mettre en pratique les théories et les enseignements reçus et accéder aux crédits bancaires. Ces derniers conseillent, écoutent et orientent les détenus détenteurs de diplômes ou ceux qui désirent, après une courte détention, entamer une formation professionnelle.

Est-il question de créations d’entreprises ?

Oui bien sûr et cela s’inscrit dans le cadre des diverses conventions paraphées avec les organismes tels que l’Ansej, l’Angem, l’ADS et bien d’autres organismes en charge de fournir les aides financières et autres soutiens aux couches démunies dont les détenus. Le nombre de détenus ayant bénéficié de ces dispositifs est important. Au sujet de l’octroi d’un emploi, il faut reconnaître que le casier judiciaire constitue un obstacle majeur, surtout lorsqu’il s’agit d’emplois permanents.

Afin de mettre fin à ces obstacles, le ministre de la Justice, Garde des sceaux a procédé à l’installation d’un groupe de travail et de réflexion sur la question du casier judiciaire. Plusieurs propositions ont été émises aux fins d’atténuer les effets négatifs du casier judiciaire de telle façon que le document en question ne soit plus un obstacle pour les détenus en phase finale de réinsertion sociale. Il convient de rappeler qu’il y a une ordonnance de 1992 qui interdit aux employeurs de refuser une demande d’emploi à une personne condamnée mais lui donne le droit d’apprécier la qualité de l’emploi demandé par

l’ex-détenu toutes catégories confondues qui, après avoir purgé sa peine, devrait y avoir droit au même titre que tous les citoyens algériens. La nature du poste de travail convoité par l’ex-détenu est laissée à l’appréciation de l’employeur.

Malgré ces textes de lois, des cas de refus sont malheureusement constatés çà et là. C’est pour mettre fin à ces refus que le ministre de la Justice a organisé et mis en place le groupe de travail et de réflexion et qui sera pluridisciplinaire.

En évoquant le sujet de la réinsertion, nous faisons référence aux détenus ayant suivi des formations ou ayant bénéficié d’enseignement ; qu’en est-il pour les personnes qui font face à toutes les difficultés pour rejoindre leur poste de travail après avoir subi une détention préventive et pour certains ont été acquittés ou ont bénéficié de non-lieu ?

Ce n’est pas le même cas car la détention préventive ne paraît pas sur le casier judiciaire mais uniquement les condamnations.

Quelle est votre lecture des cas de récidive dans la catégorie des mineurs et des adultes et quelles en sont, d’après vous, les raisons ?

Il est juste de préciser que le nombre de mineurs incarcérés au sein des différents établissements pénitentiaires est d’environ de 620 ou 640 et le taux de récidivistes est de 42%, et ce chiffre est en deçà du nombre enregistré dans d’autres pays. La réinsertion des détenus devrait avoir un effet dissuasif auprès des récidivistes.

En ce sens, il ne faut pas perdre de vue le grand nombre de détenus qui ne sont jamais revenus en prison, à l’instar de ceux qui ont obtenu le bac, le BEM ou bénéficié de grâce ou de liberté conditionnelle.

Voudriez-vous nous révéler le nombre de services extérieurs sur le territoire national ?

Pour l’instant, 4 services sont opérationnels tandis que 10 autres sont en voie de l’être. Cela va sans dire que ces services seront étendus à toutes les régions d’Algérie.

Votre administration est tributaire de grandes dépenses, et dans ce sens, voulez-vous nous révéler le montant du budget qui vous est alloué ?

Il n’est pas important, contrairement à ce que vous croyez. Mais je tiens à vous dire que le budget de fonctionnement a connu une légère hausse sur 3 volets. Le premier concerne la prise en charge médicale, notamment pour l’acquisition d’équipements médicaux (ambulances, appareils dentaires, etc.) et de produits pharmaceutiques.

Ce volet a connu une augmentation de 300% entre 2003 et 2010. Le deuxième a trait à l’enseignement et cette légère augmentation vient amortir les frais inhérents à la scolarisation et à la formation professionnelle des détenus. Le troisième volet est relatif aux conditions de détention.

Quel est le coût de la prise en charge des détenus ?

Le coût de revient diffère d’un cas à un autre mais ce que je tiens à souligner c’est que nous sommes une administration qui contribue au budget de l’Etat. Il sied de vous préciser que beaucoup de détenus sont employés au sein d’offices qui relèvent du ministère de la Justice et qui approvisionnent en matériels et mobiliers de bureau.

Il convient de vous informer que nous possédons également une imprimerie, nous fabriquons toute la literie des prisons, nous confectionnons les tenues pénales et tout cela contribue aux caisses du Trésor. Nous possédons aussi environ 8 fermes agricoles que nous gérons à travers le territoire national et qui emploient environ 800 détenus.

Quelle est la nature des relations que vous entretenez avec les associations dans le cadre du suivi des détenus ?

Sur ce volet, nous sommes satisfaits et ce n’est qu’en 2003 que nous avons sollicité l’aide de la société civile, et à ce jour, environ 65 associations travaillent de concert avec nous.

C’est un chiffre important et qui exprime clairement l’intérêt que portent ces associations au programme de réinsertion et dénote l’esprit ancestral de solidarité des Algériens.

Ces associations effectuent des visites aux prisons, participent aux activités multiples organisées au sein des établissements pénitentiaires et assistent les détenus après leur libération.

En un mot, il est louable de constater qu’une grande partie de la composante de la société adhère à la politique de réinsertion des détenus. Pour finir, je peux vous dire que le système pénitentiaire algérien est en développement constant.

D. Mentouri