INTERNATIONAL – De quoi l’Algérie a-t-elle peur? Alors que le pays avait donné son feu vert à la venue de magistrats et d’experts français sur son territoire pour enquêter sur la mort des moines de Tibéhirine, sa coopération pour faire la lumière sur cette affaire semble avoir des limites. France Info rapporte ainsi jeudi 23 octobre qu’Alger refuse que le juge Marc Trévidic et son équipe emportent en France les prélèvements effectués au cours de leur mission.
Le 14 octobre, les crânes des sept moines tués en 1996 avaient été exhumés en présence des magistrats français. Outre la présence d’impacts de balles, les analyses des têtes visent notamment à établir si la décapitation a été menée avant ou après la mort. S’il est peu probable qu’elles apportent une réponse définitive, elles pourraient permettre d’écarter certains témoignages et d’en accréditer d’autres.
La thèse officielle et les autres pistes
Ces analyses pourraient également permettre aux enquêteurs français d’avancer dans l’identification des tueurs: le GIA (un groupe islamiste, ndlr) qui a revendiqué leur enlèvement puis leur exécution; l’armée algérienne lors d’une bavure en se lançant à leur recherche; ou les services secrets algériens dans une opération de manipulation destinée à discréditer les islamistes? En Algérie, la piste du GIA ne semble pas faire de doute.
Est-ce que l’Algérie craint que les prélèvements viennent mettre en doute la version officielle? Toujours est-il que « ce blocage est d’autant plus regrettable que les juges français doutent de la capacité des Algériens à réaliser eux-mêmes les analyses nécessaires (ADN notamment), et même de leur capacité à conserver les prélèvements dans de bonnes conditions », ajoute également France Info.
L’avocat des familles des moines de Tibéhirine a lui dénoncé une « confiscation des preuves » par l’Algérie. Lors d’une conférence de presse à Paris, Me Patrick Baudouin a évoqué leur « terrible déception » de voir les investigations bloquées « par ce refus de transfert en France des prélèvements opérés ».
Une enquête compliquée à mener
Les magistrats français avaient demandé à se rendre en Algérie il y a près de trois ans dans le cadre d’une commission rogatoire internationale, déclenchant de longues tractations entre Paris et Alger. Les deux reports successifs après l’accord de principe donné par l’Algérie en novembre 2013, ont ensuite suscité l’agacement du juge Trévidic. Les magistrats français avaient par ailleurs demandé à entendre une vingtaine de témoins, dont des ravisseurs présumés, mais n’ont pas obtenu gain de cause sur ce point.
Les moines Christian de Cherge, Luc Dochier, Paul Favre Miville, Michel Fleury, Christophe Lebreton, Bruno Lemarchand et Célestin Ringeard avaient été enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 dans leur monastère où ils avaient choisi de demeurer malgré les risques liés à la guerre civile ravageant le pays.