Mokhtar Chahboub, expert de la branche, à « Liberté »: “L’industrie manufacturière à remettre sur les rails”

Mokhtar Chahboub, expert de la branche, à « Liberté »: “L’industrie manufacturière à remettre sur les rails”

L’expert estime qu’il est urgent d’avoir une stratégie claire, plutôt que de rester dans le vague des simples constats.

Liberté : Quel constat faites-vous de l’industrie nationale ?

Mokhtar Chahboub : Le constat a été dressé. Il est connu. Et les problèmes dont souffre l’industrie le sont aussi. Mais pour comprendre le présent (la situation actuelle de l’industrie), il faut faire des retours dans le passé.

Le secteur industriel a été mis à mal par la libéralisation de l’économie. Il n’a pas été épargné des conséquences que l’ouverture du marché a produites. Une libéralisation sans garde-fou aura un effet destructeur.

Tout le monde connaît la situation des entreprises publiques. Et c’est dans ce contexte libéral que le marché de l’automobile, par exemple, avec ses imperfections, a évolué. Je parle ici d’une filière que je connais. Les autres branches ne sont pas non plus au mieux de leur forme.

Dans l’automobile, cinquante marques, souvent, pas adaptées aux normes, émanant de différents pays, ont pris pied sur le marché. Et il aura fallu attendre 2015 pour que les pouvoirs publics décident de mettre de l’ordre dans le marché, en élaborant un cahier des charges où sont consignées certaines normes et en exigeant des constructeurs d’investir dans des branches industrielles.

Et les opérateurs, qui ne s’y conforment pas, se verront retirer leur agrément. Au-delà de ces incohérences, il est, à mon sens, urgent d’avoir une stratégie claire en matière industrielle, et d’aller de l’avant parce que le temps presse, plutôt que de rester dans le vague des simples constats.

Quel doit être, selon vous, l’ordre des priorités dans l’industrie ?

Il y a aujourd’hui toute l’industrie manufacturière qu’il faut remettre sur les rails, la promouvoir, en l’inscrivant dans une nouvelle stratégie qui prenne en compte les besoins du marché local, tout en faisant des projections à l’international. Mais dans la dynamique de l’élaboration d’une politique industrielle, il y a, à mon avis, trois filières qu’il faut développer en priorité. Il s’agit de l’automobile, de l’électronique et de la production pharmaceutique, en y associant, autant que nécessaire, une foultitude de sous-traitants, notamment dans l’industrie automobile.

Dans le domaine de la sous-traitance, il y a des entreprises issues du secteur public. Il y a également des sous-traitants privés. La sous-traitance dont on parle beaucoup ces derniers temps ne peut, toutefois, se développer que si elle est intégrée dans une dynamique plus globale. Grandes entreprises et petites entreprises doivent travailler en collaboration plus étroite. Ce sont elles qui vont apporter de la valeur à l’industrie.

Certaines filières à l’image de la pharmacie sont saturées, des investissements massifs ayant été injectés, ces quinze dernières années…

Il ne faut pas analyser la filière sous l’angle du marché local, mais se projeter dans l’avenir, en créant des entreprises portées sur l’international. Cela est valable pour l’ensemble des branches industrielles. Elles sont appelées à travailler à se faire une place sur des marchés régionaux et internationaux.