L’association Affak El Andalous a organisé samedi une sortie scientifique pour les étudiants du département d’architecture. Objectif : découvrir les sites et monuments de Beni Snous.
Encadrés par des enseignants, notamment l’architecte Chiali Abdessamad, les érudiants ont apprécié l’initiative et fait connaissance pour la première fois, pour la plupart, avec toute cette région qui a gardé ses racines amazighes depuis la nuit des temps et qui est connue pour avoir enfanté le célèbre roi Chenchnak. Lors de cette « expédition », l’architecte Chiali a donné de larges explications sur cette région qui fut habitée depuis des siècles par des troglodytes, des Amazighs, avant d’être conquise par les Romains. Il a donné aussi des explications sur le paradigme de l’architecture de la mosquée de Tafessera, l’une des plus vieilles d’Algérie. Selon Chiali, elle fut construite durant la même période que celle d’Okba de Biskra. Cet édifice porte le nom de Sidi Abdellah Ben Djafar. On y accède par une cour dont la partie gauche sert de prière avec son mihrab creusé dans le mur d’enceinte et, au fond, les latrines, qui étaient alimentées en eau courante par un petit canal venant de la source située juste derrière le mur d’enceinte. Le plan de la mosquée est carré et divisé en trois nefs ou salles perpendiculaires au mur de la Qibla et en trois travées. « Les piliers à base carrée sont reliés entre eux par des arcs outrepassés. Des doubles pentes en tuile canal sur des nappes de rondins en thuya, couvrent les pièces. La coupole au-devant du mihrab est couverte par une toiture en tuile canal à quatre pentes. Le minaret évoque ceux des mosquées de la période abdalwadide par ses proportions, mais non par son décor, qui se résume à quelques saillies en briques enduites à la chaux, comme, du reste, le minaret tout entier », explique un document de la direction de la culture. Avant d’être, dès la fin du XIe et le début du XIIe siècle, la mosquée de Tafessera, l’édifice a été une synagogue, puis une église. Ce merveilleux site historique accueille annuellement de nombreux touristes, ahuris devant une cité berbère qui a connu le passage de plusieurs dynasties. Dans cette région, on trouve à l’heure actuelle des maisons troglodytes et de vielles habitations datant de nombreux siècles. Les quelques habitations, vielles, témoignent du passage d’une véritable civilisation.
Beni Bahdel complète le décor
Des paysages verdoyants et féeriques s’étalent à perte de vue. Des oliviers, des amandiers, des figuiers… Les eaux du barrage de Beni Bahdel complètent le décor. Dans les rochers, les premiers Berbères y avaient construit leurs habitations. Diyar El Gaâda est le nom d’un village construit au pied de la montagne. Il surplombe le délaissé barrage de Beni Bahdel malgré quelques opérations de restauration menées en 2011. L’ensemble des maisons, actuellement complètement délabrées et abandonnées, sont construites à base de terre et de chaux. Ces matériaux, a expliqué l’architecte, sont des isolants. La toiture a été également expliquée aux étudiants. Le bois est un matériau précieux et nécessite un savoir-faire pour éviter tout effondrement. Du haut de ce village, une vue panoramique s’offre au visiteur qui peut profiter des sources naturelles de Aïn Djenan dont les eaux sont prisées par ceux qui ont des problèmes de rein. Autre site à visiter : une grotte où existe de nos jours un pressoir avec une meule en pierre et des engrenages en bois. Un citoyen présent nous explique son fonctionnement. La grande roue en pierre est actionnée par un mulet. L’huile de la première pression s’écoule dans un bac en béton. Les objets que composait cette petite huilerie montée vers 1850 par un Espagnol et un juif, nécessitent une protection.
Khemis, une contrée qui a enfanté de nombreux savants et rois berbères
Poursuivant sa conquête, la délégation, et malgré la canicule de ce mois de mai, s’est dirigée vers Khemis, une contrée qui a enfanté de nombreux savants et rois berbères. Parmi eux, Cheikh Senoussi. Première escale : la mosquée de Khemis, qui fait partie des dizaines de mosquées classées dans la wilaya de Tlemcen. Roger Bellissant a écrit en 1941 : « Les Beni Snous disposent, pour l’exercice de leur religion, de quatre mosquées cathédrales à Tafessera, Tléta, Khemis et à Beni Achir. Ces édifices sont intéressants en ce sens qu’ils sont anciens, probablement du XIVe siècle, et si leur décoration tout à fait rustique n’est pas comparable aux élégantes arabesques des mosquées tlemcéniennes, leurs minarets en brique sont aussi gracieux dans leurs proportions que ceux des mosquées mérinides ou abdelwadides. Leurs salles de prière sont divisées en nefs dont les toits sont en tuile. Celle de Tafessera possède dans sa salle de prière, trois signes magiques gravés sur les murs, en forme de rectangle, de roue et de croix. L’attachement des Beni Snous à leurs mosquées est grand et ces dernières sont toujours bien entretenues, grâce aux revenus des biens Habous. Autour de chaque village, sont disséminés les tombeaux des saints qui veillent sur le bonheur des habitants. » Ces mosquées, véritables bijoux architecturaux, ont bénéficié des opérations de restauration à la faveur de la manifestation « Tlemcen, capitale de la culture islamique ». Malheureusement, les travaux ne sont pas encore achevés au niveau de la mosquée de Tafessera qui est toujours close.