CONSTANTINE – Superposés sur le vieux rocher ou éparpillés aux abords de la ville de Constantine, une multitude de vestiges préhistoriques, puniques, antiques ou islamiques renseignent sur une présence humaine ininterrompue, élevant aujourd’hui la capitale de la Numidie potentiellement au rang de pôle culturel majeur.
Cette ville « représente à elle seule toute l’histoire de l’Algérie et recèle un potentiel culturel énorme, malheureusement inexploité », regrette Ahmed, retraité du secteur de la Culture qui ne rechigne jamais à se porter volontaire pour faire visiter la médina de Constantine.
Dans le musée Cirta, petit édifice qui semble trop exiguë pour contenir sa collection, des objets du quotidien, taillés dans le silex ou en terre cuite, attestent de la présence humaine dans les environs de la ville depuis la préhistoire.
Non loin du site archéologique de Tiddis, des grottes de la période Protohistorique, portant des traces d’aménagements (niches et toitures extérieures) et de gravures supposées être de l’époque capsienne (entre 8500 et 5400 av.JC) témoignent des premiers hommes vivant en communauté aux abords du Ruhmel, bien avant les premières civilisations.
De l’antiquité, la ville garde encore des vestiges numides en parfait état de conservation comme les dolmens et les bazinas en plus du monument funéraire royal de l’Aguelid Massinissa, édifice imposant en pierre de taille, situé à El Khroub, et qui annonçait la proximité de l’antique Cirta aux voyageurs d’il y a deux mille ans.
Cette Numidie unifiée se raconte au musée Cirta à travers la quantité impressionnante de pièces de monnaie et de fragments de poterie qui y sont exposées et les ossements et mobilier funéraire de l’Aguelid, mais aussi à travers les gravures de divinité comme Baal Hammon ou Tanit.
La période romaine de la région prend forme dans le site de Tiddis, une fortification romaine, construite sur le flan d’une montagne faisant face à l’emplacement de Cirta, où les aspects économiques, culturels et architecturaux de l’ère romaine sont visibles à l’initié comme au profane.
Sur place, pas de notices ni autres supports de communication, mais des guides qui tentent tant bien que mal d’aider les visiteurs à reconstituer dans leur imaginaire le mode de vie de l’époque et l’aspect initial des lieux, tout en détaillant, au passage, qui les techniques de construction qui les coutumes et cérémonies de cette période lointaine de l’histoire de la région.
Des vestiges du commerce de la poterie, de l’huile d’olive ou encore du blé sont aussi visibles ainsi que les édifices et temples érigés à la gloire de divinités de l’antiquité -tel que Mithra ou Cérès- dans ce castellum modifié plus tard par les byzantins, qui y ont ajouté entre autres des tours de surveillance.
Sur le vieux rocher, les monuments et édifices les plus récents sont tout de même plusieurs fois centenaires, sans compter les lieux de culte musulmans puis ottomans remontant au moins au 13e siècle.
Grand symbole du vieux rocher, l’héritage du bey bâtisseur Salah Bey (1725-1792) à l’origine de la construction de nombre de mosquées et de medersas, d’un nouveau quartier pour les citadins de confession juive et de nouveaux marchés commerciaux, est –on l’a constaté– jalousement préservé par les Constantinois, grands adeptes de symboles car sans doute attachés à cette ville pas comme les autres mais dont le rayonnement d’antan reste à réveiller, à « déterrer » diront les archéologues.
Ahmed Bey, dernier bey de Constantine et incarnation de la résistance aux assauts de l’armée coloniale a aussi laissé aux générations futures un joyau architectural, le palais du bey, inauguré en 1835, un édifice organisé autour de deux jardins spacieux qui font encore sa renommée.
Mais la ville cache encore dans son sous-sol des vestiges des premières constructions aux abords du Rhumel, des passages sous terrains inexplorés et d’autres traces de l’antique Cirta où les archéologues pressentent la présence, comme à Alger, d’une superposition de vestiges de toutes les civilisations qui s’y sont succédé.